Ce dimanche 4 février, un congrès a rassemblé plus de mille membres de collectifs, élus et membres de la population civile au terrain de football de Tsingoni. Plusieurs ont pris la parole pour dénoncer l’insécurité et l’inaction de l’État, et demander à ce que des mesures soient prises immédiatement. Sans quoi, les barrages ne s’arrêteront pas.
Un millier de personnes au moins étaient réunies dans l’enceinte du terrain de football de Tsingoni, ce dimanche 4 février. Élus mahorais, collectifs et membres de la population civile se sont rassemblés pour un congrès public sur les problématiques de l’insécurité et de l’immigration clandestine. L’objectif ? Trouver des solutions vers une sortie de la crise que traverse le 101ème département français. « Le maire de Mamoudzou (N.D.L.R. Ambdilwahedou Soumaïla) a fermé sa mairie avec ses élus et son personnel pour aller s’implanter devant le stade de Cavani pendant deux semaines. Le président de la République et son gouvernement sont restés muets. C’est inadmissible d’ignorer des élus de la République. Au nom du peuple mahorais, on leur dit : “ça suffit” », clame Badirou Abdou, membre des Forces vives de Tsingoni, depuis l’estrade placée sur le terrain pour l’occasion.
« C’est un symbole fort pour le gouvernement qu’élus et collectifs soient réunis ici », déclare Zaïdou Bamana, actif au sein des collectifs. Il nous indique qu’un document a été acté vendredi, entre élus, syndicats, Forces vives et collectifs pour demander au gouvernement plusieurs mesures, dont trois majeures qui doivent ressortir : que tous les habitants du camp du stade de Cavani soient envoyés soit dans l’Hexagone soit dans leur pays d’origine, l’état d’urgence sécuritaire et l’abolition du titre de séjour territorialisé, le titre qui empêche à son détenteur de se rendre dans un autre département français. « C’est non négociable », ajoute-t-il, comme tous ceux qui évoquent ce dernier point ce jour-là. « C’est une exception de nature coloniale. On tue Mayotte pour préserver La Réunion et la métropole ? Qui accepterait ça ? »
« Nous voulons que les résultats soient visibles »
Au même moment, les interventions au microphone continuent. « Les promesses que le président Macron a faites lors de ses visites n’ont pas été tenues. Les Mahorais n’oublient pas. Nous voulons que les résultats soient visibles. Nous voulons la fin du titre de séjour territorialisé et qu’on ne puisse plus demander l’asile à Mayotte », déclare Safina Soula, présidente du collectif citoyens de Mayotte 2018.
Le président du conseil départemental, Ben Issa Ousseni, a clôturé les discours, rappelant qu’il avait envoyé son directeur de cabinet et sa directrice générale des services à Paris depuis le début du mouvement afin de maintenir le dialogue et permettre une sortie de crise par le haut. « Nous vivons un moment historique et symbolique qui restera gravé dans nos mémoires, comme le 2 novembre 1958, lorsque les défenseurs de Mayotte française se sont réunis à Tsoundzou », dresse-t-il comme comparaison pour décrire le congrès de ce dimanche. « Mayotte la Française, Mayotte l’Européenne doit être libérée de la délinquance qui dicte ses lois à la République. »
Le maire de Tsingoni, Issilamou Hamada, était évidemment présent à cet événement qui se tenait sur le terrain de football de sa commune. « Le gouvernement doit comprendre que nous, en tant qu’élus, nous sommes là pour la population. Nous ne pouvons pas laisser tomber le mouvement, nous devons montrer à la population qu’elle peut compter sur nous », confie le maire de Tsingoni dans le public, pour justifier l’importance de ce congrès.
« Le mépris envers les élus mahorais, c’est fini »
Une fois qu’il est descendu de l’estrade, nous retrouvons Badirou Abdou. Le responsable jeunesse de Tsingoni se félicite du message fort envoyé par cet événement, à savoir celui d’une population mahoraise unie. « Mais le message le plus important que nous voulons transmettre au président de la République, au Premier ministre et au futur ministre délégué aux Outre-mer, c’est que le mépris envers les élus mahorais de la part de la République, c’est fini », insiste-t-il, dénonçant la sourde oreille de l’État vis-à-vis des interpellations des élus. « Aussi, l’apartheid législatif, c’est fini. Dès qu’il y a une nouvelle loi, c’est toujours ‘’sauf Mayotte’’. On paye au même niveau que les autres départements et on n’a pas les mêmes avantages. Ça doit changer tout de suite », réclame-t-il.
Le ton est donné à l’issue du congrès : tant qu’il n’y aura pas de réaction du gouvernement, l’île restera bloquée. Et, évidemment, pour les collectifs, le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, n’est plus l’interlocuteur avec qui ils souhaitent échanger. Pour le représentant des Forces vives de Tsingoni, hors de question de répéter les manifestations de 2011 et de 2018 : « Cette fois-ci, on a un échéancier et on est catégorique. On ne quittera pas les rues tant qu’on ne nous répondra pas. On n’a pas le droit de perdre cette fois-ci. »
Chacun espère que les voix ont été entendues, comme Saïd*, présent dans le public : « Ça fait des années qu’on dit les choses, et à chaque fois, on est déçus. Là, on espère que cet événement sera le dernier nécessaire. »
*nom d’emprunt