Le chauffeur de la voiture qui a provoqué la mort de Soizic Pengam, en mai 2022 entre Nyambadao et Bandrélé, a été condamné à trois ans de prison, ce mardi. Roulant vite et effectuant un dépassement dans un virage, le véhicule avait percuté le scooter de la sage-femme de 25 ans.
« Elle ne verrait jamais le lever de soleil sur le mont Choungui », regrette maître Aurore Baudry, l’avocate des parties civiles. Le matin du 24 mai 2022, avant 4h, Soizic Pengam avait quitté son logement de Tsoundzou 2 en scooter en direction du sud de Mayotte. A quelques jours de son départ de l’île, la jeune femme de 25 ans souhaitait voir le soleil se lever depuis le mont Choungui, en compagnie de ses amies. Après avoir traversé le village de Nyambadao, elle s’est retrouvée dans un virage face au véhicule du prévenu lancé à vive allure et empiétant largement sur la voie de gauche. Le choc a été brutal et la sage-femme n’a pas survécu, l’autopsie expliquant le décès par le traumatisme crânien important. Selon les témoignages des amies, qui la suivaient en voiture depuis Tsoundzou 2, elles sont arrivées quelques minutes après sur le lieu de l’accident. Elles y ont vu le chauffeur du SUV au téléphone et les deux passagères prostrées. Si elles ont bien aperçu un corps sur la route, l’une d’elles est allée constater qu’il n’y avait pas de pouls, avant de se rendre compte qu’il s’agissait de leur amie. Sous le choc, elles ont quand même essayé de faire des massages cardiaques pendant une quinzaine de minutes, en attendant les pompiers et le Smur. Un médecin et une infirmière ont pris le relais, en vain.
« Très fiers de ce qu’elle était devenue »
Ce mardi matin, à l’audience du tribunal correctionnel de Mamoudzou, la mère de Soizic, accompagnée du frère et la sœur de la victime, décrit une jeune femme toujours « très investie dans tout ce qu’elle entreprenait », qui avait commencé à apprendre le shimaoré et s’était engagée dans la sauvegarde des tortues. Arrivée à Mayotte en septembre 2021, elle avait marqué tous ceux qu’elle a rencontré, eux qui se souviennent de « son énergie positive et communicative ». « Mon défunt mari et moi étions très fiers de ce qu’elle était devenue », fait remarquer sa mère, alors que les sanglots commencent à monter. Une vingtaine d’amis sont là également pour soutenir la famille.
Le portrait de l’automobiliste de 55 ans est moins flatteur. Décrit comme « un conducteur agressif », sa vitesse est souvent excessive et « ses freinages d’urgence » donnaient des sueurs froides à ses passagers. Ce jour-là, il emmenait deux femmes habitant dans le sud de Mayotte sur le lieu de travail à Kawéni. Selon maître Baudry, son absence lors du procès montre qu’il n’est « pas en capacité d’assumer ses responsabilités ». Il s’avère que dans ses premières déclarations, le père de cinq enfants avait même affirmé que le scooter « faisait des zigzags » et que la victime lui aurait indiqué qu’elle sortait d’une fête à Nyambadao. Des propos fantaisistes qui ne convainquent pas grand monde. « Ce n’est pas une simple faute d’inattention, c’est une accumulation de fautes. On n’a laissé à la victime aucune chance », relève plutôt Louisa Aït Hamou. La procureure adjointe rappelle pourtant qu’il est chauffeur de profession et connaît très bien cette route pour être originaire lui-même de Bandrélé. « Il connaît la route et le code de la route. » Elle requiert trois ans de prison dont dix-huit mois fermes et un mandat d’arrêt à son encontre. En outre, elle demande l’annulation de son permis de conduire et une interdiction qu’il puisse passer l’examen du permis pendant cinq ans.
Le tribunal correctionnel a suivi les demandes du Parquet et condamné l’homme de 55 ans à payer les frais d’avocat. Les juges reçoivent également les demandes des parties civiles. Une nouvelle audience en avril 2024 déterminera les montants dus aux membres de la famille de Soizic Pengam, qui « était venue à Mayotte pour donner la vie et y a trouvé la mort », rappelle la procureure adjointe.
« L’argent public, c’est l’argent de tout le monde »
Un artisan-métallier de Dembéni a été condamné à six mois de prison avec sursis, ce mardi matin, par le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Le jeune homme de 26 ans avait perçu 35.800 euros d’aides Covid en faisant des fausses déclarations de chiffres d’affaires en 2020. Il avait sollicité jusqu’à 50.000 euros auprès de l’État pour aider son entreprise à passer la crise sanitaire. Problème, sa société date de janvier 2020 et il n’a donc aucun chiffre d’affaires enregistré sur l’année précédente pour confirmer ses dires. A ses yeux, ce n’est pas si grave. « Si on me donne de l’argent, c’est que j’y ai le droit », avait-il affirmé au cours de son audition. En septembre 2020 par exemple, il avait réussi à obtenir 3.000 euros en arguant que son chiffre d’affaires de septembre 2019 était de 10.000 euros. L’administration fiscale a découvert le pot aux roses et lui réclame depuis l’argent qu’il a perçu, d’où le jugement pour escroquerie devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou, ce mardi. Domicilié à La Réunion, l’artisan n’était pas présent à l’audience. Seule l’administratrice de la société (bientôt en liquidation) était là. Celle-ci a reconnu que de nombreuses dépenses ne lui ont jamais été justifiées. Il y a par exemple ce voyage à Dubaï où l’argent de l’entreprise a servi à l’achat de matériel professionnel, c’est vrai, mais également à un scooter. D’autres acquisitions posent question comme un autre véhicule qu’il dit avoir acheté pour la société ou « les 18.000 euros virés vers des comptes-tiers ». Rappelant que « l’argent public, c’est l’argent de tout le monde », le Parquet a requis six mois de prison avec sursis, une amende de 1.500 euros également assortie d’un sursis, une interdiction d’exercer une activité commerciale et une autre de répondre à des marchés publics pendant cinq ans. Le tribunal a suivi en confirmant qu’il devra aussi rembourser les 35.800 euros à l’administration fiscale.
Un policier relaxé au sujet d’une reconnaissance de paternité
Un fonctionnaire de police de Mamoudzou de 21 ans s’est retrouvé au cœur d’un imbroglio familial, qui a débuté avec la perquisition du domicile de sa mère dans le cadre d’une autre affaire. Celle-ci a tenté de cacher aux policiers des déclarations de reconnaissance de paternité concernant ses deux petits-fils nés respectivement en 2021 et en 2023. Le cadet est bien reconnu par le frère du prévenu, qui est de nationalité comorienne. Un doute subsiste toutefois sur l’aîné que le policier a déclaré étant le sien et celui… de sa belle-sœur. A la barre, comme lors des auditions, il a expliqué avoir couché avec elle avant qu’elle ne se mette en couple avec son frère. Il se dit même prêt à faire un test de paternité si besoin.
Quelques éléments mettent en doute cette version comme l’audition où il dit avoir couché pour la dernière fois avec la jeune femme en « juin 2020 », soit seize mois avant la naissance de l’enfant. Il s’était ensuite repris et avait dit qu’il ne savait plus quand était cette fameuse dernière fois. Autre élément troublant, la mère du petit garçon explique que la déclaration de reconnaissance de paternité faite par le policier de nationalité française (son père est Français, contrairement à celui de son frère) est un stratagème mis en place par la famille pour « régulariser sa situation et pour que son fils ait une vie meilleure ». « Même la mère de l’enfant dit que ce n’est pas celui-là le père », rappelle laprocureure adjointe, Louisa Aït Hamou, qui demande quatre mois de prison avec sursis et s’oppose à l’exclusion de la mention d’une condamnation sur le casier judiciaire du jeune homme. Celle-ci n’apparaîtra jamais. Le policier a été relaxé, les juges estimant qu’il manquait « la matérialité des faits ».