Le bidonville de Passamaïnty, proche de la rivière Gouloué, est amené à disparaître dans une politique de « débidonvillisation » et de mise en sécurité de la population. L’enquête sociale, obligatoire avant toute démolition, est en cours. Un processus exposé à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui s’est rendue sur les lieux, vendredi matin.
Les pieds dans la boue, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, accompagnée du maire de Mamoudzou, Ambbdilwahedou Soumaïla, est conduite devant la rivière Gouloué, à Passamaïnty. En ce début de saison des pluies, l’eau coule et le lit se remplit, alors que de l’autre côté, une rangée d’habitats en tôles s’élève sur la rive. Installés sans connaissance des risques, ils sont menacés d’inondation et de démolition par la préfecture.
« Tous ces habitats devraient disparaître dans deux, trois mois », indique le maire de Mamoudzou afin, notamment, de laisser libre cours aux travaux de voirie de la RD3 déjà entamés (réfection des trottoirs et création d’une piste cyclable) qui englobent également une partie sécurisation de la rivière dont le niveau peut rapidement monter. Il s’agit de « mettre la population concernée en sécurité » et contribuer, par la même occasion, à la débidonvillisation du territoire ainsi occupé. Le secteur de Mamoudzou en est constitué à 40 %.
Une enquête sociale, comme le dispose la loi Elan, est en cours depuis octobre, afin de recenser la population puis de proposer à plus ou moins long terme une solution d’hébergement. Pour ce faire, les enquêteurs mandatés par l’État, dont l’Association pour la condition féminine et aide aux victimes (Acfav), se donnent encore un mois. Face aux caillassages, les opérations se déroulent sous protection judiciaire.
Le dossier épineux du relogement
« Je vis là depuis treize ans », déclare une passante, qui interpelle la présidente de l’Assemblée nationale qui vient de traverser. Cette native d’Anjouan fait partie de la centaine de personnes, vivant dans ces bangas. Pour le moment, 70 ont été interrogées, soit 21 familles. 13 % sont de nationalité française, 42 % de nationalité étrangère en situation légale et 42 % en situation illégale. « Mais on saura véritablement combien il y a de familles ici quand l’enquête sera déterminée », détaille Jérôme Josserand, à la tête de la direction de l’environnement et de la mer de Mayotte (Dealm).
Les informations collectées (taille de la famille, situation administrative, scolarité des enfants) serviront aux services de l’État pour proposer des logements adaptés : une place en hébergement d’urgence de 21 jours maximum et/ou des logements temporaires pour les personnes en règle, entre trois et six mois.
« Il n’y a pas de foncier parce qu’il est occupé »
« C’est un nœud humain », déroule la députée Estelle Youssouffa, pointant « l’absence de réalisme » de la part des juges par apport à l’offre du parc social à Mayotte « qui est quasiment inexistante malgré l’argent mis sur la table par l’État ». « Argent qui n’est pas dépensé, parce qu’il il n’y a pas de foncier. Il n’y a pas de foncier parce qu’il est occupé. »
Pour le maire, cette visite de la présidente de l’Assemblée nationale et députée, est une façon de demander « son appui » dans le cadre de la loi Mayotte, promise dans les prochaines semaines, comme le rallongement du délai de constat de flagrance établi à 48 heures pour évacuer des personnes s’installant illégalement sur un terrain alors que les habitats en tôles se créent « en moins de 24 heures ». Il compte également sur le projet d’opération d’intérêt national (OIN) sur les secteurs de Mamoudzou, Dembéni et Koungou, « les territoires les plus bidonvillisés », pour mettre en place « une batterie de moyens juridiques qui pourraient accélérer la libération du foncier et son aménagement ». Sur les 75.000 logements que compte l’île, 24.000 seraient des cases en tôle.
Des défis multiples pour la souveraineté alimentaire
En mairie de Bandrélé, la pièce était tout juste suffisamment grande pour accueillir les représentants du monde agricole mahorais. Vendredi, peu après 15h, Yaël Braun-Pivet s’y est installée, entourée du député Mansour Kamardine et du maire de la commune qui abrite un pôle agricole d’une superficie de vingt hectares, Ali Moussa Moussa Ben.
En tant que présidente de la commission des Lois, elle s’était déjà intéressée à ce sujet, concluant en 2018, dans un rapport présenté à l’Assemblée nationale, que « l’agriculture [avait] un poids économique non négligeable » sur l’île, mais que son développement était « confiné », comme le reste de l’économie. Et même si, en l’espace de cinq ans, les exploitations agricoles se sont modernisées pour faire face à l’évolution démographique exponentielle de Mayotte, tendre vers une souveraineté alimentaire comporte encore « de multiples défis », a souligné Saïd Anthoumani, président de la Capam, lors de ce dernier moment d’échange. Un des premiers challenges à relever sera celui de la transmission. « Aujourd’hui, la moitié des agriculteurs inscrits à la Mutualité sociale agricole ont plus de 60 ans et n’ont pas engagé de démarches lors de la transmission de leurs exploitations », a-t-il expliqué.
Des contre-exemples existent. Celui d’Assani Bouana Hidi, un jeune maraîcher qui, via un programme de l’Epfam (Établissement public foncier d’aménagement de Mayotte), a pu s’installer sur sa propre parcelle, en fait partie. A côté de sa principale activité, il cultive des bananes, élève des poules et s’est même récemment lancé dans une activité d’apiculteur. Le tout en utilisant exclusivement des biofertilisants, a-t-il rappelé, depuis son lieu d’exercice, à deux kilomètres de Bandrélé.