Comores : Azali Assoumani gracie des opposants, mais pas l’ex-raïs Sambi

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La liste des personnes ayant bénéficié la clémence du chef de l’État comorien, Azali Assoumani, a été publiée juste après la fin de la fête nationale, ce jeudi. Toutefois, l’absence de ses farouches opposants notamment, l’ex-président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, condamné à la perpétuité n’a pas tardé à sauter aux yeux.

 Comme un peu partout en Afrique, le jour de la fête de nationale rime souvent avec annonces importantes des chefs d’État. A Moroni, où la population célébrait les 48 ans d’indépendance, le président de l’Union des Comores a ainsi accordé des grâces à des condamnés dont des opposants. Ce pouvoir discrétionnaire est prévu dans l’article 54 de la constitution. Le décret, publié presque une heure après la fin de festivités, comporte 16 noms. Tous écopaient des peines de prison ferme à Anjouan, les détenus amnistiés sont au nombre de huit, dont des militants du Juwa, premier parti d’opposition du pays. Si la plupart d’entre eux étaient placés en détention depuis 2018, d’autres l’ont été l’année suivante. Leur seul point en commun est qu’ils sont tous des condamnés de la cour de sûreté de l’État.

Cette juridiction considérée par certains comme une arme de musèlement du pouvoir est surtout décriée parce que ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours. Si d’autres personnalités politiques écopent des peines prononcées par ladite cour, nombreuses sont celles sui ne figurent malheureusement pas sur le décret de grâce, malgré les rumeurs qui courraient.  C’est le cas de l’ancien raïs, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. L’ex-président qui a dirigé l’archipel de 2006 à 2011 fait partie des virulents opposants au régime d’Azali Assoumani. Après plus de quatre ans d’emprisonnement, le président d’honneur du parti Juwa a été condamné à la perpétuité, en novembre 2022 pour « haute trahison », dans l’affaire de la citoyenneté économique. On lui a retiré également ses droits civiques. Lors de son procès, auquel il s’est rendu seulement le premier jour, il a dénoncé vigoureusement « une cour illégale ».

Pas de conditions

Le Front commun des forces vives contre la dictature, principale plateforme de l’opposition, refuse depuis de dialoguer avec Azali Assoumani tant que ce dernier n’aura pas liberté tous les détenus politiques, dont Sambi. Jusque-là, les tentatives d’amorcer des discussions ont échoué. Le pouvoir, lui ne désarme tout de même pas et veut donner une bonne image à l’approche des élections prévues en 2024. Le dernier acte posé est l’appel lancé aux exilés politiques, les invitant à regagner Moroni. Sauf que cette main tendue suscite méfiance. Les opposants réclament d’abord la libération des prisonniers incarcérés sur place comme signe de bonne foi. Raison pour laquelle, l’absence de Sambi et des autres leaders de la liste de ce 6 juillet n’est pas passée inaperçue. D’autant que selon de nombreux juristes, le président peut accorder la grâce à qui il veut. Il n’existe aucune condition à remplir. Pas besoin que le concerné en fait une demande comme d’aucuns le laissent entendre. Pour rappel, l’avocat de Sambi a toujours rejeté toute hypothèse de solliciter une grâce qui est selon lui synonyme de reconnaissance des faits pour lesquels son client a été condamné. Une lecture que des hommes de droit ne partagent pas. Pour les seize graciés de ce jeudi, on ignore s’ils en avaient écrit au président ou pas. Nous avons posé la question au ministre de la Justice, mais il n’a jamais donné suite.

On sait seulement que les huit détenus originaires de l’île d’Anjouan qui viennent d’être pardonnés avaient été jugés au mois de mars 2022 dans deux affaires différentes. Pour Badrane Loukmane, Moustoifa Ali Ousseine et Fouad Saïd étaient condamnés à des peines allant entre six à douze ans, pour « tentative de participation à un mouvement insurrectionnel ». La justice les avait déclarés coupables car ils ont servi d’intermédiaires dans une opération d’acquisition et de déplacement d’armes, notamment des AK47, ainsi que les munitions. Deux autres avaient par contre écopé des lourdes peines de dix ans dans l’affaire de la Médina, du nom de cette insurrection qui avait éclaté en 2018, à Mutsamudu. Ce soulèvement a causé la chute de l’ex-gouverneur Abdou Salami, condamné à douze ans de prison pour son implication.

Cet opposant qui ne s’empêchait pas de critiquer la révision constitutionnelle d’Azali a toujours nié les faits qui lui sont reprochés. Faut-il s’attendre à une autre pluie de grâces avant les élections ?  Seul l’avenir nous le dira.