« Notre seul handicap, ce sont les élèves qui n’ont pas accès à Internet »

Alors que l’île de Mayotte continue de traverser une période d’incertitude, le collège de Koungou, passe ce lundi 12 février à l’enseignement hybride, jonglant entre le numérique et le présentiel. Le premier cours en visioconférence a eu lieu dans l’établissement, en présence de deux professeurs.

Dans la salle audio du collège Frédéric d’Achery, à Koungou, vingt-sept élèves se sont rassemblés physiquement, tandis que trois autres de leurs camarades suivent le cours depuis le confort de leur domicile. Devant eux, les mathématiques sont à l’honneur, enseignées par Mohamed Abdou Abdallah. Isolé dans un coin du centre de documentation et d’information (CDI), le professeur jongle entre deux écrans pour mener à bien sa leçon. Face à lui, son ordinateur et une télévision pour une meilleure visibilité.
Plus loin au rez-de-chaussée, les élèves sont assis devant les ordinateurs parfaitement alignés. Chaque écran affiche des équations mathématiques. Au total, trente-six ordinateurs sont mis à disposition des collégiens dans cette salle. Attentifs, ils écoutent et n’hésitent pas à interagir sur la messagerie. Encouragés à pratiquer leurs compétences sur papier, une fois les exercices terminés, ils devaient numériser leurs réponses pour les transmettre. Un autre enseignant de mathématiques circulait entre les rangées d’élèves, prêt à répondre aux questions et à fournir une aide supplémentaire si nécessaire.
Maïra Ismael, élève en troisième, dit avoir une préférence pour la manière classique : « Je veux bien comprendre et avec la méthode actuelle, je ne suis pas sûr de comprendre. » Une autre raison a poussé Maïra à se rendre au collège. « Je n’aime pas travailler seule, je suis venue pour travailler avec mes camarades », exprime-t-elle. Pour d’autres, comme l’a témoigné une jeune fille lors du cours, l’enseignement à distance présente des avantages. Cependant, elle se heurte à un obstacle majeur : l’absence d’ordinateur à domicile pour suivre les cours.
Ce paradoxe souligne l’importance de l’accès à Internet et aux équipements numériques pour tous les élèves. Comme le souligne Mohamed Kharfallah, référent en ressource numérique, « notre seul handicap, ce sont les élèves qui n’ont pas accès à Internet, car il y a des enfants qui font des efforts ».

Toute une organisation

Depuis plus de deux semaines maintenant, le collège a adopté une stratégie de division des classes. Concrètement, cela signifie que les élèves sont répartis en groupes, et chaque groupe est accueilli au collège un jour sur deux dans la semaine. Ce lundi, le collège a ouvert ses portes aux élèves de cinquième et de quatrième. Cela signifie que ces élèves ont eu la possibilité de suivre leurs cours en présentiel, tandis que les élèves de sixième et de troisième étaient en apprentissage à distance depuis leur domicile. Un calendrier conçu de manière flexible pour s’adapter au nombre réduit de professeurs.
L’effectif habituel du collège, compte 1.981 élèves et 113 professeurs. Seulement 505 élèves ont été accueillis, encadrés par une vingtaine de professeurs. Ceux de cinquième sont regroupés en petits effectifs de 15 à 20, bénéficiant d’un encadrement plus direct de leurs professeurs. En revanche, les élèves de quatrième sont encouragés à être plus autonomes. Ils sont placés dans des salles équipées d’ordinateurs, où environ 20 postes sont disponibles pour une trentaine d’élèves ou plus.
Une des mesures adoptées par les autorités éducatives consiste à revoir le programme scolaire. Seules les disciplines jugées fondamentales, telles que les mathématiques et le français, sont enseignées en présentiel. Parallèlement à cette révision du curriculum, les élèves bénéficient également d’une formation sur Pix, une plateforme destinée à développer leurs compétences numériques, afin qu’ils puissent poursuivre les autres matières depuis chez eux.

« Les présences ont commencé à être aléatoires »

Dans le bureau du principal Gérard Chané, une ambiance particulière résonne. Celle de l’incertitude de la situation. « Depuis le 25 janvier (lendemain de la tentative d’intrusion dans le collège en raison d’un conflit entre bandes N.D.L.R.) les présences ont commencé à être aléatoires », nous dit le principal. Avec un ton plus attristé, il nous confie que la journée la plus difficile à organiser, « c’était le 30 janvier, 567 élèves se sont présentés au collège avec seulement 9 professeurs ». Une situation complexe qui a mené à l’annulation des cours.
À 11h10, la dernière sonnerie retentit. Elle marque la fin des quatre heures de cours. Dans un souci de sécurité et d’organisation, les élèves sont invités à quitter les lieux par groupes, selon leurs villages d’origine. Un processus facilitant la gestion des flux de sortie selon le principal du collège.

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