Alors que la mission de Gilles Cantal s’achève ce vendredi soir, Christophe Lotigié prend la suite. L’ancien sous-préfet de Saint-Laurent-du Maroni aura pour mission de continuer de superviser la distribution générale de bouteilles d’eau sur l’île, s’assurer que les investissements promis suivent leur cours et « gérer la sortie de crise », annonce le préfet de Mayotte, Thierry Suquet.
Mayotte subit une pénurie d’eau depuis des mois due à la fois à la sécheresse et également en raison d’un manque criant d’infrastructures. A la préfecture de Mayotte, un poste a été créé il y a plus de six mois pour une supervision quotidienne du sujet, notamment des mesures à mesure sur le problème s’amplifiait.
Quel a été le rôle de Gilles Cantal ?
Arrivé en juillet, Gilles Cantal était préfet délégué auprès du préfet de Mayotte pour la gestion de l’eau. Issu de la réserve préfectorale, un corps d’anciens préfets ou sous-préfets volontaires pour des missions temporaires, il est venu prêter main forte alors que la crise de l’eau s’aggravait sur le territoire. « Disposer d’un fonctionnaire de très haut niveau pour s’occuper et suivre ces dossiers à mes côtés est un élément essentiel dans la réponse que l’État pouvait apporter en termes de structuration », explique Thierry Suquet, le préfet de Mayotte, ce vendredi matin. Celui-ci loue « son sens du dialogue et de l’écoute » et le voit comme un rouage essentiel dans les échanges entre services de l’État, le syndicat Les Eaux de Mayotte, la Société mahoraise des eaux, les collectivités locales ou la sécurité civile en charge de la distribution. Et ce n’est pas une mince affaire, poursuit le préfet. « Les relations de long terme entre le syndicat et la SMAE ont toujours été empoisonnées par des questions de dettes réciproques, de comptabilité. Il y a un travail qui a été mené et facilité par le fait qu’on a injecté un peu d’argent pour un certain nombre de sujets », glisse le représentant de l’État, avant d’ajouter que « les choses sont remises à plat ». La mission arrivant à son terme, ce vendredi, Gilles Cantal a été ému en évoquant « les hommes et les femmes de ce territoire » et en se souvenant des premières distributions d’eau dans les écoles.
Qui est Christophe Lotigié ?
Dans la réserve préfectorale comme son prédécesseur, Christophe Lotigié était jusqu’à quelques mois encore, sous-préfet de Saint-Laurent-du Maroni en Guyane. Il a une grande connaissance des Outre-mer pour avoir travaillé à Wallis-et-Futuna, en Polynésie, en même temps que Gilles Cantal, et dans les Antilles pendant le cyclone Irma, en 2017. Sa première semaine a été l’occasion d’un tuilage avec son prédécesseur. « J’ai consacré les premiers jours à prendre les contacts avec les différents interlocuteurs publics et privés. Dès [cette semaine], je me rends sur le terrain, dans les communes, les centres de distribution », indique le nouveau préfet de l’eau, qui sera là dans un temps plus court puisqu’il a été nommé jusqu’au 29 février. « Ça ne s’arrête pas parce que la crise, on est encore dedans », prévient toutefois Thierry Suquet, qui a remercié les deux préfets pour leur volontariat.
Où en est la production d’eau potable ?
Parmi les missions du préfet de l’eau, il y a l’augmentation de la ressource en eau et donc le pilotage hebdomadaire de la revue de de projets. Aujourd’hui, Gilles Cantal estime que les travaux (les forages, les captages de rivières, l’interconnexion nord/sud, celle de Petite-Terre/Grande-Terre et l’usine de dessalement qui arrive à 4.700 m3 par jour) ont permis d’ajouter « un peu moins de 5.000 m3 quotidiens ». A cela s’ajoutent les travaux pour trouver les fuites sur un réseau fragilisé par les coupures. « On estime à 2.000 m2 par jour le gain à la fin du mois de décembre », poursuit celui qui repart à la retraite.
A moyen ou long terme, l’usine de dessalement d’Ironi Bé devrait fonctionner « début 2025 ». Concernant la déclaration d’utilité publique (DUP) de la troisième retenue collinaire d’Ourovéni, une enquête préalable a été lancée, assure la préfecture.
Peut-on espérer une sortie de crise ?
La préfecture de Mayotte n’en fait pas un gros mot, même si elle invite toujours à l’économie de la ressource. « Pour la première fois, on fait un constat qu’on est peut-être en train d’inverser la tendance. On va commencer à débattre des conditions d’un retour en arrière sur les tours d’eau », estime Thierry Suquet. Il rappelle que cela passe par un effort à maintenir pour continuer à ne pas faire des prélèvements dans les retenues collinaires. En effet, celles-ci ont besoin d’être remplies au sortir de la saison des pluies pour retrouver leur usage habituel. Mais cette sortie de crise est clairement envisagée comme l’une des missions du remplaçant de Gilles Cantal. « On compte sur lui pour gérer la sortie de crise », assure le préfet de Mayotte. Car dès la fin de la distribution des bouteilles d’eau, il faudra par exemple s’assurer du démontage de la base vie de Longoni.
La mission de Christophe Lotigié est courte, mais elle verra « un expert de haut niveau en charge de l’eau » prendre la suite, notamment pour suivre la construction des infrastructures et les engagements pris par l’État.
« On voit une grande fatigue de tout le monde »
Interrogé sur l’insécurité, le préfet de Mayotte a rappelé que le ministère de l’Intérieur et de l’Outremer a envoyé des renforts de gendarmerie et de police. « J’ai demandé à police et à la gendarmerie d’être présentes sur le terrain à la fois pour protéger la population, mais aussi désamorcer la situation », tient-il à rappeler, évoquant aussi qu’il souhaite « la garantie de la libre circulation ». « On voit une grande fatigue de tout le monde. Les vacances scolaires feront probablement du bien », reconnait Thierry Suquet. Il demande que les services publics continuent pour « ne pas laisser le terrain aux bandes ».