Grève à la MDPH976 : « Tous ces enfants se trouvent dans des classes qui ne sont pas les leurs ! »

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Le conflit à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) dure depuis deux mois maintenant.

Mariam Saïd Kalame est l’une des élus (avec Madi Vélou, Elyassir Manroufou et Maymounati Moussa Ahamadi) représentant le Département au conseil d’administration de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Outre son statut de conseillère départementale de Sada-Chirongui, elle a été elle-même directrice de la structure. Spectatrice du bras de fer entre le président délégué, Madi Velou, et une partie de la MDPH976 (voir encadré), elle alerte sur les conséquences pour les enfants nécessitant un accompagnement.

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Ex-directrice de la MDPH, Mariam Saïd Kalame s’inquiète du sort des enfants dont les dossiers ne sont pas traités.

Flash infos : Tout le monde s’interroge sur la finalité de cette grève devant l’intransigeance du Département, quel est votre opinion sur ce point ?

Mariam Saïd Kalame : En effet, il convient de s’interroger sur ce que ce conflit présage dans le traitement des dossiers des usagers de la MDPH. Celle-ci traite des dossiers d’enfants à scolariser ou en cours de scolarisation qui peuvent nécessiter une réorientation vers différents types de classe d’inclusion. Il y a des procédures spécifiques à suivre pour cela et aussi une période pour le faire. Or, en raison du conflit actuel, cinq commissions ont été suspendues alors qu’elles sont indispensables pour traiter les dossiers d’enfants scolarisables depuis septembre 2023. Cela signifie que la MDPH était déjà en retard de quatre mois sur ces dossiers, indépendamment de la grève déclenchée en octobre. Cela veut dire qu’à ce jour, tous ces enfants se trouvent dans des classes qui ne sont pas les leurs alors qu’ils ont besoin d’être accompagnés ou de matériels spécifiques.

F.I. : Peut-on remplacer ce personnel du jour au lendemain ?

M.S.K. : Absolument pas ! Le contexte social de Mayotte impose qu’un professionnel de ce type a besoin d’un temps d’adaptation vraiment profond pour évaluer la situation de chaque cas. Nous sommes en présence du plus grand désert médical de France et d’Europe, sans médecins de famille. Les médecins qui œuvrent ici ont besoin de prendre le temps de connaître l’île et d’intégrer l’environnement territorial des familles. Si la MDPH a pu redécoller durant ces dernières années, c’est justement parce que des cerveaux sont restés en son sein et ont permis à d’autres de profiter de leurs connaissances du terrain pour suivre la cadence et stabiliser une équipe pluridisciplinaire. Il faut savoir que l’évaluation d’un handicap est différente d’un diagnostic médical pur. Il doit coller au plus près à la réalité et à la situation des familles et des enfants. C’est la même chose pour les cadres sociaux. Quel que soit l’issue de ce conflit et les positions de ceux qui dirigent cette structure, il va falloir débrayer et repartir à zéro, faire passer le tempsmort. Il y aura des conséquences graves pour les usagers de la MDPH. Vous savez, le nécessité d’avoir une équipe stable à la MDPH, médecins, infirmiers, psychologue et autre personnel composant la commission pluridisciplinaire d’évaluation des cas, c’est justement cela qui a produit ces résultats positifs que salue la Chambre régionale des comptes. Les efforts que j’ai engagés en mon temps, poursuivis par la directrice actuelle ont donc payé. Je suis donc peinée à l’idée que toute cette expérience acquise parte en fumée et qu’il faille repartir à nouveau de zéro.

F.I. : Y-a-t-il un risque de disparition de la MDPH en pareilles circonstances ?

M.S.K. :  Le président délégué de la MDPH a certainement ses raisons pour gérer les choses comme il l’a fait. Toutefois, force est de constater que celles-ci n’ont jamais été discutés ni débattues de manière claire par une commission technique, pas plus que le départ annoncé de la directrice ou des agents. Personnellement, je n’ai jamais participé à une réunion qui présente la situation réelle de la MDPH avant le droit de retrait qui a débouché sur cette grève profonde. Le président n’a jamais engagé avec ses collègues de discussion ni concertation pour évoquer les difficultés particulières de la structure, de la directrice ou de certains agents. Quel que soit les raisons qui l’ont conduit à réagir de la sorte, aucun collègue ni partenaire n’a été associé à une démarche de recherche de solutions. Mes deux autres collègues élus, Maymounati Moussa Ahamadi et Elyassir Manroufou, qui s’associent à mes propos, peuvent en témoigner. Cette posture est dangereuse car elle génère un manque de confiance entre le département et les autres partenaires. Une telle rupture de confiance peut entraîner la mort de la MDPH par un non-financement des différentes actions.

Des négociations prévues ce jeudi

Bis repetita ce jeudi. Syndicats et Département de Mayotte vont se retrouver à nouveau à la table de négociations pour essayer de résoudre le casse-tête du devenir de la MDPH. Démarrées jeudi dernier, en présence de la directrice générale des services du Département, Christine Ayache, elles ont été suspendues pour cause d’absence du président Ben Issa Ousséni du territoire. De source syndicale, on indique que rien n’a été acté, deux revendications phares dominent dans le dialogue entamé, les conditions de travail des employés handicapés de la MDPH et le maintien à leurs postes de onze agents départementaux mis à disposition de la structure lesquels avaient émis le vœu de réintégrer leurs services d’origine si une issue favorable n’est pas trouvée à la crise. Une source syndicale indique que Ben Issa Ousséni fait une fixation sur ce dernier point, rejette le caractère conditionnel de cette demande et exprime une volonté à réintégrer au plus vite ces agents dans le personnel départemental. Une réintégration forcée qui ne sera pas sans conséquences graves pour la MDPH signalent de nombreuses personnalités locales, mais aussi les syndicats et même les agents et partenaires de la structure. « Il sait qu’au point d’enlisement où nous sommes dans cette crise, la solution passe par le retrait de Madi Velou de cette charge. Mais il se refuse à le faire pour une raison purement politique. Alors il préfère retirer les agents qui sont pourtant nécessaires pour la poursuite de l’activité de la MDPH », avance un membre du conseil départemental.