Rien n’est jamais perdu dans la nature, et surtout pas une belle coquille de mollusque délestée de son hôte par un prédateur gourmand et habile. Allons à la découverte des Bernard l’hermite ou « pagures », les rois du recyclage sous-marin.
Un coquillage semble déambuler maladroitement sur le sable… pas de doute, ce n’est certainement pas un gastéropode qui se serait acheté des jambes, et la coquille est très probablement habitée par un pagure, ces sortes de petits crabes ermites !
Les Bernard l’hermite ou pagures font partie du plus grand groupe du règne animal, qu’on appelle les Arthropodes (du grec arthro = articulation et pode = pieds). Huit animaux connus sur dix font partie de cet embranchement caractérisé par son squelette externe articulé, dont les insectes, araignées, scorpions mais aussi les crustacés comme les langoustes, crevettes et crabes.
Le terme de crustacé désigne approximativement les arthropodes marins, et ceux qui comme les crabes ou les pagures possèdent cinq paires de pattes sont dits « décapodes » (deca = 10, pode = pieds). Cependant les Bernard-l’hermite ne sont pas des crabes, mais appartiennent à un groupe distinct, qui contient aussi les galathées, les « crabes porcelaines » et les « crabes taupes ».
Les pagures sont généralement reconnaissables à leurs pattes poilues, à leur paire de pinces dont l’une est souvent plus grosse que l’autre et sert d’opercule à la coquille, à leur paire d’antennes et à leurs yeux tels deux périscopes scrutant inlassablement les alentours.
Il y a trois familles principales de pagures : les pagures gauchers (Diogénidés), les pagures droitiers (Paguridés) et les pagures terrestres (Cénobitidés), qui comprend l’impressionnant « crabe de cocotier », plus gros arthropode terrestre, et seul pagure à ne pas avoir besoin de coquille à l’âge adulte.
En effet, à cause de leur abdomen mou et spiralé, les pagures doivent se loger dans des coquilles vides abandonnées par des gastéropodes (des « coquillages »), pour se protéger d’éventuels prédateurs friands de cette petite gourmandise. Comme les gastéropodes sont souvent nocturnes, la plupart des coquilles en bon état que vous trouverez de jour sur les plages ou dans l’eau sont habitées par des pagures !
Mais le Bernard l’hermite doit régulièrement changer de maison (d’où le nom d’(h)ermite) car cette location saisonnière deviendrait trop petite pour lui à chaque mue. Comme tout bon crustacé, il possède un exosquelette, cette carapace qui le protège des agressions extérieures mais dont il est obligé de se séparer régulièrement durant sa croissance. Ce procédé qu’on appelle la mue, consiste pour l’animal à sortir de sa carapace devenue trop petite pour lui afin de s’en fabriquer une toute neuve ! C’est un moment où le pagure est très vulnérable car son nouveau corps encore mou le contraint à rester à l’abri, caché des prédateurs, afin de se reconstituer une armure plus solide.
Certaines espèces de pagures fixent sur le toit de leur maison des anémones urticantes, qu’ils peuvent ensuite décoller et recoller à leur guise sur une nouvelle coquille. Elles les protègent des prédateurs comme les pieuvres, et y gagnent protection et débris nutritifs en suspension.
►Ce Dardanus gemmatus entretient des anémones urticantes sur sa coquille pour dissuader les prédateurs.
On trouve des pagures dans tous types d’habitats marins : sableux, corallien, basaltique, etc. Ils sont sans cesse à la recherche de nourriture qu’ils capturent et broient à l’aide de leurs puissantes pinces. Omnivores, on peut observer chez les petites espèces (tel Calcinus laevimanus ou encore Calcinus latens) des attroupements de plusieurs dizaines d’individus, s’invitant à un festin sur une charogne, bien plus grosse qu’eux. Parfois aussi ils se regroupent quand l’un d’eux a trouvé une nouvelle coquille : un second prendra la coquille qu’abandonne le premier, et ainsi de suite sur parfois plusieurs dizaines d’individus, abandonnant à la fin la coquille la moins confortable.
Les pagures de la famille des cénobites sont terrestres : ils peuvent se déplacer à l’air libre en plein soleil, grâce à leur exosquelette bien isolé qui les protège de la déshydratation, et s’aventurer assez loin dans les terres. Certaines personnes en élèvent comme animaux de « compagnie », et au Japon on peut même leur acheter des coquilles fantaisie en plastique…
En Polynésie, on utilise l’abdomen des pagures, qu’on incorpore à la mixture réalisée à base d’huile de coco et de fleurs de tiare, pour accélérer sa fermentation et obtenir ainsi la fameuse huile de monoï.
Alors méfiez-vous si vous ramassez des coquillages de ne pas sacrifier un pauvre ermite : après quelques jours à l’air dans votre chambre, le parfum risque de ne pas être celui des vahinés…
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