« La médecine est encore parfois un peu sexiste »

Le conseil départemental de Mayotte organisait, ce jeudi 1er juin, la journée autour de la santé des femmes. A la salle de cinéma Alpajoe, à Mamoudzou, une centaine de personnes sont venues échanger sur les problèmes qui touchent les femmes et leur bien-être.

Dix pour cent des femmes mahoraises n’ont jamais vu de médecins généralistes. Cette négligence s’explique par plusieurs facteurs : vie de famille, pression sociale, violences ou encore manque de connaissances biologiques. La journée de jeudi tendait donc à sensibiliser sur plusieurs sujets : développer une meilleure connaissance biologique autour des femmes pour une meilleure prise en charge médicale, sensibiliser sur les pathologies telles que l’endométriose ou le cancer du col de l’utérus mais aussi parler de la santé mentale des femmes. Le but était de sensibiliser contre la négligence et le mauvais traitement que peuvent subir les femmes au niveau de leur santé.

« Cet oubli de soins de santé s’explique par le rôle que la société assigne aux femmes », affirme le docteur Martine Eutrope, médecin généraliste. Avec leur vie professionnelle, la pression sociale de s’occuper de leur famille et enfants, leur santé passe souvent au dernier plan. « La santé, c’est un état de bien-être physique, mental, social et pas l’absence de maladies. Mesdames, avant de s’occuper des autres, il faut s’occuper de sa santé », rappelle-t-elle. Ses pathologies propres aux femmes comme par exemple les chocs toxiques sont peu connus des médecins et donc peu diagnostiqués, pour beaucoup de femmes dont la santé est négligée. « La médecine est encore parfois un peu sexiste », soutient Zouhourya Mouayad Ben, vice-présidente du conseil départemental de Mayotte.

Le Département souhaite améliorer la santé des femmes mahoraises, levier important de la lutte contre les inégalités femmes hommes. « 10% des femmes n’ont jamais consulté de généralistes. 54 % de femmes n’ont jamais consulté de spécialistes. Tous ses chiffres pour vous montrer que les femmes sont souvent en mauvaise santé à Mayotte », atteste Taslima Soulaimana, directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité.

La volonté de tourner l’événement vers les plus jeunes a été portée par Zabibou Djabiri, conseillère juridique à l’Acfav (Association pour la condition féminine et aide aux victimes) : « j’aurais aimé emmener cette journée vers ce public-là. Le fléau des agressions sexuelles sur mineur est très présent à Mayotte. Il faut outiller nos filles dès qu’elles sont petites. »

Endométriose et cancer du col de l’utérus

L’association Rédeca, qui est devenue le CRCDC (Centre régional de coordination des dépistages des cancers), a mis l’accent sur le cancer du col de l’utérus. Leur camion itinérant de dépistage leur permet d’aller au plus proche de la population et de faciliter l’accès aux soins pour toutes les femmes. Stratégie de santé par prévention, dépistage et le vaccin de l’HPV, ils s’appuient sur l’importance de la prévention. Méconnu, l’HPV ou papillomavirus, est un virus qui entraîne un cancer du col de l’utérus. « C’est recommandé de faire vacciner les jeunes filles et garçons entre 11 et 14 ans, avant les premiers rapports sexuels », déclare Carolle Vanhille, représentante de l’association. « On fait énormément de prévention parce qu’on considère que ça peut se développer parfois jusqu’à quinze ans après le premier rapport sexuel », atteste Maria Chevrelleau, autre représentante de l’association.

La sensibilisation autour de l’endométriose a été très forte. Cette maladie chronique touche une femme sur dix, mais est souvent négligée par les professionnels de santé. « Bien que de plus en plus médiatisé, l’endométriose reste mal connue alors qu’elle touche plus de 10 % de femmes », déplore la vice-présidente. Le diagnostic se pose en moyenne sept ans après le début du suivi. Cet oubli de soin peut engendrer un poids sur le mental des femmes atteintes. « Souvent, c’est une maladie qui n’est pas reconnue par l’entourage de ces patientes. On leur dit qu’elles exagèrent, que ce sont des douleurs de règles, on leur reproche de ne pas aller travailler aussi. Des dépressions peuvent s’ajouter à l’endométriose », regrette Asma Chébil, gynécologue-obstétricienne.

« A Mayotte, malheureusement, on n’a pas encore de centre de référence. Il faut aller faire une consultation gynécologique au CHM, les sages-femmes et médecins libéraux ou encore les gynécologues privés », déclare la gynécologue. Une association a cependant vu le jour en septembre 2022 : EndoMayotte. Elle s’occupe d’apporter du soutien et de sensibiliser aux femmes mahoraises touchées.

Santé mentale : les violences faites aux femmes

Le point a aussi été mis sur les violences et l’impact sur la santé mentale des femmes, un aspect parfois oublié. La psychologue Houssamie Mouslim souligne : « les douleurs uro-génitales, les infections urinaires à répétition, il faut les écouter parce que ça s’exprime là où ça fait mal quand il y a des violences sexuelles ». Elle dénonce les actes sexuels non consentis et explique que le processus commence par soigner les douleurs physiques pour ensuite orienter les patientes vers des psychologues, pour soigner les blessures traumatiques.

Les femmes victimes de violences, qu’elles soient conjugales, psychologiques ou sexuelles sont souvent touchées par des problèmes de confiance en soi. Houssamie Mouslim explique que c’est aussi un aspect de la santé oublié, la santé sociale, mais aussi qui traumatise parfois profondément les victimes. « Ces troubles du sommeil, ces flashbacks, la mémoire traumatique, les victimes restent parfois figées dans le moment traumatique », constate-elle.

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