Les trois membres d’un réseau de passeurs actif à Mayotte ont été jugés, ce vendredi 28 juillet. Si leurs responsabilités ne sont pas similaires, la finalité est la même. Les trois hommes de nationalité comorienne passeront respectivement cinq ans, dix-huit mois et un an en prison.
« On n’est pas riches, nous, on n’est pas chefs. » Les trois prévenus qui font face aux juges du tribunal correctionnel de Mamoudzou, ce vendredi, ont eu le temps de réfléchir en détention. Arrêtés à la fin du mois de juin, ils avaient demandé un délai pour préparer leur défense lors d’une première audience en comparution immédiate. Un mois plus tard, les versions ont un peu changé, même s’ils reconnaissent chacun leur participation à un réseau de trafic de clandestins entre Anjouan et Mayotte. Sommes touchées, nombre des passages effectués, ils préfèrent minimiser pour réduire leurs peines. Cependant, les écoutes téléphoniques et leurs premières déclarations en garde à vue révèlent l’importance du réseau. Au moins depuis 2020, ce dernier faisait entrer des embarcations chargées d’une quinzaine de passagers en moyenne. Leur fréquence reste inconnue. Si l’un des prévenus a parlé de « trois à cinq bateaux quotidiennement », il évoque au tribunal « au moins un par semaine ». Au tarif de « 300 à 400 euros par personne », le chiffre d’affaires des passeurs atteindrait plusieurs centaines de milliers d’euros, voire quelques millions. Si les chefs se partagent les plus grosses parts, de l’argent est aussi versé au pilote, aux chauffeurs chargés de récupérer les clandestins et aux guetteurs qui surveillent les allées et venues des intercepteurs des forces de l’ordre.
« J’aide les kwassas à rentrer »
Tous originaires d’Anjouan, ils sont arrivés sur l’île aux parfums de manière illégale. Le premier, âgé de 32 ans, est un ancien pêcheur. Les écoutes ont montré qu’il avait un rôle prépondérant dans le trafic et qu’il donnait souvent les ordres. Si la tête du réseau est à Anjouan, il organise la réception des kwassas sur le sol mahorais. Lui se défend d’être le chef, mais plutôt l’homme de main de « Shoua », qui serait le frère de la tête de réseau. Les écoutes indiquent le contraire. Il serait même l’organisateur d’un voyage, le 4 avril 2023, au cours duquel trois personnes sont portées disparues. « J’en ai beaucoup souffert », tente-il d’expliquer à la barre. « Pourtant, quand on écoute vos conversations, vous semblez plus inquiet pour votre pilote que pour les autres », réplique Adrien Rosaci, le président du tribunal correctionnel.
Les deux autres semblent plutôt avoir des rôles secondaires et ont le point commun d’être mécaniciens. A 36 ans, fébrile devant les juges, le plus âgé affirme qu’il a servi de chauffeur en 2020, puis il a arrêté. Bénéficiant lui-même de trajets illégaux depuis Anjouan pour lui et sa femme, il a repris contact avec le premier prévenu pour devenir guetteur. « J’aide les kwassas à rentrer à Mayotte », admet cet homme, qui attendait pourtant l’obtention d’un titre de séjour, lorsqu’il a été interpellé, en juin. Il conteste quand il entend que son surnom, « Jack Bauer », serait très connu de la police aux frontières. Selon lui, une confusion est souvent faite avec un autre passeur d’Anjouan. Le troisième homme, 23 ans et habitant de Koungou, serait l’un des derniers recrutés. Il occupait la fonction de chauffeur du premier prévenu depuis février 2023. Alors que les autres ne sont pas connus de la justice, lui a été expulsé à plusieurs reprises du territoire mahorais.
Le tribunal correctionnel n’a pas suivi le Parquet, qui demandait trois ans de prison à l’encontre des trois. Il a préféré requalifier les faits et établir une hiérarchie entre les prévenus. Houmadi Anli écope de la peine la plus lourde, cinq ans de prison. Saenfane « Jack Bauer » Hamidoune est condamné à dix-huit mois de rétention. C’est un peu moins pour Ibrahim « Ibou » Mohamed (un an). Ils reçoivent chacun une interdiction de territoire français pendant trois ans.