Zone des Badamiers : « On doit essayer de travailler avec les possibilités existantes »

Un récent article au sujet de la future zone d’activité économique des Badamiers à Labattoir (portée par l’intercommunalité de Petite-Terre) a suscité une réaction de l’Epfam (Établissement public foncier et aménagement de Mayotte). Son directeur, Yves-Michel Daunar, fait une mise au point.

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Yves-Michel Daunar, le directeur de l’Epfam. Photo d’archives

Flash Info : Pourriez-vous nous éclairer sur les missions dévolues à votre établissement ?

Yves-Michel Daunar : L’établissement intervient de façon multiple, dans beaucoup de domaines. Le premier, c’est donc celui de l’aménagement. Nous sommes là pour accompagner les collectivités, en fonction des projets qu’elles souhaitent mettre en œuvre sur le territoire, les accompagner dans le processus d’aménagement. Aménager, c’est quoi ? C’est élaborer le projet dans un cadre un peu collaboratif, en concertation avec les populations. Et une fois que le projet est accepté, validé et décidé, c’est trouver les moyens de  financements nécessaires à sa mise en œuvre, et ce n’est pas tout, c’est mobiliser l’ensemble des ressources qui ne sont pas que financières. Habituellement, les projets que nous portons sont généralement qualifiés d’intérêt général. Le plus important est de savoir si le projet est nécessaire ou pas ! Il peut être multiple et varié, un hôpital, un aéroport, des logements, etc… Et donc, si c’est nécessaire, nous devons trouver un foncier pour cela tout en sachant que l’objectif n’est pas de trouver un foncier sur le haut des monts Choungui ou Bénara, c’est disposer d’un foncier à proximité des lieux déjà bâtis, construits et occupés sur lesquels l’investissement pour la viabilisation peut être globalement maîtrisé en fonction aussi de la nature des lieux et des activités désirés.

FI : Quelles sont les conditions préalables à l’Epfam pour intervenir sur ce foncier ?

Y-M.D. : Il y a deux conditions essentielles à remplir pour y parvenir, rencontrer les propriétaires pour échanger, savoir s’ils sont vendeurs ou pas, s’ils sont porteurs de projets ou pas. Si on n’arrive pas à trouver un accord amiable pour acheter ce foncier, c’est à dire oui je suis disposé à vendre et à prix raisonnable, aujourd’hui, si on me dit 1.000 euros le mètre carré, je suis prêt, mais derrière l’opération, vous qui arrivez en tant qu’entrepreneur, est-ce que vous êtes prêt à l’acheter à cette hauteur, en sachant que c’est à travers de ces frais de viabilisation que je paie les salaires de l’établissement ? Je ne pense pas ! Donc, il faut trouver un juste équilibre par rapport à ce qui sera possible en termes de revente, sachant que nous allons rajouter une plus-value eu égard à la transformation qui sera opérée sur ce foncier. Dans la mesure où nous sommes un établissement public d’État, nous ne sommes pas là pour réaliser de plus-value ni bénéfice, la seule obligation que nous avons est simplement d’équilibrer nos opérations entre ce qui est possible dans l’acquisition et la revente. Nous partons sur la base que nous avons pu bénéficier d’un certain nombre de financements qui font que le coût réel de l’aménagement n’est pas celui qui est répercuté. Autrement dit, il ne s’agit pas d’acheter un foncier à n’importe quel prix, mais qu’il faut le maîtriser, sinon il n’y a pas de projet, pas de politique de développement, de logement ni d’aménagement. À Mayotte, on a l’exemple du Smiam (N.D.L.R. syndicat mixte d’investissement pour l’aménagement de Mayotte) qui a longtemps aménagé le territoire et fait un certain nombre d’opérations très rapidement. Les conséquences ne sont pas négligeables ; aujourd’hui, encore les problématiques foncières ne sont toujours pas réglées en raison de constructions réalisées sur du foncier non maîtrisé. Nous, nous sommes partis sur la démarche inverse consistant à d’abord maîtriser le foncier avant de réaliser des travaux. Nous nous interdisons de faire des travaux sur du foncier qui ne serait pas maîtrisé par l’établissement ; éventuellement, avec des accords de collectivités qui seraient propriétaires, or, on sait qu’en dehors du conseil départemental (42 à 46% du territoire dont 92% situés en zone naturelle ou agricole), ces collectivités mahoraises ne possèdent en réalité que 3% du territoire.

F.I. : Certaines personnes s’interrogent sur le choix du foncier des Badamiers plutôt qu’un autre ?

Y-M.D. :  La zone agricole, nous savons qu’il faut la préserver pour faire nourrir la population, tandis que la zone naturelle, il faut aussi la préserver pour avoir de l’eau. Par conséquent, à un moment donné, il faut se dire qu’on doit essayer de travailler avec les possibilités existantes, à savoir du foncier généralement privé, ce que je regrette forcément. Et même lorsqu’il n’est pas privé et qu’il appartient au Département de Mayotte, on rencontre des difficultés qu’il faut maîtriser, parce qu’on a ici la notion de propriétaires coutumiers alors que nous sommes aujourd’hui dans un État de droit et que cette notion n’a pas à rentrer en ligne de compte. Le propriétaire, c’est le Département ! Je ne sais pas distinguer un occupant coutumier qui n’a pas de titre. Éventuellement, en vertu de la loi Létchimy, aurait-il droit à une indemnisation ? De mémoire, le domaine foncier privé du Département n’est pas soumis actuellement à un exercice de régularisation, mais je peux me tromper.

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