Au lycée Gustave-Eiffel de Kahani, a été créée en début d’année une classe à option « haltérophilie ». Tous les samedis matin, les élèves volontaires sont coachés par Louis Soubrouillard, professeur d’EPS et président de la Ligue mahoraise d’haltérophilie, qui enverra cinq athlètes aux Jeux des îles en août prochain à Madagascar. Reportage.
« Trois ! Allez, tu l’as… Quatre ! Encore, encore… Oui !!! » Les applaudissements accueillent le nouveau record personnel de Soumaïla Ahamadi : cinq répétitions au squat (flexions sur jambes), avec une barre de 80 kilos sur le dos. Une sacrée performance pour le jeune homme, qui en pèse tout au plus cinquante-cinq, et pour qui l’haltérophilie était – il y a quelques mois encore – une discipline tout à fait inconnue. Élève de terminale au lycée de Kahani, Soumaïla a profité de l’ouverture en début d’année scolaire d’une option haltérophilie dans l’établissement pour se lancer. Tous les samedis matin, les haltérophiles en herbe – une quinzaine d’élèves volontaires – se réunissent dans un espace entièrement dédié à la pratique pour deux heures de mouvements codifiés : « arrachés » et « épaulés-jetés » s’enchaînent sous l’œil de Louis Soubrouillard, le professeur d’éducation physique et sportive (EPS) du lycée qui a mis en place l’option. « Depuis le collège, je voyais des vidéos d’haltérophilie sur internet, et ça me passionnait », raconte Djamalia Mohamed, une élève de première. « Lorsque le professeur m’a proposé de venir j’ai tout de suite dit oui ! »
« Se responsabiliser dans le corps, et dans la tête »
« L’objectif, c’est d’abord la santé », indique Louis Soubrouillard. « On dit que l’haltérophilie c’est l’école du dos. La posture, le dos droit, c’est ce qu’il y a de plus important. » Tout au long de la séance, il distille les conseils et corrige la technique de ses élèves lorsque cela est nécessaire. Du reste, les apprentis haltérophiles sont autonomes ; ils gèrent leur échauffement, augmentent progressivement les poids soulevés au cours de la séance en fonction de leurs précédents records, et ont parfaitement intégré le jargon de la discipline. « Ce sport demande énormément de rigueur. Il nécessite de l’organisation, et une vision sur le long terme pour optimiser ses performances. L’haltérophilie permet de se responsabiliser dans le corps et dans la tête », argue l’enseignant. « Avec l’haltérophilie, j’ai appris à rester sérieux dans tout ce que je fais. Car dans ce sport, on n’a pas le droit à l’erreur. Si on n’est pas concentré, et que l’on fait n’importe quoi, on peut se blesser », analyse Soumaïla, qui ne compte pas s’arrêter de sitôt. « J’ai fait mes vœux d’études supérieures en métropole. J’ai déjà demandé à mes amis qui sont là-bas de se renseigner pour me trouver un club d’haltérophilie ! » Quelques mots qui ravissent son professeur, convaincu du potentiel du jeune homme. « C’est typiquement le genre de jeune qui, s’il continue, pourrait prétendre aux Jeux des îles 2027 », estime-t-il.
Faire de Kahani un pôle d’excellence de l’haltérophilie
Parce qu’in fine, tel est l’objectif de Louis Soubrouillard, qui est également président de la toute jeune Ligue mahoraise d’haltérophilie (voir encadré) : faire de Kahani un vivier, un « pôle d’excellence de l’haltérophilie et de la musculation, aussi bien au niveau scolaire que fédéral ». « Ici, je veux créer la structure de base qui permette le développement de la discipline, et qui sera amenée ensuite à changer de mains. L’idée, à terme, c’est aussi d’offrir des opportunités professionnelles aux élèves en les amenant sur des brevets d’initiateur, voire d’éducateur », projette le prof. Dans cette lancée, sa « classe à option » se transforme l’année prochaine en « classe aménagée » : les élèves auront désormais quatre heures d’haltérophilie par semaine.
L’haltérophilie aux Jeux des îles 2023
Louis Soubrouillard est également président de la ligue mahoraise d’haltérophilie, créée il y a à peine deux ans. Cette structuration permet à Mayotte d’envoyer, pour la première fois de son histoire, des haltérophiles – cinq en l’occurrence – aux Jeux des îles de l’océan indien qui se tiendront en août prochain à Madagascar, « avec des chances de médailles », assure le président. Dans le cadre de leur préparation, les athlètes ont bénéficié de stages spécifiques hors du territoire, avec le soutien du Conseil départemental. « Je n’emmène pas encore d’élève [de Kahani] cette année, mais c’est bien l’objectif en 2027 ! ». En attendant, les apprentis haltérophiles du lycée l’assurent, ils suivront avec attention les résultats de la délégation mahoraise – y compris de leur prof – aux Jeux de Madagascar !
Les haltérophiles mahorais en compétition à Madagascar: Noémie Petifourt (-55kg), Laurie Savary (-64kg), El-Yatrach Ben Aboutoihi (-81kg), Louis Soubrouillard (-89kg) et Anthony Rabaud (+109kg).
Comment se déroule une compétition ?
En compétition, les haltérophiles effectuent deux mouvements. Pour celui qu’on appelle l’arraché, la barre est soulevée bras tendus au-dessus de la tête en un seul mouvement dynamique. Tandis que pour l’épaulé-jeté, la barre est soulevée bras tendus au-dessus de la tête en deux temps, avec une pause au contact des épaules.
Chaque athlète dispose de trois essais par mouvement. Un podium récompense individuellement les meilleures performances effectuées sur chaque mouvement, et un troisième podium récompense le cumul des deux mouvements.