Avis de tempête sur le ponton de Mamoudzou

Les échanges ont dû être houleux mardi soir à la Chambre de Commerce et d’industrie de Mayotte (CCIM) entre les représentants de la chambre consulaire et un collectif de professionnels de la mer. Pomme de discorde : la gestion du ponton de Mamoudzou, prisé des pêcheurs et des touristes.  

« Voleur », disent les uns, « voyou », disent les autres. Les noms d’oiseaux fusent de chaque camp. D’un côté, le collectif des usagers des pontons de plaisance de Mamoudzou et de Dzaoudzi et de l’autre, la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte (CCIM), les deux s’étant entretenus hier soir en présence d’élus, afin d’échanger sur la question de la gestion des deux pontons. 

Montés en collectif fin 2017, divers prestataires nautiques, ainsi que les représentants des plaisanciers et des pêcheurs des pontons de Mamoudzou et de Dzaoudzi ne décolèrent pas. Ils reprochent à la CCIM, mandatée par le Conseil départemental pour gérer les deux pontons, de faillir à ses missions. Manque d’entretien de l’infrastructure et des dispositifs de fixation en général provoquant « une mise en danger » potentielle des usagers, absence de navire pour l’assistance aux bateaux, défaillance de balisage des périmètres et chenaux, menaces d’enlèvement et de saisie des bateaux dont les propriétaires ne paient pas la redevance, etc. La liste des griefs est longue et étayée dans un courrier que le collectif a adressé au préfet, au procureur de la République, aux sénateurs et aux députés de Mayotte en novembre dernier. L’affaire a d’ores et déjà pris une tournure judiciaire puisque le gérant de l’entreprise Mayotte Lagon, professionnel usager du ponton de Mamoudzou, a sollicité les services d’un avocat afin de régler un litige relatif à un défaut de paiement. 

Contactée par téléphone, la direction de la CCIM a démenti l’ensemble des informations ci-dessus. « Il faut bien comprendre que pour qu’une infrastructure fonctionne, il faut que les usagers paient », a plaidé Zoubair Ben Jacques Alonzo, accusant les membres du collectif de ne plus s’acquitter de leurs redevances, parfois depuis plusieurs années. « C’est du vol, c’est hyper malhonnête », poursuit le directeur général de la CCIM : « Ce collectif représente 8 usagers, sur les 110 du ponton qui paient pour eux ». Le responsable est lui aussi colère : « En attendant, ils embarquent bien des passagers, ils prennent bien l’eau du ponton, ils utilisent bien les infrastructures du port, leurs entreprises prospèrent, non ? (…) S’ils ne sont pas contents, ils s’en vont ! » Zoubair Ben Jacques Alonzo a également déclaré que la CCIM engageait chaque année entre 60 000 et 80 000 euros de travaux d’entretien, et qu’elle venait tout juste d’investir 85 000 euros, précisant que le budget du port de plaisance est rendu public. D’autre part, le directeur a tenu à préciser que la CCIM était déficitaire « tous les ans sur cette infrastructure ». 

Ping-pong argumentatif 

Malgré les investissements de la chambre consulaire, le gérant de Mayotte Lagon rapporte de nombreux problèmes, dont une panne – partie flottante du ponton sur laquelle s’amarre un bateau – qui se serait décrochée en raison des vents de la semaine dernière. « On paie trois fois le prix pour un ponton pourri », se plaint Patrick Varela, de Mayotte Lagon. « Malgré les coups de vents, le ponton est toujours là », rétorque le directeur général de la CCIM. « Oui, le port de Mayotte est plus cher que celui de La Rochelle. Mais s’il y a la vie chère à Mayotte, qu’y peut-on ? », argue encore Zoubair Ben Jacques Alonzo. 

Autre motif de mécontentement : l’exploitation du port de plaisance accordée à la CCIM par le Conseil départemental, semblant relever de  « favoritisme avéré » selon le collectif qui explique qu’une délégation de service public (DSP) « ne peut être reconduite, sauf dans l’intérêt général et pour une durée d’un an » et s’indigne ainsi que le Département ait conclu un septième avenant au contrat noué avec la chambre consulaire. « Il faut changer de mode de gestion », reconnaît Zoubair Ben Jacques Alonzo qui indique que cette responsabilité incombe au Conseil départemental qui n’a pas encore engagé de réelle procédure de mise en place d’une DSP. « On ne peut pas investir tant que le mode de gestion n’a pas changé », regrette-t-il, précisant que dans les prochaines semaines, le Conseil départemental devrait se saisir du sujet à bras-le-corps. 

Enfin, la CCIM a déclaré qu’une procédure de contentieux était engagée pour que les usagers qui ne paient pas la redevance quittent les lieux et que cette affaire « devrait être réglée au cours de l’année ». 

 

Histoire de la gestion du ponton de plaisance

Un document datant de 2015, cosigné par le préfet de l’époque, Seymour Morsy, et le président de la CCIM, Ali Hamid, explique déjà le cœur du problème. Voici ce qui y est précisé : « La CCI est gestionnaire du port de plaisance depuis sa création en 1995. Depuis 2011, au terme de son contrat, elle bénéficie d’avenant de prolongation de durée très courte pour continuer l’exploitation. Le dernier en date arrive à échéance le 31 août 2015. Cette situation rend très compliquée la gestion quotidienne des infrastructures car elle ne permet pas d’investir pour répondre aux besoins des usagers et crée une situation d’insatisfaction. Les usagers profitent de cette «défaillance» pour contester les tarifs en vigueur. Cela se ressent dans le taux d’impayés. Le département n’a toujours pas défini sa politique pour cet outil. Par conséquent, les objectifs suivants sont retenus : La commission de finances doit statuer sur les problèmes des tarifs des pontons; Engager des négociations avec le Conseil Départemental pour une DSP provisoire, incluant le solde du passif des pontons, ce qui permettrait à la CCI de repartir sur des bases saines; Concernant le personnel CCI détaché aux pontons (maître du port), il faut négocier avec lui son rattachement à la concession avant le transfert éventuel à un futur délégataire. Les autres agents restent attachés de droit à leurs fonctions aux pontons; La CCI doit se préparer à répondre à une éventuelle DSP, si telle était la décision du département. »

 

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