Le IVème forum des régions ultrapériphériques (Rup) de l’Union européenne (UE) dont fait partie Mayotte, a débuté hier à Bruxelles. Pendant deux jours, les 9 Rup se réunissent à la Commission européenne afin de débattre des enjeux actuels et à venir dans les territoires ultramarins et de leurs rapports avec l’UE. La séance d’hier matin était consacrée aux discours d’ouverture de la commissaire européenne pour la politique régionale Corina Crețu, des présidents des Rup, des ministres des Etats membres auxquels appartiennent ces régions ou encore de parlementaires européens. L’agriculture, la pêche (artisanale) et l’adaptation des règles européennes aux spécificités et aux contextes de chaque territoire étaient au centre des prises de parole.
C’est dans un contexte de mouvement social en Guyane et de sortie de la grande Bretagne de l’UE qu’a été inaugurée jeudi la IVème édition du forum des Rup qui se tient en ce moment dans la capitale belge. La crise que traverse actuellement la Guyane a même empêché la ministre française des Outre-mer Ericka Bareigts et le président de la collectivité territoriale de la Guyane Rodolphe Alexandre de participer à cette rencontre puisqu’ils sont à l’heure actuelle mobilisés dans la recherche de solutions pour mettre fin aux tensions.
L’adaptation des normes européennes aux spécificités et au contexte de chaque Rup était l’une des premières problématiques évoquées lors du discours enregistré de Rodolphe Alexandre. « Le développement de nos territoires restera une illusion tant que l’UE n’adaptera pas ses règles notamment au niveau des accords commerciaux », a déclaré le président guyanais. Miguel Albuquerque, président de la région de Madère, lui a emboîté le pas sur ce sujet-là: « On doit prendre en compte les spécificités locales sans qu’on soit taxé d’atteintes aux règles de la concurrence par l’UE ». L’eurodéputé de la circonscription Outre-mer Younous Omarjee qui dit « ne pas chercher à déplaire mais à dire ce qui doit être dit », a lui aussi insisté sur ce point. Il a appelé la Commission à appliquer pleinement l’article 349 du traité de Lisbonne dans les Rup. Cet article doit permettre d’adapter cette législation européenne aux réalités ultramarines. Du côté de la délégation mahoraise, certains regrettaient que Jean-Marie Leguen, secrétaire d’Etat au développement et à la francophonie, n’ait pas axé son discours sur cette « nécessité d’assouplir les lois européennes » dans les Rup. « Il n’a quasiment parlé que des subventions européennes alors qu’à Mayotte même l’Etat ne donne pas ou de manière incomplète, tous les fonds dont devrait bénéficier l’île », faisait remarquer l’un des participants.
« Combien de stratégies, de mémorandums, de discours faut-il pour que nous entrons dans le concret? »
L’autre sujet plusieurs fois mis en avant portait sur le renouvellement des flottes de pêche des Rup. « Cette question fait débat à Bruxelles. Il s’agit juste de renouveler nos bateaux. le but étant de permettre à la pêche artisanale d’accéder à la pêche pélagique (pêche au grand large) et d’empêcher le pillage de nos ressources halieutiques par la pêche internationale », explique Rodolphe Alexandre.
Tous les participants sont unanimes sur l’importance de cet événement pour débattre et réaffirmer l’unité des Rup pour défendre leurs intérêts communs au sein des institutions européennes. Mais certains acteurs de la politique ultramarine ne cachent pas leur lassitude face à l’avancée très lente de certains dossiers dont ceux évoqués précédemment. C’est le cas de Younous Omarjee qui s’interroge sur la volonté ou non de l’Europe de faire progresser ces questions de la pêche ou de l’article 349: « Combien de stratégies, de mémorandums, de discours faut-il pour que nous entrons dans le concret? Je ne crois pas que l’empilement des stratégies, des communications, des déclarations de bonnes intentions, effacera la violence de certaines décisions qui ont fragilisé l’économie et les emplois dans certaines Rup. Rien ne pourra effacer la violence de la disparition des quotas pour la banane ou la disparition des quotas pour la canne à sucre. »
Reste donc à savoir si le mémorandum des 9 Rup qui sera présenté aujourd’hui au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, restera lettre morte ou au contraire enclenchera une réforme majeure.
►L’UE peut-elle aider Mayotte à résoudre le problème de l’immigration clandestine?
Lors d’une conférence de presse, la commissaire européenne pour la politique régionale Corina Crețu a affirmé la nécessité de solidarité entre les Etats membres de l’Union européenne concernant l’accueil des migrants et l’indemnisation des pays subissant l’afflux d’immigrés clandestins ou réfugiés du fait de la proximité de leurs frontières. La question d’une solidarité similaire pour Mayotte a donc été abordée. La commissaire a réaffirmé être consciente de l’ampleur de la problématique dans le 101ème département français. « Nous avons des fonds sociaux disponibles pour ces populations (NDLR: les immigrés clandestins) », a-t-elle déclaré. « La situation est différente sur le continent européen », a-t-elle ajouté. Pourtant, en dehors des vagues de réfugiés syriens, l’Europe à l’instar de Mayotte fait face à des vagues migratoires essentiellement économiques. Le président du Département Soibahadine Ibrahim a quant à lui assuré que cette question de l’aide européenne pour l’île au lagon et la Guyane dans ce domaine était à l’ordre du mémorandum des Rup qui sera transmis aujourd’hui au président de la Commission européenne.
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