Crise de l’eau : « On ne va pas rester les bras croisés » estime « Mayotte a soif »

Le 6 novembre, le collectif « Mayotte a soif » sera dans la rue dès 6h, au niveau de la barge à Dzaoudzi. À côté de ce rassemblement, le mouvement est en train de se structurer et compte bien mener d’autres actions, comme le détaille Racha Mousdikoudine, la coordinatrice du collectif.

Un mouvement qui se structure

Dans le sillage des « Assoiffés », le mouvement « Mayotte a soif » a été aussi initié en 2016. Toutefois, c’est avec la crise de l’eau de cette année qu’il a connu une ampleur grandissante. Présent à de nombreuses manifestations et échangeant régulièrement avec les institutions, le collectif a décidé de se structurer davantage en devenant récemment une association. « Entre l’organisation des événements et de la communication, les réunions les lundis et vendredis soir à 20h, les rencontres avec les institutions, les courriers, il nous faut une rigueur professionnelle. C’est pour cela qu’on a créé l’association », détaille Racha Mousdikoudine, coordinatrice du collectif. Depuis le 29 octobre, l’association a entamé les démarches pour pouvoir être déclarée en préfecture, ce qui lui permettra d’appeler à l’adhésion de la population et aux cotisations de ses membres. Ils sont actuellement une vingtaine à être activement mobilisés au sein du collectif.

Utiliser le levier de la justice

« Mayotte a soif » a décidé de mener, en dehors des manifestations, plusieurs actions, notamment sur le terrain juridique. Premièrement, elle compte avoir recours au référé-liberté devant le juge administratif pour que « l’État prenne ses responsabilités ». Cette procédure permet de demander au juge de prendre en urgence les mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales au cas où l’administration y porterait atteinte de manière grave et illégale. Le juge a alors 48h pour se prononcer. « Nous voulons attaquer le syndicat des Eaux de Mayotte devant le tribunal administratif et au pénal, pour empoisonnement. On nous dit que l’eau est potable et qu’il suffit de la bouillir. On aimerait bien entendre le juge pénal et un laboratoire d’experts indépendant là-dessus », ajoute Racha Mousdikoudine. L’association doit également rencontrer la défenseur des droits, Claire Hédon, ce mardi, « car la distribution d’eau potable qui a été faite a été discriminatoire », estime la coordinatrice. « Il est important de rester dans le dialogue, mais on ne va pas rester les bras croisés. Il faut utiliser les leviers de la justice pour que les responsabilités soient clairement établies et de façon officielle. »

Des solutions globales plutôt que de l’appoint

Le collectif a de nombreuses revendications, notamment pouvoir rencontrer le ministre de l’Intérieur et des Outremer, Gérald Darmanin (il vient d’annuler sa venue, voir encadré). « Il y a des questions auxquelles lui seul peut répondre, notamment sur les solutions immédiates pour que l’ensemble de la population de Mayotte puisse avoir accès à l’eau », insiste Racha Mousdikoudine. « Mayotte a soif » souhaite également qu’un diagnostic sur la situation de chaque foyer face à la pénurie d’eau soit effectué et qu’un numéro vert soit ouvert, afin que les mesures nécessaires soient prises. L’association réclame aussi que la continuité pédagogique soit assurée en assurant de l’eau potable dans les établissements scolaires, grâce à des générateurs d’eau atmosphérique par exemple. En somme, que des mesures soient prises à la hauteur de la crise. « Il faudrait que le ministre de l’Intérieur et des Outremer déclare la situation de crise sanitaire à Mayotte. […] L’État ne peut pas nous proposer des solutions d’appoint, mais des solutions globales », revendique la coordinatrice du collectif. Cette dernière regrette que les solutions aux crises de l’eau soient les mêmes depuis trente ans à chaque fois que le territoire est confronté à cette problématique, alors qu’elle aurait dû être anticipée. Concernant la mesure voulant qu’une bouteille d’eau de 1,5 litre par jour soit distribuée à chaque personne à partir du 20 novembre, Racha Mousdikoudine estime encore une fois que cette solution n’est pas suffisante pour couvrir les besoins en eau potable.

Un appel à manifester le 6 novembre

Le lundi 6 novembre, à 6h, à l’entrée de la barge à Dzaoudzi, « Mayotte a soif » appelle la population à venir en nombre pour porter ces revendications au cours d’une manifestation. « Si nous ne sommes que 1.000 ou 2.000, cela ne comptera pas. Mais si nous sommes 10.000, 20.000 ou 30.000, soit la taille d’une commune en moyenne, cela sera suffisant », assure Racha Mousdikoudine, qui juge que la population ne doit pas rester silencieuse. « Si on reste chez nous, les politiques vont encore dire que la population est résiliente, qu’on arrive à gérer cette situation. Or, nous n’y arrivons pas, des vies sont en jeu, notre santé physique et mentale, ainsi que celle de nos enfants sont en jeu. »

Gérald Darmanin reporte son voyage à Mayotte

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Gérald Darmanin, ici le 1er janvier 2023 à Kani-Kéli, repousse de « quelques semaines » son prochain voyage à Mayotte, son troisième de l’année.

Via un communiqué, le ministère de l’Intérieur et des Outremer annonce que Gérald Darmanin ne viendra pas à Mayotte, ces mercredi et jeudi. La tempête Ciaran s’approchant de la côte Atlantique en Hexagone, le ministre a préféré rester sur place. « Afin de coordonner la mobilisation de l’ensemble des services de l’État, en particulier la Sécurité civile, Gérald Darmanin a décidé de reporter de quelques semaines le déplacement à Mayotte qu’il devait effectuer le 1er et 2 novembre prochain », confirme son ministère. Le numéro 3 du Gouvernement devait défendre l’opération Wuambushu qu’il a qualifié d’« en partie une réussite », il y a deux semaines.

Le ministre délégué aux Outremer, Philippe Vigier, sera lui bien du voyage. Venu à Mayotte deux fois en septembre, le biologiste suit de près la question de l’eau.

Cinquante contrôles et une non-conformité à Kani-Kéli

Chaque semaine, alors que la pénurie d’eau se poursuit à Mayotte, un bulletin d’information sur la qualité de l’eau, communiqué par l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, fait état des contrôles réalisés la semaine précédente. Ainsi, sur les cinquante contrôles réalisés du lundi 23 au dimanche 29 octobre, un seul fait état d’une non-conformité, celle détectée à Kani-Kéli, ce samedi. « Dans l’attente des résultats de ces contrôles, les mesures de vigilance doivent être appliquées dans les villages de KaniKéli et Kani Bé », précise d’ailleurs l’ARS. De nouveaux contrôles permettront ou non de lever ces mesures. En attendant, la population est invitée à bouillir l’eau pour éliminer les bactéries.

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