L’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (Acfav) a organisé, toute la matinée du 8 mars, des tables rondes pour discuter de la femme mahoraise pour la Journée internationale des droits des femmes, au lycée des Lumières, à Kawéni, Mamoudzou. Un moment pour évoquer le passé et inspirer l’avenir.
« Je suis venue avec ma fille, quel espoir pouvons-lui donner aujourd’hui ? .», questionne dans le public, une des nombreuses femmes présentes dans l’amphithéâtre du lycée des Lumières, à Kawéni. Ce vendredi 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes (Acfav) a invité plusieurs invités pour évoquer l’évolution du travail de sage-femme, le parcours vers l’autonomie et l’émancipation de la femme ainsi que l’entreprenariat. « L’occasion de magnifier nos mères, nos filles et nos sœurs », déclare Zouhourya Mouayad Ben, vice-présidente du conseil départemental de Mayotte, en préambule. Mais aussi de « débattre » et « d’avancer pour nos droits ».
« Nous étions toutes seules, pas de congé, pas de repos », témoigne Chamsia Madi Mdahoma, sage-femme retraitée, aux côtés d’anciennes consoeurs dont Mariata Bacar qui a débuté sa carrière en 1971, à 17 ans. Ces premières femmes formées étaient bénévoles, il n’y avait pas d’ambulances… « Je réquisitionnais les taxis sur la route », évoque Kourati Massa, qui travaillait, « sans médecin », en zone rurale à M’tsangamouji. Une lampe à pétrole posée sur la table reflète les conditions de travail d’autrefois, sans électricité.
« Ce n’était pas facile de sauver les bébés », ajoute Mariata Bacar. Encore dans les années 90, les dispensaires ne disposaient pas de matériel pour faire des échographies. Jusqu’à en avoir ensuite de la taille « d’un minitel », détaille une autre. « Mais c’était mieux que rien, on a pu après commencer à dater les grossesses. »
« Il reste encore beaucoup de choses à faire »
Elles se souviennent de patientes arrivées en urgence au bloc opératoire après avoir tenté un avortement clandestin. Mais aussi de leur lutte silencieuse à prescrire illégalement des ordonnances pour fournir un moyen de contraception. Avant que la loi confère ces droits. « Ꞔa a été un très long chemin, mais il reste encore beaucoup de choses à faire. Il nous faudrait des centres de PMI [protection maternelle et infantile]. On n’en a pas suffisamment », relève l’une des invitées.
Le directeur des soins du centre hospitalier de Mayotte, Aynoudine Salim, « ému » d’avoir écouté ces femmes, se targue de compter à ce jour « 80 % de femmes : cadres, manageuses… » dans l’établissement. Un argument qu’il utilise pour inciter les jeunes femmes à étudier dans la santé. En raison et en dépit des « problématiques de ressources humaines et d’infrastructures », soulève une salariée présente à ses côtés.
« Des stéréotypes ancrés en nous »
Deux autres tables rondes évoquent les difficultés éprouvées par les femmes à avoir une autonomie financière et éduquer seules leurs enfants, « sans recevoir leurs allocations », que les maris, absents, percevraient, commentent des assistante et médiatrice familiales. Tandis que des entrepreneures témoignent de leurs lacunes et de leurs forces. Elles n’ont pas toujours de compétences informatiques, ne sont pas forcément allées à l’école, et ont dû s’affirmer davantage. « On nous appelait naturellement secrétaires », se souvient Farrah Hafidou, présidente d’Oudjerebou (couveuse d’entreprises) et entrepreneuse, avec sa sœur, dans le métier du bâtiment, lorsqu’elle allait sur des chantiers il y a quinze ans pour les diriger. « Ce sont des stéréotypes ancrés en nous et qu’il faut remballer pour éduquer nos enfants. Et peut-être, ne plus avoir dans dix ans, besoin du 8 mars. »
Les échanges terminés, le public est invité à rejoindre les stands de partenaires pour s’informer sur divers sujets telle que l’insertion professionnelle. Pour la présidente de l’Acfav et organisatrice de la journée, Sophiata Souffou, il s’agissait ce vendredi de montrer aux quelques jeunes filles présentes « ce qu’était le travail d’hier pour qu’elles fassent au mieux par la suite ». Et si peu d’hommes étaient présents pour constater le passé et envisager l’avenir en vue de l’égalité entre les femmes et les hommes, elle en est sûre : « le message arrivera à destination ».