Crise de l’eau : Ange Dusom au secours des agriculteurs mahorais

Président Outre-mer du syndicat des Jeunes agriculteurs, Ange Dusom (ancien vétérinaire installé comme éleveur à Mayotte) annonce avoir négocié avec le ministère de l’Agriculture à Paris un paquet de mesures en faveur des agriculteurs locaux. 

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Le représentant syndical aux côtés du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, le 8 juin, au début des discussions autour des problématiques de Mayotte.

Comme indiqué il y a quelques jours par le référent mahorais des JA (Jeunes agriculteurs), Soumaïla « Anwar » Moeva, Ange Dusom multiplie les rencontres à Paris avec les hautes autorités de l’État pour les sensibiliser les différents ministères sur les conséquences désastreuses de la sécheresse actuelle sur l’activité agricole à Mayotte. Ainsi, après un premier déplacement au ministère de l’Agriculture en mai de cette année, celui qui est président Outre-mer du syndicat a de nouveau été reçu le 5 septembre par Simon Laporte, responsable Outre-mer au sein du cabinet dudit ministère, avec lequel il a eu deux réunions de travail aux fins du classement de notre île en « zone de calamité agricole ». La procédure permettrait de faire débloquer des aides rapides au profit des agriculteurs mahorais pour leur permettre de faire face à la crise actuelle de l’eau. Celle-ci touche tous les secteurs d’activités sur le territoire et inquiète au plus haut point les agriculteurs et les éleveurs dont en dépend la survie de leurs exploitations. La rencontre du jeudi 21 septembre, à Dzaoudzi, entre le préfet Thierry Suquet, les services de la Daaf (direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt), la Capam (la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte), les syndicats agricoles et autres organisations de producteurs (voir encadré), s’inscrirait dans le cadre de ces rencontres d’Ange Dusom avec les cabinets ministériels.

Selon l’éleveur de Combani, il a eu un entretien le 18 septembre avec François de Kerever, le conseiller Outre-mer du chef de l’État, Emmanuel Macron, avant d’être reçu à nouveau, le lendemain, au cabinet du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, pour faire le point sur les différentes propositions formulées au profit de nos agriculteurs (et d’autres régions ultramarines). Leurs discussions auraient en particulier porté sur les investissements et la mise en place de l’hydraulique agricole à Mayotte à l’instar de ce qui se fait partout ailleurs sur le reste du territoire national. Des investissements qui n’existent pas encore sur le territoire et que le syndicat des Jeunes agriculteurs souhaite voir porter par l’État. Le principe acté par les parties en présence a porté sur la réalisation de forages à différents endroits de l’île pour alimenter les agriculteurs mahorais en eau. Le modèle de base, à dupliquer, est un dispositif expérimental situé dans la région de Kahani, au centre de l’île, au lieu-dit « Haboué ». Sa réalisation aura coûté 2,8 millions d’euros. Ange Dusom note cependant l’existence de problèmes juridiques liés au fait que cet équipement a été réalisé sur un terrain privé alors qu’il a vocation à servir de nombreuses exploitations aux alentours. L’absence d’une personne morale chargée de l’entretien du réseau demeure un autre handicap pour ce dispositif. D’autant plus qu’il serait également à coupler avec des réservoirs de stockage d’eaux (de pluies ou de forage) utilisables en période d’étiage.

Des agriculteurs mahorais exclus des dispositifs

Lorsqu’on parle de l’hydraulique agricole, il s’agit d’un réseau de distribution d’eau identique à celui actuellement géré par la Sogea pour la consommation des ménages mahorais. L’exception étant que les agriculteurs qui demande à en bénéficier ne sont pas soumis au même niveau de facturation que pour l’eau courante. Selon le représentant syndical, la mise en place d’un réseau hydrographique agricole à Mayotte ne devrait pas coûter plus de 40 millions d’euros, un chiffre qui peut paraître énorme pour un non initié, « mais ailleurs, l’État (et d’autres pouvoirs publics) est habitué à financer des problématiques agricoles pour le triple de cette somme ». Pour lui, ces mesures d’urgence acceptées par le gouvernement en faveur des agriculteurs locaux sont une victoire syndicale, « une très bonne chose pour ceux qui vont pouvoir en bénéficier ».

Il déplore cependant la complexité des fonds de secours Outre-mer qui seraient trop difficiles à conjuguer, de sorte qu’un nombre très important d’agriculteurs mahorais n’y auront pas droit parce qu’ils ne pourront pas remplir les conditions exigées, notamment l’obligation d’être à jour de ses impôts, et des cotisations sociales MSA (mutualité sociale agricole), « ce qui loin d’être le cas pour tous ». Pour pallier cette situation, le syndicat plaide pour une aide forfaitaire individuelle (comme celui accordé aux secteurs des fruits et légumes depuis plusieurs années) qui tiendrait compte des coûts de production particulièrement importants dans le secteur animal.

Ce dernier point n’a pas été validé par les interlocuteurs élyséens de d’Ange Dusom. Il lui aurait été répondu qu’un dispositif d’aide existe déjà à Mayotte, que l’État préfère tester d’abord son efficacité avant d’imaginer son évolution.

Un fonds de secours et une mission d’enquête

Le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, a demandé la mise en œuvre du fonds de secours et une mission d’enquête pour évaluer les dégâts sur la production agricole. Face à la situation exceptionnelle de sécheresse à laquelle est confrontée Mayotte, des actions de court terme seront déployées rapidement : un dispositif exceptionnel d’aide pour le secteur des fruits et légumes qui sera très prochainement ouvert jusqu’au 27 octobre : il s’agit d’un forfait de 240 € par hectare déclaré à la PAC en 2022 et pourrait bénéficier à environ 1 300 producteurs ; le versement de l’aide de minimis pour les bovins d’ici décembre ; l’ouverture au secteur agricole du dispositif d’aide aux coûts fixes annoncé par le ministre délégué aux Outre-mer ; l’étude de solutions pragmatiques pour aider à l’accès un minimum d’eau dans les situations les plus sensibles, notamment pour les petits élevages non branchés au réseau et qui n’ont plus de ressources sur leur exploitation ; l’activation de la procédure du Fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM) avec la désignation d’une mission d’enquête d’ici fin septembre 2023. Le rôle de la mission d’enquête est d’objectiver les dégâts sur la production agricole et de constituer le dossier nécessaire à l’arbitrage gouvernemental d’activation du Fonds de secours pour l’outre-mer ou d’un dispositif équivalent pour les producteurs éligibles. La mission d’enquête se rendra sur le terrain pour déterminer notamment quels sont les agriculteurs touchés et pour quelles productions végétales ou animales, dans quelles parties du territoire et avec quelle intensité.

Des actions de moyen et long terme sont par ailleurs engagées entre les services de l’État, le Conseil départemental et les professionnels : l’engagement des agriculteurs à la régularisation de leur situation vis-à-vis du droit au prélèvement de l’eau pour l’irrigation ; le développement de systèmes d’économie d’eau (goutte-à-goutte…) et la recherche de solutions visant tant à diversifier les sources d’eau à finalité agricole et à assurer un partage équilibré de la ressource disponible (ex : récupération d’eau de pluie, plantation de haies ou de reboisement, développement de l’hydraulique individuelle ou collective). Le FEADER pourra venir au soutien à l’investissement de ces projets dès lors que les porteurs de projets se mobilisent. « De prochains rendez-vous seront organisés dans les semaines à venir pour réaliser la mission d’enquête et affiner le plan d’actions », conclut la préfecture par communiqué.

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