Dure semaine pour l’ancien maire de Chirongui (de 2020 à 2022). Condamné à un an de prison ferme ce mardi pour fraude électorale, Andhanouni Saïd l’est de nouveau en appel ce jeudi. Cette fois, ce sont ses voyages en métropole et à Madagascar aux frais de la municipalité, les recrutements de proches à la mairie sans les qualifications requises et une conception très personnelle des marchés publics qui ont poussé la cour d’appel à lui infliger une peine de 18 mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité. Le 3 mai 2022, c’était cette affaire jugée en première instance qui avait entrainé sa destitution.
Les protagonistes espéraient sans doute voir leurs peines respectives se réduire ou s’effacer en appel. Condamnés en première instance, le 3 mai 2022, l’ex–maire de Chirongui, son directeur de cabinet (jugé aussi mardi, mais relaxé), son directeur général des services, son adjoint à la sécurité et « son garde du corps » ont été de nouveau condamnés, ce jeudi 8 juin, par la cour d’appel. Les cinq ont pris part à deux voyages qui ont coûté en tout 25.000 euros à la commune. Le premier a eu lieu en septembre 2020, soit trois mois après l’élection d’Andhanouni Saïd, à Issoudun (Indre). Le congrès de l’Actas (Association des cadres territoriaux de l’action sociale) ne concernait pourtant que les fonctionnaires en charge de ce sujet. Mais la municipalité de Chirongui avait choisi d’y déplacer une délégation de six personnes pour 13.000 euros. Outre l’adjointe aux affaires sociales et le directeur adjoint du CCAS, le maire, le directeur de cabinet, le directeur général des services (DGS) et l’adjoint à la sécurité ont participé à l’événement. Sauf que leur géolocalisation et la feuille d’émargement dudit congrès ont indiqué le contraire. « Vous n’y êtes présents qu’une matinée », avait fait remarquer la présidente du tribunal correctionnel, Chantal Combeau, lors du premier procès en mai 2022. Selon le maire, le plan était plutôt de profiter du voyage pour se rendre à Paris, y déposer des dossiers aux ministères de l’Outre-mer et de l’Intérieur. Aucune preuve n’a pu être établi alors que l’élu a passé douze jours en métropole, quand un autre y passera 26 jours. Et leur aventure en région Centre ne s’est pas arrêtée là puisque, malgré les défraiements, la délégation a laissé une note de 3.000 euros dans un hôtel de Châteauroux. « Je ne savais pas qu’il fallait que je paye », s’était maladroitement défendu le maire destitué depuis le 3 mai 2022 et sa condamnation en première instance.
Pour le séjour à Madagascar, une nouvelle délégation avait passé deux semaines et demie à Majanga, en passant par Nosy Bé, pendant les vacances scolaires de décembre 2020 et janvier 2021. Toujours aux frais de la municipalité, Andhounani Saïd s’y est rendu en compagnie de son directeur de cabinet, de son DGS et son garde du corps. Ce dernier est resté cependant dans sa chambre d’hôtel durant le séjour « ayant peur de l’insécurité sur place ». La raison invoquée pour ce voyage : « des échanges culturels avec Madagascar ». Le petit groupe avait tenté de défendre le sérieux de leur démarche en rappelant leurs rencontres avec le troisième adjoint de Majanga, le comité des douanes ou la ministre de l’Enseignement, qui n’est autre que la femme du DGS de Chirongui (il ne l’est plus aujourd’hui). Curieusement, l’adjointe à la culture et le responsable de la culture n’ont pas fait partie du voyage.
Des proches recrutés sans qualifications requises
Autre fait imputé au maire, la prise illégale d’intérêts s’est trouvée de nouveau avérée, en l’occurrence le recrutement de sa fille, sa sœur comme Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) et l’un de ses amis comme « garde du corps ». La première, par exemple, a occupé rapidement la fonction d’assistante de direction pendant six mois. Hormis sur des postes de vendeuse, la jeune femme de 24 ans (relaxée en première instance) n’a aucune expérience d’une collectivité ni de diplôme requis. « C’est mon directeur des services adjoint (DGA) qui m’a dit qu’on pouvait faire ça », avait tenté de se défendre Andhounani Saïd, en mai 2022. « Il m’a dit que ça posait problème uniquement si c’est un emploi fictif. Mais là, ce n’est pas le cas. Beaucoup à la mairie demandent son retour. » Chose rare à Mayotte, un ami du maire, âgé de 68 ans dorénavant, était employé par la mairie pour être « le garde du corps » du maire. « Dès mon élection, il y avait des gens mécontents. Ils venaient à la mairie avec des machettes », avait justifié l’élu. Pour ce qui de la sœur devenue Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), elle n’a pas fait appel cette fois-ci. Elle a été condamnée à trois mois de prison avec sursis en première instance.
Enfin, le favoritisme a été retenu une nouvelle fois contre Andhanouni Saïd. Celui-ci avait la propension à faire appel à un commerçant local et deux loueurs de voitures, sans tenir des marchés publics. L’un d’eux, par exemple, a pu louer quatre véhicules à la municipalité, dont trois à des tarifs « entre plus élevés que le prix du marché », avait remarqué le Parquet. Les deux avaient même trouvé une combine. Ils louaient les véhicules au tarif classique auprès d’autres sociétés, pour ensuite les sous-louer plus cher à la commune. Quant au commerçant, l’affinité du politique qu’il partageait avec le maire lui a permis de facturer 102.000 euros à la municipalité. Les enquêteurs ont pourtant eu bien du mal à trouver des preuves puisqu’ils n’ont trouvé aucune facture à la mairie.
Alors que la condamnation initiale était de 18 mois de prison avec sursis et une inéligibilité pendant dix ans, la cour d’appel a prononcé ce jeudi la même peine de prison, mais a réduit celle d’inéligibilité à deux ans. Alors que des amendes avaient été décidées en première instance, c’est davantage la prison avec sursis qui a été retenue pour les autres. Défendus par maître Ahmed Idriss, le directeur de cabinet écope de trois mois de prison avec sursis, tout comme l’adjoint à la sécurité (également fonctionnaire de police). L’ex-directeur général des services (DGS) a une sanction plus sévère, six mois de prison avec sursis, avec mise à l’épreuve pendant deux ans. Ils n’ont plus l’interdiction de travailler dans la fonction publique pendant cinq ans. Un des deux loueurs de voitures (l’autre n’a pas fait appel) voit sa peine réduite à trois mois de prison, mais ses véhicules restent confisqués. Il ne peut pas répondre à un marché public pendant une année. C’est la même durée retenue pour le commerçant, qui n’a plu une amende de 47.000 euros à régler, désormais commuée en six mois de prison avec sursis.