La commission électorale nationale indépendante (Ceni) a déclaré le président sortant vainqueur de la présidentielle, mardi soir, alors que l’opposition avait dénoncé le jour du vote des bourrages d’urnes. Durant toute la journée de mercredi, la capitale était paralysée par des heurts, contrairement aux autres îles où le calme régnait.
Une contestation de la réélection du président sortant, Azali Assoumani, est-elle en train de se mettre en place ? En tout cas, les scènes de violence observées à Moroni, ce mercredi, en avaient l’air pour avoir pris de court une grande partie de la population. Alors que la ville commençait à se réveiller, chacun vaquant à ses occupations, surgit à partir de 10h, une atmosphère particulière. Les premières barricades ont été érigées au nord de la capitale, en face de la fédération comorienne de football. Quelques minutes plus tard, le mouvement s’est répandu progressivement dans les autres quartiers, entrainant une panique. Commerces, marchés, se sont empressés de fermer. A place des banques, artère très animée de la capitale, la présence des forces de l’ordre expliquait déjà que la situation était loin d’être sous contrôle. Effectivement, ce fut le cas puisque durant toute la journée, Moroni ressemblait à une ville plongée dans la guerre civile : panneaux détruits, rues barricadées, pneus incendiés, et enfin des tirs incessants de gaz lacrymogènes. Dans certaines zones, l’air était devenu suffoquant, voire irrespirable. Pour un pays où les manifestations sont interdites, systématiquement, sans qu’il y ait une tentative, les heurts de ce 17 janvier en ont surpris plus d’un. Si les militaires armés déployés sur le terrain pour mater cette révolte ne badinaient pas, il faut souligner aussi que les émeutiers n’étaient pas non plus du genre à trembler. Au quartier Coulé, au nord de Moroni, des manifestants avaient barré la route et incendié de nombreux pneus au point de retenir près d’une dizaine de gendarmes pendant plus de trente minutes. C’était aux environs de 12h. Quelques minutes plus tôt, des révoltés avaient réussi à s’emparer d’un dépôt de l’office national d’importation et de commercialisation de riz (Onicor). Sur des vidéos mises en ligne, l’on y voyait la population se départager les sacs de riz provenant de ce stock de réserve.
Ministère attaqué
A moins d’un kilomètre de là, des jeunes ont pris d’assaut le ministère de l’Aménagement du territoire. Ils ont incendié les cinq véhicules garés au parking dont trois neufs, réceptionnés par le ministère récemment. Les vitres de la fenêtre du bureau du ministre ont été brisées à coup de jets de pierre, a relaté le concierge, rencontré sur place. « J’en ai compté près de quarante jeunes âgés entre 15 à 25 ans, maximum. Il était neuf heures, je les ai vus passer. Quand ils ont commencé à jeter des cailloux, j’ai essayé de les en dissuader, leur faisant comprendre que le ministère est un bien public. Ils sont revenus après un moment muni d’essence et ont mis le feu », a ajouté le gardien non armé. Au sud de Moroni, on a attaqué une boulangerie et une agence commerciale de la société comorienne des télécommunications. « Ils ont saccagé et détruit les mobiliers et les autres équipements informatiques tels les ordinateurs. Les bandits ont également récupéré une partie des recettes », nous a confié un responsable de Comores Telecom. Ce ne sont pas les seuls dommages subis par l’opérateur national de téléphonie. La société déplore par ailleurs la destruction de quelques panneaux publicitaires et des câbles sectionnés. Au lendemain de la proclamation des résultats de la présidentielle, décriés par l’opposition, ces scènes de chaos et de violence ne peuvent être dissociées de la victoire accordée à l’ex-putschiste, Azali Assoumani qui va cumuler avec ce nouveau mandat treize années d’affilé au pouvoir.
Le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie, attribue ces émeutes à ceux qui ont été battus, faisant allusion aux opposants. « Ce sont des réactions que nous voyons ailleurs quand on conteste les résultats. Ils sont en train d’exécuter leurs plans. Dès lors qu’il y a atteinte à l’ordre public, ceux qui sont retrouvés sur le champ se font arrêter », a déclaré Houmed Msaidié, qui rappelons-le avait prévenu le dimanche du vote, qu’ils ne tolèreraient pas de manifestations. Jusqu’à 20h, les autorités n’avaient toujours communiqué les chiffres sur les arrestations. Seulement, des hauts responsables ont confirmé qu’il y en a eu. Où sont-ils ?
Déplore-t-on des blessés ? Autant de questions qui restent en suspens.
Malgré les accusations les visant, les candidats de l’opposition, dont certains avaient revendiqué la victoire de la présidentielle ne se sont pas exprimés. Quand nous mettions sous presse ces lignes, contrairement à Moroni, la situation était calme à Anjouan et à Mohéli, où lundi, la situation était pourtant tendue dans certaines régions. Ces événements rappellent ceux de 2019, quand la victoire d’Azali Assoumani dès le premier tour était alors qualifié de hold-up.