Activiste depuis qu’elle a commencé ses études en métropole, Samira Ben Ali, qui a grandi à M’tsamboro, sera présente à la COP 28 à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre. Elle y va afin d’appuyer la campagne qu’elle mène en faveur de la protection de l’environnement avec l’organisation non gouvernementale (ONG) World’s Youth for Climate Justice.
Flash Infos : Vous allez prochainement participer à la COP 28, à Dubaï. À quand remonte votre engagement dans la lutte contre le dérèglement climatique ?
Samira Ben Ali : J’ai fait deux années de classe préparatoire économique et commerciale, que je n’ai pas du tout appréciées, car le monde que décrivait cette prépa’ ne me plaisait pas du tout. Donc j’ai continué mes études à Sciences Po Rennes, où il y avait un campus spécialisé dans le développement durable. C’est à ce moment-là que j’ai commencé activement à m’engager, même si avant ça, j’étais un peu active dans des associations, notamment Surfrider (N.D.L.R. organisation non gouvernementale – ONG – ayant pour but de protéger l’océan). Donc j’ai fait ma licence à Sciences Po Rennes et puis mon master là-bas. C’était un master spécialisé dans le Droit des générations futures. J’ai fini ce master là il y a un an, mais j’avais l’impression que je n’avais pas encore les connaissances nécessaires pour pouvoir entrer dans le monde du travail, donc j’ai décidé de faire une année de plus en master 2 à Aix–en–Provence en droit international et européen de l’environnement. Pendant mes années d’études, j’étais très active dans les associations, notamment Oxfam France et World’s Youth for Climate Justice (N.D.L.R. « la jeunesse du monde pour la justice climatique » en anglais).
F. I. : C’est d’ailleurs avec cette ONG que vous serez à la COP 28 à partir du 30 novembre. Pouvez-vous détailler comment vous agissez pour la justice climatique avec World’s Youth for Climate Justice ?
S. B. A. : C’est une ONG qui a été créée par des étudiants du Pacifique en 2019. Elle s’est étendue depuis pour devenir plus globale avec des jeunes du monde entier qui ont rejoint cette campagne pour essayer d’avoir ce qu’on appelle un avis consultatif. C’est une question légale qu’on va poser à un tribunal sur une thématique donnée dont on considère qu’on n’a pas la réponse en droit et qui requiert un éclaircissement par des juges spécialisés. On a fait cette campagne–là pour avoir des réponses juridiques très spécifiques sur les obligations des États vis-à-vis du changement climatique et sur les conséquences de leurs actions et de leur manque d’action.
F. I. : Depuis quand menez-vous cette campagne ?
S. B. A. : La demande d’avis consultatif remonte à avril 2021, et ça a été accepté en mars dernier par un vote de l’Assemblée générale des Nations Unies qui a demandé à tous les États membres de voter une résolution qui va faire en sorte que cette question puisse être posée. La Cour Internationale de Justice (CIJ) a souhaité prendre cette question-là, et on est actuellement dans ce qu’on appelle la phase écrite. Les États sont donc en train de produire des soumissions écrites pour donner leur opinion sur les questions qui ont été posées. Il y a deux grandes questions. Ces écrits–là vont être pris en compte jusqu’à janvier 2024. Après nous entrerons dans la phase orale, durant laquelle les États seront entendus par la CIJ.
F. I. : Quelles sont ces deux grandes questions que vous avez souhaité poser aux États ?
S. B. A. : La première question vise à définir les obligations des États vis-à-vis du changement climatique et la deuxième question s’intéresse aux conséquences de ce que ces obligations signifient sur les actions ou les inactions des États. Dans cette seconde question, on cherche particulièrement à savoir quelles sont les conséquences pour les petits États insulaires qui sont généralement moins développés, mais aussi pour les présentes générations et les générations futures.
F. I. : Et concrètement, à quelles issues ce processus peut conduire ?
S. B. A. : Ce processus ne va pas contraindre les États à faire quoi que ce soit, il a pour but de les éclairer. En fait, plus l’avis consultatif sera précis et bien écrit, plus il sera utile car il pourra être utilisé ensuite pour essayer de changer certaines politiques qui ont été mises en place. Par exemple, il pourra contribuer à ce que dans tous les comités de décision sur la question du changement climatique, on puisse entendre la voix des jeunes sur les questions qui vont être posées. Puis, au pire des cas, cet avis consultatif pourra être utilisé, si l’État n’agit toujours pas, pour aller dans les tribunaux comme certains jeunes le font déjà actuellement. Il permettra de dire que la cour la plus haute du monde a défini ces obligations là et qu’il y a telle ou telle conséquence si l’État n’agit pas ou n’en fait pas plus.
F. I. : Quelles actions comptez-vous mener avec World’s Youth for Climate Justice à la COP 28 ?
S. B. A. : Nous allons à la COP 28 pour faire en sorte que les États non seulement participent à ce processus, mais prennent aussi en compte la voix des jeunes dans leurs soumissions écrites. Nous aimerions y retrouver la notion d’équité intergénérationnelle, qui est un principe du droit international. On a aussi réussi à coorganiser plusieurs événements avec d’autres groupes de jeunes, comme Youth for Ecocide Law (« la jeunesse pour une loi sur l’écocide » en anglais, N.D.L.R) avec laquelle on va organiser un événement sur la question des litiges climatiques. L’un des gros événements qu’on va organiser est une Youth reception, c’est-à-dire une réception avec beaucoup de jeunes afin de mobiliser plusieurs groupes pour qu’ils puissent impliquer leurs États dans le processus que nous menons, mais aussi pour faire entendre leurs propres revendications.
F. I. : Comment appréhendez-vous votre participation à cet événement majeur pour le climat ?
S. B. A. : C’est ma première COP, donc je suis très excitée et en même temps je me demande comment ça va se passer, au vu du contexte dans lequel cette COP-là se passe, à savoir qu’elle se déroule aux Émirats arabes unis et que celui qui la préside travaille très près des pétroliers (N.D.L.R. il s’agit de l’émirati sultan Al Jaber qui dirige aussi la compagnie pétrolière Adnoc). Donc c’est assez intriguant. J’espère qu’elle ne va pas être décevante dans ce qui va en ressortir. Le plus important pour moi est que les États participent au processus que je vous ai décrit et qu’ils y intègrent les jeunes et les communautés les plus vulnérables au changement climatique.