Alors que mars 2009 approche à grands pas, les médecins se pressent au chevet de la départementalisation bien malade… Certains pour essayer de sauver ce qui peut l'être, d'autres pour enfoncer le malade. Beaucoup préfèreraient en effet un statut temporaire, bâtard, maintenir les Français de Mayotte dans le statu quo intemporel dans lesquels ils sont depuis 30 ans. Ca coûterait trop cher… Il n'y a pas d'état-civil, pas de cadastre. Ils sont musulmans, ne parlent pas français… D'autres encore pour continuer leurs magouilles, perpétuer leurs petits trafics, pour qu'on ne fouille pas dans leurs compétences, leur travail, leurs patrimoines. Tous les arguments ressurgissent, comme pour l'hallali, de toutes parts…

Au milieu de ces forces rétrogrades, il faut être forts, rassemblés, sûrs de la volonté populaire, mais aussi honnêtes pour faire sortir Mayotte de l'ornière et reprendre la route de l'avenir et de la liberté sur laquelle l'ont installée les anciens, uniquement préoccupés par les intérêts de Mayotte et de ses habitants.

Pour certains, une terre musulmane n'a pas sa place dans la République. Ceux-là sont facilement identifiables, ils ne constituent pas une force trop importante dans la République laïque, mais tout de même, d'autant qu'ils ne sont absolument pas contrebalancés par un soutien actif des 5 millions de musulmans français qui pourraient se mobiliser pour ne pas laisser leurs coreligionnaires sur le bord du chemin. Ce rejet parfois xénophobe avait trouvé un point d'appui fort avec la polygamie, active jusqu'à l'amendement déposé à l'Assemblée nationale par Mansour Kamardine. C'était devenu un leitmotiv, une charrue devant ses bœufs, un motif de non-départementalisation sans concession possible. Soit. Heureusement que l'excision n'était pas pratiquée ici…

Pour d'autres, les retards en termes de développement, les ordures dans les rues, les habitats insalubres consistaient des blocages mentaux… Des Français ne peuvent pas vivre dans de telles conditions, donc vous n'êtes pas (complètement) Français… Et revenez nous voir quand vous serez prêts… Là des efforts ont été faits, sont réalisés, même si beaucoup reste à faire, énormément. Même si l'Etat donne des moyens d'investir qui ne sont pas utilisés faute de personnes compétentes et repartent, ou alors sont basculés dans la section fonctionnement pour payer des salaires inutiles, des voyages incessants, des voitures neuves, ou des factures de téléphone stratosphériques…

Mais la population ne dit rien. Chacun doit manger à son tour, semble dire la vox populi ! Là, un sursaut citoyen est nécessaire, la justice ne doit pas continuer à détourner les yeux. Mais là comme en d'autres domaines, il y a toujours la peur de faire des vagues, de provoquer des réactions inconnues et les pratiques perdurent, donnant des arguments ici et ailleurs pour rester dans un tel statu quo. Ceux qui se servent rejoignant ceux qui ont peur, pour leur carrière, que ça bouge trop…

Pour d'autres aussi, très républicains, la non-pratique du français par une grande partie de la population est un frein, voire un pré-requis, indispensable. Là, la France est fautive… Elle n'a pas mis les moyens, en termes de constructions d'écoles, mais aussi en moyens humains en mettant devant les élèves des enseignants qui ont fait leur maximum… Mais ils ne pouvaient pas faire plus et l'Etat français leur a confié l'éducation de générations de Mahorais… avec les résultats que l'on paye aujourd'hui.

Des efforts considérables sont faits aujourd'hui, certes, mais ce n'est pas un argument que l'on peut envoyer à la face de Mayotte. Tout comme la mise en place de l'état-civil et du cadastre. Tout au plus, dans ces missions mal assurées par l'Etat, peut-on regretter la trop faible implication des élus qui auraient dû communiquer, informer leurs concitoyens sur l'importance des formalités à accomplir. Un afflux de demandes et des coups de gueule des élus auraient fait réagir les autorités bien plus tôt…

Il reste un point qui pose problème. Il faut bien le reconnaître et le comprendre. C'est l'immigration clandestine. 60.000 à 80.000 clandestins (sur)vivent sur l'île. Ils sont installés sur les hauteurs de Mamoudzou, de Koungou, à Vahibé ou Combani, au vu et au su de tous, des autorités chargées de la lutte contre l'immigration clandestine en premier lieu. Mais elles ne pourront pas faire leur travail si ces clandestins sont logés, avec un loyer qu'ils versent à des "propriétaires", et les sommes en jeu sont importantes. L'île s'écroulera avant d'avoir décollé, si ces clandestins sont encore employés par des particuliers ou des pseudo-entrepreneurs qui sapent les bases d'un développement économique de l'île. Les entreprises en règle subissent, dans le BTP et l'agriculture en particulier, cette concurrence déloyale et ne peuvent survivre, se développer et créer des emplois.

Face aux adversaires de la départementalisation, face aux arguments parfois fallacieux, face aux partisans du statut quo, il faut imaginer un avenir radieux, des perspectives d'espoir, mettre en avant des atouts considérables. C'est tout le travail ici comme à Paris que nos élus ont à assurer ces prochains jours.

Laurent Canavate