Il n’y a pas encore de signaux d’alarme déclenchés par les autorités sanitaires, mais il se confirme un début d’épidémie de conjonctivite dans le département mahorais. Des résultats d’analyses en cours vont permettre de connaître le statut exact de cette maladie aux variations multiples, son ampleur réelle et son lieu de provenance.
« Maladie pleurée » pour les Mahorais, « matso-matso » pour les Comoriens, l’appellation importe peu, ce qu’il convient de savoir est qu’une épidémie de conjonctivite s’est déclarée sur l’île depuis peu. L’Agence régionale de Santé de Mayotte confirme avoir connaissance de premiers signaux sanitaires, mais indique ne pas encore disposer de suffisamment d’éléments pouvant lui permettre de qualifier la maladie, selon qu’elle soit virale, classique ou violente avec des risques de saturation des services de soins. Des analyses seraient en cours et confiées à un laboratoire. Il faudra patienter jusqu’au début de la semaine prochaine pour obtenir des résultats et savoir la forme exacte de cette conjonctivite. Plusieurs pharmaciens de la place admettent une recrudescence de délivrance de médicaments à cette fin, ces jours-ci, sur présentation d’ordonnances médicales. Toutefois, ils se disent dans l’incapacité de fournir une quelconque statistique, « nous n’avons pas de diagnostics posés donc nous ignorons complètement la nature et la forme de la maladie ». Des remontées d’informations depuis les professionnels de santé (centre hospitalier de Mayotte ou libéraux) seront également nécessaires à l’ARS Mayotte pour déterminer la marche à suivre car pour l’heure, les services sanitaires aux frontières n’auraient donné une quelconque alerte au sujet d’une importation éventuellement de cette épidémie d’un pays étranger. « Il en existe plusieurs types et à défaut de données épidémiologiques, on peut difficilement se positionner sur le sujet », explique un pharmacien détenant une officine à Mamoudzou.
Ce qui est certain c’est que l’île voisine d’Anjouan, est frappé par un phénomène de ce type depuis plusieurs semaines déjà et que de très nombreux cas ont été notés dans différentes catégories de la population, à de très fortes proportions même si les autorités sanitaires locales n’ont pas été amenées à mettre en place un dispositif particulier de gestion de cette épidémie. Des médecins et personnels soignants contactés par nos soins confirment cette situation. Le pic étant estimé à la période des fêtes de fin d’année. « La tendance serait même à la baisse du côté d’Anjouan, avec un déplacement sur Mohéli », nous a déclaré un soignant à l’hôpital de Bambao.
Jeune résident des hauts de Kawéni, Mohamed Idrisse revient tout juste d’un séjour à Moroni où il est allé effectuer une démarche administrative. « Au niveau de la Grande-Comore, la conjonctivite a fait son apparition depuis très peu. En revanche, c’est sur Anjouan et Mohéli où elle est très notable. Il suffit d’un petit moment passé à discuter avec une ou plusieurs personnes pour que vous choppiez le matso-matso. »
Une transmission très rapide
Abdoul-Malik, lui, est entrepreneur du côté de Combani ; il a choisi de passer les fêtes de fin d’année sur l’île de Mohéli. Ce sont ses enfants qui ont contracté en premier la maladie. « Nous n’avions eu aucune information préalable au moment où nous avons quitté Dzaoudzi. En arrivant à Mohéli, le lendemain via Mutsamudu (chef-lieu d’Anjouan), notre fille cadette s’est plainte d’avoir mal à la tête, dans les heures qui ont suivi c’était les yeux qui lui brûlaient. Et le lendemain matin, le blanc de ses yeux avait progressivement viré au rouge. C’est alors que sa mère a soupçonné la maladie pleurée », explique-t-il. Confirmation leur a été faite par des amis que la conjonctivite sévissait sur l’île depuis plusieurs jours favorisée par le mouvement de personnes entre les deux îles. « Chacun se débrouille comme il peut là-bas, selon ses moyens. Avec trois enfants, il nous était impossible de poursuivre nos vacances dans de telles conditions, nous avons préféré rentrer au plus vite pour nous soigner ici. »
L’ARS comme les officines pharmaceutiques mettent en garde sur des conclusions hâtives quant au lieu d’origine et sur les causes de déclenchement d’une telle épidémie. Un pharmacien de Dzaoudzi-Labattoir abonde dans le sens : « sans études médicales fiables, il est très difficile de déterminer le lieu de provenance exacte de l’épidémie. Beaucoup de facteurs peuvent justifier son développement à un endroit précis plutôt qu’à un autre, mais cela ne signifie pas pour autant que le premier cas s’est déclaré là. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un lien de causalité entre un point de part et d’arrivée, la conjonctivite se transmettant très rapidement d’une personne à un autre ».
Un médecin et pas les recettes de grand-mère
Comment gérer les cas avérés de conjonctivite ? Un autre pharmacien de Petite-Terre explique « qu’il faut régulièrement nettoyer les yeux avec des antibiotiques sur la base d’une prescription médicale et au sein d’un réseau sécurisé de délivrance de médicaments ». La remarque est loin d’être anodine car grande est la tentation de recourir au système D et aux recettes de grand-mère. Sur les réseaux sociaux, certains internautes n’hésitent pas à s’ériger en « médecins de fortune », préconisant l’usage d’extraits liquides de « moringa » obtenu par trituration de jeunes feuilles de cet arbuste très répandu dans l’île et la région. Il est présenté comme le médicament miracle aux vertus thérapeutiques multiples et variées. L’aloé Véra est un autre remède recommandé par d’autres internautes comme ayant des effets efficaces et rapides contre « les yeux rouges ».
À ce sujet, des pharmaciens font remarquer que s’il est avéré que certaines plantes ont bel et bien des vertus thérapeutiques, il est néanmoins plus que jamais indispensable de consulter un médecin plutôt que se laisser aller à une automédication.