Ce jeudi 22 et vendredi 23 juin un homme de 27 ans comparaît en appel aux Assises de Mamoudzou. Il est jugé pour tentative de meurtre envers un individu à qui il a assené une trentaine de coups de tournevis dans la zone cervicale. Ce premier jour de procès a donné la parole aux principaux intéressés, aux témoins de la scène ainsi qu’aux experts. Ces derniers vont pouvoir faire la lumière sur la personnalité déroutante du jeune accusé et tenter d’apporter au Président, Cyril Ozoux, et aux six jurés les pièces manquantes du puzzle.
L’homme de 27 ans est assis, stoïque. Il fixe les jurés et écoute les échanges tout en se grattant la tête, de temps à autre. Mais plus le procès avance, plus l’accusé montre des signes d’agitation, en se grattant avec nervosité. Ce geste justement est un signe d’angoisse qu’Harouna A. réalise lorsqu’il se trouve dans une situation qui lui est inconfortable. C’est le même geste qu’il aurait effectué de manière compulsive dans la nuit du 15 au 16 mai 2016, alors qu’il venait de commettre une tentative de meurtre sur Halidi A. Si l’accusé a reconnu les faits au moment de son interpellation par la gendarmerie, les raisons de son passage à l’acte restent floues, même sept ans après les faits. La personnalité du jeune homme intrigue et laisse la cour dubitative.
D’un vol à une tentative de meurtre
« Prends mon téléphone mais ne me tue pas ». C’est avec une voix tremblante qu’Halidi A. témoigne et retranscrit la scène qui a changé sa vie devant la cour. L’homme, en pleurs, peine à expliquer avec précision les faits qui se sont déroulés au cours de cette nuit du 16 mai 2016. « Je me rappelle les deux coups de tournevis que j’ai reçus dans le cou mais après je suis tombé par terre et je n’ai plus aucun souvenir », explique-t-il devant la cour. Les deux hommes se trouvaient alors à Kangani, le village où ils vivaient sans vraiment se connaître. « Il arrivait qu’on se croise et qu’on se salue mais c’est tout ».
Ce soir de mai, les deux hommes auraient fait un bout de chemin ensemble. Il était alors minuit quand Harouna A. arrive chez lui et qu’Halidi A. fait demi-tour pour rentrer chez lui à son tour. La scène aurait pu s’arrêter là si Harouna A. n’avait pas tenté de dérober le téléphone d’Halidi A. en le saisissant par derrière, au niveau du cou et en lui bâillonnant la bouche. Si les causes et les circonstances du vol restent encore floues, il semble tout de même clair qu’Halidi A. n’a pas lutté et aurait rapidement cédé son téléphone à son agresseur. Cette réaction n’a pas empêché Harouna A. d’attaquer l’homme d’une « cinquantaine de coups sur le corps dont une trentaine avec le tournevis dans des zones vitales », d’après les rapports médicaux.
Alors qu’Harouna A. a déclaré ne « rien avoir à dire » devant la Cour, le Président a tout de même tenté d’obtenir des informations de la part de l’accusé – notamment au sujet de l’arme blanche utilisée qui n’a jamais été retrouvée par les enquêteurs. L’accusé n’a également pas su expliquer les raisons pour lesquelles il était en possession d’un tournevis. Si d’après l’adjudant-chef de la gendarmerie, la tentative de meurtre ne semblait pas préméditée, Harouna A. a tout de même assené deux coups de tournevis qui auraient pu être mortels.
L’un des coups portés a d’ailleurs causé un œdème pulmonaire à Halidi A. qui a reçu 30 jours d’ITT après avoir été en réanimation pendant une dizaine de jours.
Un homme dont la personnalité divise et intrigue
« Il est rappelé aux jurés que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ». Difficile pour les jurés de se tenir à cette phrase procédurale du Président en début d’audience alors que l’homme qui est assis en face d’eux a un passif de meurtrier. Harouna A. a tué l’un de ses codétenus en prison seulement un mois après la tentative de meurtre pour laquelle il comparaît aujourd’hui. L’homme, alors âgé de 21 ans au moment des faits, a étranglé son camarade de cellule. Le Président a rappelé à plusieurs reprises que l’analyse psychiatrique faite après ce meurtre avait déclaré que Harouna A. était atteint de schizophrénie indifférenciée à tendance hallucinatoires.
De son côté, Sami Hamidi – expert psychologue qui a analysé sa personnalité lors de la tentative de meurtre – a déclaré qu’il avait un « niveau intellectuel inférieur à la moyenne » et ne faisait preuve « ni de regrets, ni d’introspection ». L’enquête de personnalité menée à la suite de cette tentative d’homicide révèle qu’Harouna A. n’a visiblement pas vécu de traumatisme dans sa vie mais a sans doute manqué de repères et d’encadrement.
L’audition de ce jeudi aura également été l’occasion d’écouter les témoignages des proches de l’accusé. Il est décrit comme « une personne calme et sans histoires », d’après son neveu et qui « n’a jamais fait de mal à personne ». Ce dernier avoue même avoir été surpris d’apprendre les faits et a déclaré devant la cour qu’il ne pense pas que son « tonton » – comme il l’appelle – ait pu commettre de telles choses. Le Président, Cyril Ozoux, s’est empressé de reprendre l’homme en lui rappelant que plusieurs experts avaient analysé les faits et qu’un témoin avait vu la scène.
Les auditions se sont enchaînées tout au long de la journée et doivent se poursuivre ce vendredi 23 juin. La cour doit encore éclaircir quelques points sur la personnalité de l’accusé grâce à l’intervention de l’expert psychiatre. Si aucun trouble psychologique n’est reconnu chez l’accusé, ce dernier risque la peine maximale de réclusion criminelle à 30 ans d’emprisonnement.