Les jeunes de Tsoundzou prêts à lancer leur association

Nous les avions rencontrés au début de leurs projets, les jeunes de Tsoundzou 2 ont depuis bien avancé dans l’aménagement de leur quartier. L’association H2R est en passe d’être créée. Ils racontent.

« Ça, c’est notre première plantation ! », montre Fahed Faissouli, 24 ans. Deux variétés de pousses de vanille ont été plantées. Ce surveillant du collège de Kwalé s’est joint au groupe de jeunes rencontrés il y a un mois, à Tsoundzou 2, pour un précédent reportage. Un habitant du village, du nom d’Antoy Abdallah, avait eu l’idée de rassembler des jeunes pour leur proposer de nettoyer leur quartier et de l’aménager, afin de les occuper dans un premier temps, et de créer une association ensuite. Depuis, le lit de la rivière a été dégagé, permettant à deux femmes venues ce jeudi 7 mars de faire leur lessive, le bambou a été coupé, une clôture construite, une grande table montée…

Sur une espèce de banc surélevé, qu’il n’y avait pas encore début février, plusieurs jeunes « font une pause cigarette » dans leur chantier. « On va aussi planter des fleurs, jardiner, faire un petit potager », détaille, assis, celui qui se fait surnommer « Commissaire » après un stage fait à la police, mais qui depuis aspire à travailler dans les espaces verts. « Mais sans papiers, c’est toujours très compliqué ». « C’est ce qui pousse les jeunes à devenir des voyous ! Comme ils n’arrivent pas à trouver de formation, de boulot, ils cassent des bus », enchaîne Nadal, presque 18 ans, que les autres ont vu grandir, car tous se connaissent. « Je suis allé à Pôle emploi (N.D.L.R. aujourd’hui France Travail), à la mission locale, maintenant, je dois rappeler les Apprentis d’Auteuil. Mais quand tu sors de ton village, c’est risqué. Tu ne sais pas ce qui va se passer », livre celui qui est venu découvrir le projet après avoir croisé l’initiateur du projet la veille, là où « la plupart des gens nous voient traîner et pensent qu’on va les racketter ».

« Donner un avenir »

 « On a fait école ici, on a le certificat, tout, mais ça ne marche pas. Ce qui m’intéresse le plus c’est de vivre correctement, trouver un boulot », intervient Yaro, 24 ans, arrivé des Comores à l’âge de six mois. Le sourire facile et le moral gonflé à bloc, il est content de se lever le matin « pour faire quelque chose » et d’être fatigué à la fin de la journée, au lieu de « ne rien faire à part compter les voitures ».

« Ce qui est important, c’est de nettoyer l’espace, faire des bancs, montrer à tout le monde qu’on est motivé », reprend Fahed Faissouli, futur secrétaire adjoint de la structure qui allierait environnement, art musical et social. « Pour le moment, on fait avec ce qu’on a » : quelques râteaux, une petite tronçonneuse…

Le collectif souhaite se former et former les jeunes à construire du mobilier, jardiner… Pour les préparer à des métiers, permettre des formations pour les sans-papiers. Il espère aussi utiliser la vente de ce qui est planté et sera cultivé prochainement pour leur permettre de financer des repas pour les jeunes. Mais ils souhaitent aussi faire de la musique, dans une salle de la Maison de la jeunesse et de la culture (MJC) du quartier, s’enregistrer, mixer le son, donner des concerts… Il se voit déjà animer des ateliers de rap pour les aider à écrire de « bonnes paroles » qui parleraient « correctement » de leur quotidien. « On pourrait aussi aider les personnes âgées et faire en sorte que les jeunes s’insèrent dans la vie sociale. »

Pour lui, ce n’est pas la faim qui les motive, « ici, ce n’est pas comme en métropole, on peut trouver à manger dans la malavoune [forêt tropicale] », mais le fait de s’occuper. « Leur donner un avenir et leur éviter d’avoir de mauvaises idées », résume-t-il. Même si c’est en tant que bénévoles dans une association.

« Nous on y croit »

« Je te la laisse ? », demande Nina, une voisine, venue, avec sa fille en bas-âge. Elle part chercher une feuille et des crayons pour réfléchir au logo de l’association. À son retour, les idées foisonnent. Mais la base est déjà toute trouvée : la structure portera le nom de Narivouké (« s’en sortir » en français), et son logo sera H2R pour « Héritiers de la rue ». Ce blaze trouvé en 2012 par ces jeunes et que Yaro a de tatoué sur la main et le bras représente tous les jeunes de Tsoundzou 2. Il l’a tagué le premier jour sur le muret, près de la place qu’ils ont investi, à côté de la rivière. Un nom de ralliement mais pas un nom de bande. « Nous on s’entend avec tout le monde. On n’est ni les Terroristes [Alliance de jeunes de Tsoundzou 1, Vahibé etc.] ni les Watoro [Autre alliance avec des jeunes de Kawéni, Combani etc.] », fier de montrer un tee-shirt customisé « H2R ».

« Vous voulez représenter la paix ? La misère ? Comment on représente ça en dessin ? », les stimule Nina, professeure qui compte venir tous les mercredis une fois les vacances scolaires terminées. « Commissaire » propose d’y ajouter de la vanille. Pour symboliser ce qu’ils plantent, l’idée qu’ils grandissent et se créent des racines. Plus loin, son compagnon, joue avec les plus jeunes, des dés et gobelets posés sur la table. « Alors tu as choisi quel chiffre ? », leur demande celui qui souhaite mobiliser des compétences comme le fait de savoir compter. « On a vu ce qui se passait sous notre fenêtre. On a profité des fumées [végétal ramassé pour nettoyer la zone et brûlé par les jeunes] et on s’est dit pourquoi pas participer ? », explique-t-il.

« Tout le monde vient quand il est libre », reprend le surveillant. Pour le moment, ils sont une vingtaine. « Mais ça continue d’augmenter. » Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, Antoy Abdallah incite les gens à venir les aider. Lui qui a tout financé de sa poche, les boutures de vanille qui viennent de son champ et les planches en bois qu’il a achetées par exemple pour la table, n’a plus qu’à déposer les papiers pour créer officiellement l’association. « Plein de gens pensent que ça n’ira pas plus loin. Mais nous on y croit », martèle Fahed Faissouli.

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