« On ne va pas remettre en cause la départementalisation »

En plein mouvement social, Mayotte a accueilli une mission parlementaire dédiée à l’évolution institutionnelle des territoires d’Outremer. Nous avons pu rencontrer les deux députés, Tematai Le Gayic et Philippe Gosselin, entre leurs rendez-vous avec les services de l’État, les élus mahorais, les collectifs et les chambres consulaires.

Sur le territoire mahorais pendant deux jours et demi, les députés Philippe Gosselin et Tematei Le Gayic font partie de la délégation parlementaire qui s’intéresse à l’évolution institutionnelle des territoires d’outremer. Transpartisane, celle-ci transcende aussi les générations d’élus. Le premier est député Les Républicains de la Manche et siège à l’Assemblée nationale depuis 2007. Membre de la délégation aux Outremer, il se rend fréquemment dans les territoires ultramarins pour des missions et a suivi de près la départementalisation en 2011. C’est d’ailleurs la quatrième fois qu’il vient à Mayotte. Le deuxième est un indépendantiste polynésien et le plus jeune député jamais élu (il a 23 ans). Issu du parti Tavini huiraatira, il fait partie de la coalition de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale). Leur présence ici, la semaine dernière, est en parallèle d’une autre mission sur le sujet réalisée par deux experts mandatés par le président de la République, Emmanuel Macron, et d’un travail similaire du côté du Sénat. « Elle arrive au bon moment puisqu’elle fait suite à l’appel de Fort-de-France et à une rencontre en novembre entre les élus ultramarins et Emmanuel Macron », rappelle le député polynésien. « Nous voulions avoir nous aussi, députés, membres de la délégation aux outremers, un peu de cartes en main », justifie l’élu manchois.

Avant la remise d’un rapport en juin, une série d’auditions d’universitaires et de juristes, ainsi que des voyages sur place, doivent permettre de dresser un constat, voire des préconisations. « On s’était plutôt projetés sur les Antilles, la Guyane et les îles de Pacifique. Mayotte, comme La Réunion, n’ont pas le souhait d’évolution statutaire. On prend en compte que la départementalisation à Mayotte est ce qui a été voulue par les Mahorais », considère-t-il, soulignant « leur attachement viscéral à la France ». « On ne va pas remettre en cause la départementalisation. » Les deux parlementaires s’accordent sur le fait que le territoire a des spécificités. Immigration, économie, convergence sociale, Philippe Gosselin préconise d’étudier « le champ des possibles ». Son collègue note aussi le manque d’ingénierie « même du côté des services de l’État » du fait d’un manque d’attractivité, ou des problématiques très locales comme l’assainissement ou les mobilités.

Précieux pour la loi Mayotte

A Mayotte, l’évolution institutionnelle a ceci de particulier qu’elle est encore en train de se réaliser. Le processus de départementalisation n’est pas complètement terminé (notamment en ce qui concerne la convergence des droits) et la loi Mayotte actuellement mise sur la table pourrait être amenée à modifier les règles d’un département qui cumule des compétences à la fois départementales et régionales. Ne voulant pas anticiper le rendez-vous prévu le lendemain (vendredi) avec les élus, il prévoit tout de même « de creuser le cadre départemental ».

Dans ce voyage, les députés y voient aussi une autre chance de porter la voix des Mahorais devant la représentation nationale. « A l’Assemblée, on pourra dire qu’on y était, les élus nous ont dit ça. Comme le dit Mansour Kamardine [N.D.L.R. député de la deuxième circonscription de Mayotte], il n’y a pas mieux pour convaincre les députés sur la question de Mayotte que de leur faire voir la réalité du terrain », fait remarquer Tematai Le Gayic, qui reconnaît que c’est compliqué en tant qu’indépendantiste de voir un territoire si désireux de se rapprocher d’un modèle hexagonal avec « autant de différenciation ». Il y a un point cependant sur lequel insiste les deux élus, l’apport des élus locaux pour comprendre le territoire.

« Le statut ou les lois particulières n’ont de l’intérêt que si elles changent quelque chose pour les gens. Il ne faut pas faire une loi pour faire une loi et juste pour boucher le bec des élus du coin », prévient Philippe Gosselin, qui voit dans le mouvement social actuel « l’exaspération et du désespoir de ne pas voir les choses changer ».

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