L’attente semée de doute des migrants du stade de Cavani

Depuis le 25 janvier, qui a marqué le début du démantèlement du camp de migrants dans l’enceinte du stade de Cavani, à Mamoudzou, ses occupants attendent patiemment leur tour pour enfin quitter cet endroit. Pour ceux qui restent, voir les autres partir alors que les conditions de vie se durcissent devient de plus en plus compliqué.

« C’est étrange, parce qu’on voit les autres partir, nos amis parfois, et nous on reste ici, de plus en plus isolés, sans savoir ce qu’on va devenir. » C’est ainsi qu’Alain parle de l’ambiance dans le campement du stade de Cavani, dans la commune de Mamoudzou, amputé depuis le 25 janvier d’une partie de ses occupants. Si depuis un mois, des groupes de quelques dizaines de personnes quittent le territoire mahorais au fur et à mesure du démantèlement du bidonville, ce lundi matin, ils sont 308 à être partis. Alain, qui est parmi les 410 personnes encore présentes dans le camp, d’après un communiqué de la préfecture paru ce dimanche, espère faire partie du prochain convoi.

Ici depuis cinq mois avec sa famille, le demandeur d’asile attend encore de connaître le sort qui va lui être réservé. Un sort qui a déjà été décidé, mais dont n’a pas encore pu prendre connaissance le ressortissant congolais, qui était activiste pour les droits de l’Homme dans son pays d’origine. Le courrier qu’il attendait pour l’en informer est arrivé à l’association Solidarité Mayotte, fermée depuis plusieurs semaines à cause des menaces reçues depuis le début du démantèlement du camp. Il ne peut donc pas y accéder.

Cette incertitude semble être le lot de la plupart des habitants du bidonville, qui, quand on leur parle, n’ont pas l’air d’être bien au courant de leur prochaine destination. Richard, originaire de Tanzanie, arrivé sur le territoire mahorais il y a trois mois, garde son récépissé de demande d’asile précieusement enregistré sur son téléphone. « J’espère obtenir les papiers qu’il faut pour pouvoir partir dans l’Hexagone, car ici on n’est pas en paix. Mais pour l’instant j’attends encore la décision », explique-t-il en anglais.

« Laisser manger les enfants »

Gloria, qui vient aussi de Tanzanie, n’en sait pas beaucoup plus sur l’avenir qui l’attend. « Je n’ai pas beaucoup d’informations sur où en est ma demande d’asile », constate l’anglophone. A côté, on nous désigne une famille ayant obtenu le statut de réfugié, qui attend encore d’être appelée pour partir vers l’Hexagone.

« Ça devient difficile en tant que parent, on a moins de bons alimentaires avec la fermeture de la Solidarité. Parfois, on ne fait qu’un repas par jour ou alors on se prive pour laisser manger les enfants », décrit Alain, qui a assisté ce dimanche à la visite du stade par le préfet de Mayotte fraichement débarqué, François-Xavier Bieuville. « Il nous a demandé de le soutenir dans le démantèlement, qui est sa priorité, et c’est ce qu’on fait : on n’a pas envie d’être ici. Mais on ne nous a pas vraiment donné de calendrier et on nous a dit que les barrages ralentissaient le départ des gens », relate le demandeur d’asile, qui confirme qu’il revient toujours aux occupants du camp de coopérer en détruisant leurs « maisons » avant leur départ.

Des occupants déjà hébergés ailleurs

L’attente est longue et devient même pressante. En parlant avec différents occupants du stade ce lundi après-midi, on apprend que certains réfugiés en règle et bénéficiant déjà d’un hébergement à Mayotte depuis quelques temps seraient venus exprès au camp de Cavani, à l’annonce de son démantèlement, pour être envoyés vers l’Hexagone. Si certains adopteraient cette stratégie d’eux-mêmes, d’autres y seraient résolus, leurs bailleurs ne voulant plus « d’Africains » dans leur logement. Contactée à ce sujet, la préfecture n’a pas encore répondu à nos sollicitations, ce lundi soir. Fait avéré ou simple rumeur, cette information qui circule tend néanmoins certains habitants de longue date du stade, qui ont l’impression de passer après. Quelques-uns auraient commencé à dresser une liste des habitants du bidonville pour pallier la situation.

Si l’impression de perdition est grande au contact des migrants du campement du stade de Cavani, tous se raccrochent à l’espoir de pouvoir quitter cet endroit, à l’image d’Alain : « On remercie le gouvernement pour ce qu’il fait, le démantèlement, le relogement, l’encadrement. On aimerait que ça continue pour toutes les personnes en situation d’asile. »

La vie de château (provisoire) en métropole

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D’après nos confrères du Parisien, l’un des points de chute des réfugiés dans l’Hexagone est le château de Thiverval-Grignon (Yvelines). L’ancien campus d’AgroParis Tech, dont la vente à un promoteur immobilier a été annulée, est connu pour sa bâtisse du XVIIème siècle et ses centaines d’hectares de terres agricoles et de forêts. Selon le quotidien parisien, 195 passagers en provenance de Mayotte sont attendus sur place. L’encadrement et l’accueil seront assurés par des bénévoles de La-Croix-Rouge et des travailleurs sociaux d’Emmaüs. Ils seront sur place une quinzaine de jours, avant d’être transférés vers des solutions d’hébergement en province. Ce n’est pas la première fois que le domaine est utilisé pour de l’hébergement d’urgence. Fin 2022, 200 réfugiés sans-abris avaient pu y passer l’hiver, rappelle le Parisien.

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