04/04/2008 – Pêche – Trois jeunes Mahorais montrent l’exemple

La Copemay s'est battue bec et ongles auprès des instances gouvernementales afin d'obtenir le financement d'un tel navire qui représente le début d'une pêche professionnelle d'envergure dans l'île. Résultat : un palangrier de 8,85 mètres de long, 3,40 mètres de large, d'une capacité de 1.000 litres de combustible avec 3 mètres cubes de cale à poissons, pouvant aller à 24 nœuds de vitesse, a débarqué à Longoni ce mardi, sous les yeux enthousiastes des trois jeunes Mahorais et de Pierre Baubet, le directeur de la Copemay et instigateur de ce projet devenu réalité cette semaine. Ce dernier, en poste depuis le début des années 80, obtient enfin les financements adéquats pour faire décoller une activité naturelle de Mayotte : la pêche aux pélagiques.
Twaro signifie espadon en shimaore. Le nom résume à lui seul les objectifs de l'exploitation : cibler les poissons de passage qui circulent dans les courants des 50 miles nautiques : thons et espadons. Pour l'instant, un seul bateau exploite cette filière, le Ménakély. "Le Twaro est très rapide, c'est l'un des plus rapides construits en France. Cette vitesse doit améliorer la qualité du poisson vendu grâce à un temps passé dans les cales très court. Il s'agit d'aller sur le banc, de prélever et de ramener en moins d'une journée. Il y a à Mayotte un marché de qualité du poisson qui est rendu rentable pour le pêcheur grâce au prix d'achat de la Copemay qui sont parmi les meilleurs du monde", affirme Jacques Albin.
Ce monsieur de la pêche palangrière de la région a été choisi par les chantiers Béneteau pour venir former les trois jeunes Mahorais à l'entretien du navire et à son exploitation optimale. Jacques Albin, dorénavant basé à Maurice, a détenu pendant longtemps le haut du pavé à la Réunion, même Thalassa, l'émission de référence de France 3, l'a portraitisé.
 

La rentabilité d'une telle pêche et de ce bateau sont déjà assurées

"La rentabilité d'une telle pêche et de ce bateau sont déjà assurées. Le travail de marin pêcheur à Mayotte, par rapport à la mer qui est rarement grosse, est moins dur qu'à la Réunion et il y a plus à gagner. A la Réunion, on nous achète le kilo d'espadon à trois euros contre cinq euros ici. Je remarque que le kilo de filet de thon envoyé sous vide à Rungis, à Paris, est acheté onze euros pour être vendu 4 euros à 5 kilomètres de Paris. Ce n'est pas normal. A Mayotte, grâce à la coopérative, nous bénéficions d'un climat optimal pour réussir", observe le consultant de Béneteau.
Irchad et Kamal sont prêts à relever le défi. Les deux hommes ont travaillé à la Réunion sur ce type de bateau après avoir obtenu leur diplôme à l'Ecole d'apprentissage maritime de Dzaoudzi. "Nous sortirons 3 à 4 fois par semaine. S'il faut rester la nuit nous le ferons. Nous sommes motivés. Perso, je ne me voyais pas faire le taxi entre Petite Terre et Grande Terre. La pêche c'est mon rêve depuis mon enfance à Hagnoundrou. Je suis né dans l'eau mais je ne voulais pas mettre ma vie ne jeu en partant sur un kwassa à 300 miles. C'est une chance que nous donne la Copemay, il est hors de question de la laisser passer", remarque Kamal.
Dix autres bateaux du même type sont programmés dans les chantiers Béneteau, il faudra juste trouver des gens aussi motivés que ces jeunes Mahorais du sud.

Gérôme Guitteau


Qui finance ?

Le ministère de l'Outremer (Mom) ne s'est pas contenté de financer l'outil, il a aussi déboursé 40.000 euros dans la formation des mécaniciens qui se chargeront de l'entretien des palangriers et aussi dans l'achat d'intrants indispensables aux pêcheurs comme les appâts.
De son côté, le chantier Bénéteau, à travers sa fondation, a financé à hauteur de 22.000 euros la formation des équipes au métier de la long line. Il est regrettable que les banques ne soutiennent pas cette filière.

Les quatre piliers de la future pêche mahoraise

Développement du long-line avec une flotte d'une dizaine de navires
Repousser les thoniers senneurs au-delà des 50 milles nautiques
Créer des structures portuaires
Développer la pêche artisanale des petites barques grâce au quadrillage de l'île par des dispositifs de concentration de poissons (DCP).

Sur ce dernier point les avis sont partagés. Une étude d'évaluation de la biomasse sous les DCP va être menée en 2008 par l'IRD (Institut de recherche pour le développement, ancien Orstom) et l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) à Mayotte pour l'ensemble de l'océan indien.

Pour les services étatiques la question n'est donc pas urgente, même si les anciens DCP n'existent plus faute d'entretien. Ces DCP, s'ils étaient aux environs des 5 milles nautiques, deviendraient des zones de pêches prioritaires pour les barques. Dans tout l'Outremer, l'efficacité des DCP est avérée. "Elle est une réalité économique pour des pêcheurs qui ne peuvent plus s'en passer", assure le syndicat professionnel maritime des patrons pêcheurs de Mayotte.

Ils ne seraient plus obligés de prendre des risques inconsidérés en direction de la Zélée ou des Glorieuses. A ce propos, six barques construites à Madagascar et importées par Carène moteurs services ont été commandées par des pêcheurs locaux. Leurs configurations ouvrent des campagnes d'une journée, justement dans cette zone plutôt sûre entre 5 et 20 milles nautiques, pour un prix avoisinant les 50.000 euros.

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