Grogne chez les chauffeurs de taxi en Petite-Terre. Face à l’augmentation importante des contrôles de passagers en situation irrégulière sur le territoire, ils enregistrent un grand manque à gagner. Ils lancent un appel au préfet pour obtenir une mesure compensatoire.
« Si ça continue comme ça nous allons faire une grève illimitée et le préfet requestionnera les véhicules de gendarmerie pour faire taxi à notre place ! ». Le moins qu’on puisse dire c’est que les conducteurs de taxi de Petite-Terre sont lassés des conséquences pécuniaires pour leur profession consécutives à l’opération « Wuambushu », initiée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Ils affirment n’avoir absolument rien contre cette mesure sécuritaire pour l’île, mais ils mettent en avant le manque à gagner qu’elle engendre pour leur activité. Ils sont très nombreux à dénoncer une absence de considération de leur profession par le préfet de Mayotte.
Dans la quasi-impossibilité de travailler
« Parfois nous avons l’impression qu’on nous prend pour des passeurs comoriens de kwassas-kwassas, ce que nous ne sommes pas, que nous n’avons jamais été et que nous ne serons jamais ! Nous sommes des artisans chauffeurs de taxi, des chefs d’entreprises et des contribuables comme d’autres. Nous payons nos impôts et nous n’acceptons pas le traitement qu’on nous inflige », lance Bilal, résidant à Pamandzi. Par traitement infligé, il faut comprendre un manque à gagner qui ne cesse de prendre de l’installation dans la durée de l’opération « Wuambushu ». Il se déclarent dans la quasi-impossibilité de travailler, tant ils se considèrent les premières victimes des contrôles de gendarmerie opérés sur le boulevard des crabes, entre le rond point du Four-à- chaux, à Labattoir et le rocher de Dzaoudzi, le lieu de départ et d’arrivée des barges. À l’approche de la visite de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, ils ont décidé de hausser la voix pour réclamer des mesures compensatoires face au manque à gagner qu’ils subissent.
« Si ça continue comme ça, nous allons tous un jour déposer le bilan. Par jour nous sommes contrôlés plusieurs fois sur ce tronçon de route par les mêmes patrouilles de gendarmerie, à l’aller comme au retour. Ça commence à Four-à- chaux, ensuite à Dzaoudzi, ensuite sur le parking de la jetée Issoufali devant la barge. Au retour c’est le même rituel à Foungoujou devant l’entrée du STM ». Sims, un autre chauffeur de taxi explique qu’ils n’ont rien contre le travail des forces de l’ordre, mais s’inquiète devant le nombre de clients qu’ils perdent au cours de ces contrôles avant même qu’ils n’aient le temps de payer leur course.
Une mesure qui se répète 3 fois par jour aux mêmes endroits
Il accuse les représentants syndicaux de leur profession, de ne rien faire, alors qu’ils sont au courant de cette situation qui s’aggrave. « Il y en a un qui est fort en gueule mais qui n’agit jamais, les autres se planquent en Grande-Terre et feignent de ne rien savoir. Si cette situation perdure, nous n’excluons pas de faire une grève illimitée, le préfet devra alors faire appel aux forces de l’ordre pour faire le taxi à notre place. Les autorités ne se rendent pas compte que certains d’entre nous ont des crédits bancaires à payer pour leur activité et que la situation actuelle ne concoure pas à cela ». Au cœur de cette grogne, les passagers ne disposant pas de titre de séjour qui se font embarquer par les forces de l’ordre au cours des dits contrôles. Les artisans chauffeurs de taxi estiment qu’il n’est pas de leur ressort de vérifier la régularité de leur situation avant qu’ils ne montent à bord de leur véhicule. Pour eux, un contrat moral est établi entre eux et leurs clients pour les conduire d’un point A à un point B à raison de 2 € la course par personne. Par conséquent, ils souhaiteraient des gendarmes que les contrôles s’effectuent au bout de leur trajet et non pendant, de sorte que les passagers s’acquittent de leurs frais. À défaut, qu’ils suivent le taxi jusqu’au point d’arrivée du client reconnu sans papiers, afin que ce dernier soit contraint de payer sa course. Cette revendication ne serait pas nouvelle, selon certains chauffeurs de taxi, elle reviendrait sans cesse sur la table à chaque fois qu’ils ont à négocier avec l’autorité préfectorale. « C’était déjà le cas lors des trois dernières grèves que nous avons observé pour demander une revalorisation du coût de la course », indique Mohamed, un autre chauffeur de taxi. Mais ce n’est pas la seule entrave à l’exercice de leur métier qu’ils pointent du doigt. Ils soutiennent avoir obtenu des pouvoirs publics que les véhicules de gendarmerie ne soient pas stationnés sur les emplacements réservés sur le parking du quai Issoufali lors des contrôles d’identité à la sortie des barges. « Cette mesure a été respectée pendant quelques temps avant d’être systématiquement ignorée depuis cette affaire de Wuambushu. Trois fois par jour c’est exactement le même rituel, comment voulez-vous qu’on gagne notre vie, qu’on paie nos impôts et qu’on s’occupe de nos familles ? ». Ils se défendent tous d’être en opposition avec l’opération Wuambushu, ils veulent juste une juste compensation devant l’explosion de leur manque à gagner.