Assises de Mayotte : Quinze ans de prison pour « l’homme à la hache »

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Lors du troisième et dernier jour d’audience, ce mercredi, devant la cour d’assises, deux hommes ont été reconnus coupables de tentative de meurtre, le 28 janvier 2016, à Mamoudzou. Alors que l’avocat général dépeint un accusé « assoiffé de sang » et l’autre, « lâche et manipulateur », la défense relève un manque de preuves et demande une requalification des faits. En vain.

« C’est quelqu’un assoiffé de sang », tranche l’avocat général Paul-François Thibault, en ce troisième jour de procès aux Assises de Mayotte pour juger deux hommes au motif de tentative de meurtre sur des faits commis il y a huit ans. Le verdict a été rendu ce mercredi : ils sont tous les deux jugés coupables. « C’est ce genre d’individus qui ont commencé la violence à Mayotte […] C’est eux qui ont montré l’exemple », avance l’avocat de la partie civile, maître Ibrahim Abdel-Lattuf, qui se souvient d’un territoire encore « apaisé » en 2016 même si déjà gangréné par des conflits entre bandes rivales de quartiers différents (là Kawéni dont Recto-Verso contre Barakani). « Ils ont voulu tuer. » Plus encore, « ils étaient préparés à faire couler le sang ».

Parmi trois jeunes pris à parti par une quinzaine voire une trentaine de personnes dans le quartier de Barakani, à Mamoudzou, dans la soirée du 28 janvier 2016, un adolescent de tout juste 15 ans a reçu plusieurs coups, dont les plus graves à la tête, par une hache, avant que la police intervienne. La victime, toujours absente de ce procès et que la cour n’a pas réussi à recontacter, avait ensuite réussi à atteindre l’hôpital et y est restée un mois. Désormais, « [elle] a du mal ne serait-ce qu’à prendre un verre d’eau » et « souffre de douleurs au soleil », informe son avocat. C’est sa main qui lui a permis de parer un troisième coup de hache.

« La violence, c’est l’air qu’il respire »

Si le premier accusé, Mohamed Touiouilou, tout juste dix-huit ans au moment des faits, confie sa culpabilité depuis le début de cette audience, le second maintient ne pas avoir participé à l’agression, ni de l’avoir assisté en lui tendant la hache comme cela lui est reproché. Sur la base des auditions réalisées avant l’audience, l’avocat général tacle ce père de famille d’une trentaine d’années de « menteur », de « lâche » et de « quelqu’un de manipulateur qui tente de berner la cour ». « La violence, c’est l’air qu’il respire », reprend-t-il au sujet de « l’homme à la hache », comme il appelle le premier accusé, victime de violences sexuelles lorsqu’il était mineur et scolarisé jusqu’au CM2, qu’il targue de « psychopathe. » Les mots « Daech », « Mohamed Merah » [terroriste auteur de tueries en 2012 à Toulouse et Montauban] tatoués sur ses bras l’interpellent. L’homme assis sur son banc, le regard dirigé vers le sol, déjà condamné par exemple pour une affaire d’agression au tournevis après les faits, serait « fasciné par la violence ».

Il souffre en réalité, selon le rapport de l’époque, de tendances psychopathiques, un déséquilibre caractériel et une tendance addictologique (alcool et chimique, dont il ne se souvient pas s’il s’en était administrée le jour de l’agression). Selon la défense, l’homme avait aussi continué les soins psychiatriques même après une obligation de soins décidée par la Justice.

« Des accusations faciles »

« On a quand même un sérieux problème », plaide maître Askani Moussa, avocat du complice encore présumé, Sayr Hadidja, en contrôle judiciaire depuis 2016. Il déplore un manque de preuves matérielles lors de ce procès telles qu’une expertise ADN ou alors un certificat médical « complet ». L’identification de son client repose « seulement » sur des déclarations faites lors de l’instruction désignant un homme grand et réunionnais qui adresse aussi des coups et traîne la victime sur le sol. « Ce sont des accusations faciles […] Dans un groupe d’une vingtaine, de trentaine de personnes, ne pourrait-ce pas être quelqu’un d’autre ? »

« Je pense qu’il voulait faire mal mais pas qu’il voulait tuer », tente maître Fatih Rahmani, avocat de Mohamed Toiouilou, rappelant qu’il n’a pas agi seul, a visé l’arrière de la tête alors qu’il aurait pu s’y prendre autrement et relevant un écart de plusieurs minutes entre l’intervention de la police et l’arrivée de la victime à l’hôpital. Un laps de temps pendant lequel elle aurait pu avoir reçu d’autres coups par d’autres personnes, ou même être poursuivie par son client « s’il avait eu cette volonté de tuer ». Il réclame à recaractériser les faits en violence avec armes plutôt que tentative de meurtre.

Demande refusée. La cour déclare les deux accusés coupables respectivement de tentative de meurtre et de complicité. Mohamed Touiouilou, qui a déjà purgé une partie de sa peine en détention provisoire, écope de quatorze ans ferme. Sayr Hadidja de cinq ans, dont trois ans avec sursis. Une peine entièrement aménageable. L’avocat général avait, lui, requis vingt ans de réclusion criminelle dont treize ans de sûreté derrière les barreaux pour le premier accusé désormais coupable, qui avait ouvert la bouche pendant l’audience sans en comprendre le sens, et douze ans de réclusion criminelle pour celui désormais reconnu comme complice.