"L'objectif de ces nouvelles dispositions vise à aller vers la départementalisation", résume le directeur des impôts. Petit à petit, le régime fiscal mahorais s'aligne sur celui en vigueur dans les autres Dom, en attendant les quatre impôts locaux qui ne devraient entrer en vigueur qu'en 2014, selon la feuille de route communiquée par le Président de la République. M. Jean-Baptiste a obtenu des conseillers généraux le vote de toute une série de mesures visant globalement à faire baisser l'imposition sur les contribuables mahorais, encore à un niveau très haut, sans qu'il y ait une baisse des recettes pour le Collectivité. Selon lui, l'impact de ces nouvelles modifications du Code général des impôts de Mayotte sur les finances du conseil général sera faible car les recettes venant de l'imposition sont beaucoup moins importantes que celles relatives aux droits de douane.

L'impôt sur le revenu passe de 50 à 39 tranches, et l'impôt de solidarité, qui concernait les petits contribuables dont les revenus annuels étaient compris entre 7.000 et 10.000 euros, est supprimé. Selon M. Jean-Baptiste, l'impact de cette réduction de l'imposition est faible pour les finances de la CDM car la progression des revenus imposables est en constante augmentation ces dernières années, passant par exemple de 16,5 millions d'euros en 2007 à 25 millions en 2008. La tranche de revenus la plus élevée passe donc d'une imposition de 50 à 39%, ce qui va profiter aux quelques 500 "gros" contribuables, mais également aux 90% de la population qui ont des revenus moyens ou faibles. "En période de crise, l'effort de l'Etat porte surtout sur les "petits"", tient à souligner le directeur des services fiscaux.

"Le barème n'avait pas évolué depuis 2003, alors que les revenus ont augmenté", explique M. Jean-Baptiste, "c'est pour ça que l'impôt sur le revenu devenait lourd à Mayotte : il y avait par exemple une différence de 35% dans certains cas par rapport à la Réunion". En outre, dans le calcul de l'impôt sur le revenu, la déclaration de plusieurs épouses est désormais impossible. "En droit français, la seconde épouse n'existe pas. C'est seulement une mesure technique", précise le directeur des services fiscaux, "il n'est pas question pour les impôts d'intervenir dans les us et coutumes des Mahorais, mais si on veut aller vers le droit commun, on ne peut pas l'inclure".

La loi Girardin et la loi Tepa désormais applicables

D'autres dispositions du droit commun sont également applicables dans leur intégralité, comme la loi Girardin qui permet désormais aux résidents de Mayotte de défiscaliser leurs investissements ailleurs que sur le territoire mahorais, "dans un souci de réciprocité et d'harmonisation des règles". Là encore, selon M. Jean-Baptiste, l'impact sur les finances de la CDM sera faible car généralement les investisseurs défiscalisent là où ils habitent, et les prix de la construction à Mayotte demeurent plus attractifs que dans les autres Dom. Une réunion sera prochainement organisée avec les professionnels de la défiscalisation et la préfecture pour leur expliquer les nouvelles procédures, avec des dossiers qui seront désormais envoyés directement aux impôts, sans passer par la préfecture.

La loi Tepa (loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat) du 22 août 2007 est désormais applicable et va permettre d'aligner les droits de succession et les droits de donation sur ceux de la Métropole, avec par exemple l'abattement sur la donation entre grands-parents et petits-enfants, qui était jusque-là fortement imposée. Une autre réforme chère au Président Sarkozy, celle de l'exonération sur les intérêts d'emprunt est désormais également applicable. Les intérêts sur les prêts étudiants et les rachats d'entreprises par les salariés seront aussi exonérés. La prestation compensatoire en cas de divorce est désormais déductible, même dans le cas où le conjoint habite en Métropole. Enfin, la plupart des droits de timbre ont été supprimés, tout comme le droit de bail (une taxe de 2,5% sur les loyers).

La référence à la doctrine et à la jurisprudence métropolitaines aujourd'hui possibles

De nouveaux crédits d'impôts sur le revenu sont également possibles pour tout contribuable qui décide d'acheter un équipement qui utilise des énergies renouvelables ou qui favorise l'isolation thermique des bâtiments : 50% du prix d'achat de ces équipements sont déductibles. Une mesure qui vise notamment à inciter les particuliers à s'équiper en chauffe-eau solaires (voir dossier MH n°399).

Autre innovation : la référence à la doctrine et à la jurisprudence en matière de droit fiscal en Métropole pourra être utilisée à chaque fois qu'une disposition du Code général des impôts de Mayotte fera référence à un texte identique en Métropole. "Les avocats affirmaient qu'à cause de l'autonomie fiscale, on ne pouvait pas utiliser les jugements de Métropole ou les bulletins officiels de l'administration", explique M. Jean-Baptiste.

L'identité législative est donc en train de se faire de manière progressive, et doit s'achever en 2014 au plus tard. "Nous travaillons avec tous les ministères pour que ce qui est possible de passer en identité législative, on le fasse quand techniquement ça ne pose pas de problème législatif, informatique ou d'identification des personnes", souligne M. Jean-Baptiste.

Depuis le 1er janvier 2008, l'impôt sur les sociétés est le même qu'en Métropole, mais les services fiscaux doivent encore évaluer la valeur locative cadastrale de toutes les propriétés, pour que les "4 vieilles" de la fiscalité directe locale (taxe d'habitation, taxe professionnelle et taxes foncières sur le bâti et le non-bâti) puissent être mises en place. Un travail qui devrait prendre encore 2 à 3 années…

Julien Perrot


L'abattement de 20% pour les salariés intégré

Pour les déclarations de revenus de 2008 qui auront lieu au mois d'avril, une mesure de simplification vient d'être adoptée par le conseil général, sur proposition des services fiscaux : désormais, l'abattement de 20% pour les salariés sera directement intégré au barème de l'impôt sur le revenu. "Dans un souci de simplification et de lisibilité, toute l'architecture de l'impôt sur le revenu et tous les seuils comme celui du quotient familial, ont été modifiés pour prendre en compte l'abattement de 20% pour les salariés", explique M. Jean-Baptiste, le directeur des services fiscaux.

Par exemple, pour un salarié qui a 10.000 euros de revenus annuels, une fois l'abattement de 10% pour les frais, puis celui de 20%, le barème s'appliquait pour l'instant sur 7.200 euros de revenus déclarés. Cette année, ce contribuable sera taxé sur 9.000 euros, mais comme le barème a été modifié, il ne paiera pas plus d'impôts. "Ca ne changera rien, et même ça baissera", assure M. Jean-Baptiste. Pour rétablir l'équilibre, les revenus des professions non-salariées seront multipliés par 1,25, mais là aussi cette surtaxe ne changera pas leur imposition. Les déductions supplémentaires pour certaines professions restent en vigueur.


Toutes les plus-values immobilières seront maintenant taxées

Avec la réforme de la publicité foncière, tous les actes portant sur l'immobilier doivent désormais être enregistrés au service de la conservation de la propriété immobilière par l'intermédiaire du notaire (voir dossier MH n°402). L'administration pourra ainsi avoir connaissance de toutes les plus-values réalisées et leur liquidation sera réalisée par les notaires au moment de la rédaction et de la publication des actes. Le directeur des services fiscaux se félicite de cette réforme car avec la disparition et la régularisation progressive des actes sous seings privés et ceux rédigés par les cadis, "maintenant, toutes les plus-values éventuelles seront taxées pour abonder le budget de la Collectivité".