Entrevue diplomatique France – Comores

L’Etat français souhaite la gratuité des visas entre Mayotte et les Comores

Le ministère des Affaires étrangères a répondu en partie à nos questions : l’Etat français a exprimé sa volonté de « rendre gratuit le visa entre les Comores et Mayotte » et s’engage « à rouvrir rapidement l’antenne consulaire d’Anjouan ». Ces annonces font suite à la réunion du 12 septembre entre les ministres des Affaires Etrangères français et comoriens ayant abouti à la signature d’une feuille de route visant à l’assouplissement des règles de circulation des personnes entre Mayotte et les Comores.

L’entrevue opaque mardi dernier entre les ministres des Affaires étrangères français et comoriens dans le cadre du Haut conseil paritaire (HCP) inquiète et indigne la population mahoraise, citoyens comme personnalités de l’île (telles que le député Mansour Kamardine ou l’intellectuel Alain-Kamal Martial) ainsi qu’un certain nombre d’associations dont le Comité de défense des intérêts de Mayotte (CODIM), qui avait soutenu les Mahorais lors de la crise des décasages l’année dernière. Ce Haut conseil paritaire – mis en place en 2013 sous François Hollande et lors de la présidence d’Ikilou Dhoinine afin de doter la France et les Comores d’un organe diplomatique encadrant les échanges franco-comoriens sur les épineuses questions de coopération – se réunissait pour la cinquième fois ce 12 septembre.

Quelques laconiques lignes sur le site du ministère des Affaires étrangères tentent de sibyllines explications sur cette rencontre diplomatique : « Les travaux se sont déroulés dans un climat amical et confiant et ont permis, comme l’avaient souhaité le président de la République et le président Azali Assoumani (François Hollande avait rencontré le président des Comores en octobre 2016, ndlr), de renforcer le dialogue bilatéral. Une feuille de route a été établie, visant à favoriser les échanges humains entre les îles de l’archipel dans un cadre légal et en renforçant la sécurité des liaisons maritimes et aériennes ». La note précise qu’une commission mixte devrait se réunir à Moroni d’ici la fin de l’année. 

Interrogé sur cette feuille de route, le ministère des Affaires étrangères nous a répondu ceci : « Afin de lutter efficacement contre le trafic d’êtres humains, de favoriser les mouvements légaux, de tarir les passages illégaux et de sécuriser les liaisons, aériennes comme maritimes, la France et les Comores ont décidé de travailler à une circulation régulée et plus sécurisée des personnes entre Mayotte et les Comores. Cela témoigne d’une volonté nouvelle de coopération. Les autorités françaises ont annoncé leur volonté, tout en exerçant les contrôles normaux, de rendre gratuit le visa entre les Comores et Mayotte. Nous nous sommes également engagés à rouvrir rapidement l’antenne consulaire d’Anjouan, afin de pouvoir délivrer de nouveau des visas de manière sécurisée. »

Une rencontre qui agite les esprits

L’imprécision qui entoure les modalités de cette feuille de route, la concision du compte-rendu du ministère des Affaires étrangères français et le fait que les élus mahorais n’aient pas été associés aux discussions ont éveillé les soupçons, notamment des membres du Codim qui craignent que les dispositions de ce projet d’accord ne génèrent une intensification de l’immigration. Réunis samedi dernier sur la plage de Hagnoundrou sous la houlette de ce comité, des citoyens mahorais ont exprimé leur mécontentement et se sont concertés pour mettre en place un certain nombre d’actions à venir, dont la fermeture forcée de la préfecture de Mayotte afin d’extorquer des précisions sur le contenu de la fameuse feuille de route. Le Codim a, ce jour-là, nommé des référents de chaque village chargés de « recruter » des habitants qui se joindront à ce vaste mouvement de contestation qui comprend déjà dans ses rangs d’anciennes Chatouilleuses et des militants des Assoiffés du sud, cette association qui avait défendu les droits des usagers durant la dernière crise de l’eau. Et, hier, le comité a rencontré les syndicats. Si le Codim parvient à fédérer plus de 500 personnes, il se rendra à la préfecture dans les jours à venir, a affirmé Maïla, membre active.

Les membres du Codim ne sont pas les seuls à s’exprimer sur ce sujet. Le député de Mayotte Mansour Kamardine (LR) se dit quant à lui « consterné » dans un communiqué du 15 septembre et demande à Jean-Yves Le Drian qu’une délégation composée des parlementaires et du président du Conseil départemental soit instamment reçue par le ministre des Affaires étrangères. Pour le parlementaire, cet assouplissement des visas est « la suite concrète de l’annonce récente par la ministre des Outre-mer de la création d’un visa outre-mer tendant à favoriser (…) le regroupement familial » et conduirait « à la régularisation massive des clandestins » ainsi qu’à l’arrivée « en nombre, de nouveaux migrants ». Selon Mansour Kamardine, « une telle politique ne peut qu’exacerber les très vives tensions qui font de Mayotte une véritable poudrière sociale et sécuritaire » et « ferait du 101ème département français une « jungle de Calais » puissance 10 ». Mansour Kamardine estime également que l’opacité entourant cette feuille de toute, notamment en termes de calendrier et de modalités de mise en œuvre, contrevient à la loi d’orientation et de programmation du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale : «  déni de transparence, déni d’association des acteurs, déni du rôle des collectivités territoriales ». 

 

Un document authentique ou non circule sur Internet

 

Le mystère nimbant cette signature « laisse la porte ouverte à toutes les interprétations », avait déclaré dans un communiqué le député Mansour Kamardine, trois jours avant qu’un document présenté comme une copie de la feuille de route ne fuite sur les réseaux sociaux et ne soit publié par nos confrères de Mayotte 1ère. Ce document, dont l’authenticité est douteuse, fait état de mesures promptes à exacerber la colère des habitants de l’Ile aux Parfums. En effet, il y est noté que « tout Comorien d’Anjouan, de Mohéli et de Grande-Comore, muni d’un passeport comorien valide d’au moins 6 mois, peut se rendre librement à Mayotte à condition de se conformer aux conditions décidées par le ministère comorien de l’Intérieur ». Selon ce même document, cette entrée sur le territoire de Mayotte serait conditionnée à la possession d’un billet aller-retour et d’une somme d’argent supérieure ou égale à 500 euros ainsi qu’à la détention « d’un justificatif dès l’arrivée à Mayotte de l’existence réelle d’une personne en règle résidant à Mayotte qui accepte d’accueillir la personne se rendant à Mayotte ». Ce document qui circule sur les réseaux sociaux met l’accent sur la volonté d’endiguer les arrivées illégales à Mayotte et d’éviter les drames qui en découlent grâce notamment à une étroite coopération judiciaire et policière entre la France et les Comores. Enfin, ce document mentionne que les deux Etats se réservent le droit de « suspendre l’application du présent accord » si lors du premier bilan (un semestre après son entrée en vigueur), il s’avère « que les drames humains entre Anjouan et Mayotte ont plutôt augmenté ». 

 

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