Le plus grand désert médical du pays fait face à un manque criant d’attractivité et peine à fidéliser ses soignants. Notamment parce que les conditions de sécurité seraient insuffisantes pour 86 % d’entre eux. Face à ces constats, l’agence régionale de santé (ARS) souhaite mettre en place un plan d’actions pour offrir davantage de sécurité aux professionnels de santé.
« Pour les soignants, l’insécurité est le problème numéro un. 86 % d’entre eux évaluent négativement les conditions sécuritaires de l’île », assure Olivier Brahic, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, à l’origine d’une étude sur l’attractivité publiée en octobre dernier. Sur le territoire, la moitié des soignants envisageraient d’ailleurs de rester moins de trois ans sur l’île. Un turn-over qui s’accompagne de difficultés grandissantes pour attirer de nouveaux professionnels.
« En fin d’année 2022 – après les événements de novembre et les affrontements entre bandes qui ont été relayés par les médias en métropole – de nombreux soignants, qui devaient rejoindre le CHM, se sont désistés », souligne le directeur de l’ARS. Le tout dans un contexte déjà difficile pour les établissements de soins. L’île est en effet le plus grand désert médical du pays avec 86 médecins généralistes et spécialistes pour 100 000 habitants en 2021, contre 339 en métropole.
« Un frein au développement de l’offre de soins »
Dans le même temps, les agressions envers les soignants se multiplieraient. « Ce n’est pas propre à Mayotte, le phénomène est présent en métropole et ailleurs en outre-mer mais les professionnels de santé sont de plus en plus victimes de violences », poursuit le chef de l’ARS. Sur l’île, le cabinet dentaire de Chiconi a notamment été braqué par six personnes cagoulées, le 2 novembre dernier. Avant qu’un chirurgien ne soit agressé dans l’enceinte du CHM, dans la nuit du 21 au 22 janvier. « La sécurité est un des freins au développement de l’offre de soin », estime Olivier Brahic.
Pour limiter les violences, attirer de nouveaux soignants et freiner le turn-over, l’ARS a donc « fait de la sécurité une priorité ». En commençant par créer un comité composé du préfet de Mayotte, de représentants de la police et de la gendarmerie nationale mais également des services de l’État. Ensemble, ils ont défini un plan d’actions pour « sécuriser l’exercice des professionnels de santé. »
Un dispositif d’alerte grâce à un bracelet
Une expérimentation dans une zone de l’île vise ainsi à mettre en place un dispositif d’alerte. « L’objectif est que les professionnels puissent alerter et faire intervenir des forces de l’ordre en cas d’agression, grâce à un bracelet équipé d’un bouton. L’expérimentation aura lieu dans une zone qui n’a pas encore été définie. Nous pensons pour le moment au nord de l’île », souligne le directeur général de l’ARS. En parallèle, l’agence souhaite équiper les professionnels de santé qui effectuent des visites à domicile de films de protection, afin d’éviter que leurs pares-brises ou leurs vitres ne se brisent en cas de caillassages.
L’ARS prévoit également de mettre à disposition des forces de l’ordre une cartographie des zones à risque, en fonction des incidents remontés par les soignants. Une journée de sensibilisation à destination des nouveaux arrivants est également prévue ainsi qu’une formation aux situations violentes pour les professionnels de santé. « L’objectif est de leur donner les premiers réflexes », souligne Olivier Brahic. Enfin, il souhaite donner aux soignants accès à des numéros prioritaires pour contacter la police et la gendarmerie. Il prévient d’ailleurs : « il s’agit de premières actions qui pourront être complétées par la suite ».