Confrontés à des affrontements quotidiens, les enseignants de la cité scolaire de Dzoumogné disent stop. Ils ont envoyé un courrier au recteur de Mayotte pour demander leur réaffectation. Ce dernier a suspendu les cours jusqu’à lundi. Et côté forces de l’ordre, une grosse opération a été menée en réponse, ce mercredi matin (voir encadré).
A Dzoumogné, la situation est devenue intenable ces dernières semaines. Les affrontements violents avant les vacances de février ont repris de plus belle à la rentrée. Aux abords du lycée polyvalent et du collège, les cailloux pleuvent, quand ce ne sont pas des jeunes cagoulés et armés de machettes qui déboulent devant les établissements. « C’est de pire en pire. Avant, c’était plutôt 13h. Là, c’est dès le matin », note Patrick Dedieu, enseignant au lycée polyvalent. Les collègues de plus en plus souvent agressés ou traumatisés, le gaz lacrymogène qui envahit la rue, le climat n’incite plus au travail. « On arrive le matin et on ne sait comment va se dérouler la journée », raconte Julien Sablier, lui aussi professeur en génie civile au lycée. Les deux hommes font partie des signataires du courrier envoyé au rectorat pour demander une nouvelle affectation. Presqu’une soixantaine de noms y figure, collège et lycée inclus.
« L’insécurité aux abords et dans nos établissements met en cause notre intégrité et notre sécurité physique, matérielle et morale ainsi que celle de nos élèves. Nous demandons donc collectivement que soit proposée à toutes et tous (contractuels et titulaires) une autre affectation car notre employeur a montré son incapacité à nous permettre de nous rendre sur notre lieu de travail et de travailler en sécurité », est-il écrit dans la missive. Au rectorat justement, on dit « avoir conscience du problème ». Alors que le personnel de la cité scolaire a annoncé exercer son droit de retrait, le recteur a lui-même suspendu les cours, au moins jusqu’au lundi 27 mars. « Il est évidemment inquiet pour la sécurité du personnel. La situation sur place n’est pas acceptable », rapporte Pascal Lalanne, conseiller du recteur pour les établissements et la vie scolaire. Il admet que les missions de sécurité ne sont pas assurées et « qu’il faut restaurer l’ordre ». Des cellules psychologiques vont être mises en place, promet-il, étant d’accord avec le personnel sur place, « qu’aucun n’enseignant n’est préparé à ça, parce que ça ne devrait tout simplement pas exister ». Il promet que tous les acteurs seront rencontrés, notamment le transport scolaire (arrêté sur l’établissement jusqu’à lundi) qui devient souvent une cible.
Une guerre entre deux alliances
Le fléau qui gagne Dzoumogné, c’est la rencontre de plusieurs bandes issues de villages différents. « Il y a deux alliances principales. Les jeunes de Dzoumogné, Koungou et Kawéni ont pris l’habitude d’affronter un front composé de Vahibé, Cavani et Majicavo », explique Julien Sablier. Cette guerre incessante, même à la gendarmerie, on ne l’explique pas. « La nature a horreur du vide. Des fois, c’est Kahani, d’autres Koungou ou Majicavo », constate le chef d’escadron Laurent Seurin, commandant de la compagnie départementale. Celui-ci défend le dispositif mis en place autour des établissements, assurant que Dzoumogné fait partie « des points d’attention de ces équipes ». Aux professeurs qui notent que la présence des militaires n’est pas continue ou « trop petite » aux abords des établissements, il rétorque qu’ils alternent entre les points fixes et « les patrouilles dans la zone. On doit montrer aux riverains qu’on est là », mentionne-t-il. Conscient que les forces de l’ordre sont très attendues sur ce secteur, il a lancé une grande opération de maintien de l’ordre, ce mercredi (voir encadré).
Tous espèrent en tout cas que le climat s’apaise pour que les enseignants puissent reprendre sereinement le travail et que les élèves, pas épargnés, retournent en cours. « Dans les bons jours, il y a que 25% d’absentéisme au lycée », constate le professeur en génie civile.
Une démonstration de force en réponse
Près d’une soixantaine de gendarmes, accompagnés de la police aux frontières, ont quadrillé Dzoumogné, ce mercredi, de 9h à 13h30. « Il y avait plusieurs aspects. Il fallait une reprise de terrains, même si je pense qu’on ne l’a jamais lâché selon moi. On voulait rassurer la population et montrer qu’on est présent à n’importe quelle heure », indique le commandant de gendarmerie. Le centre de Dzoumogné, les abords de la cité scolaire, de l’hôpital et mêmes des rivières ont été fouillées. Dix étrangers en situation irrégulière et deux autres individus recherchés pour des faits de trouble à l’ordre public ont été appréhendés. Le commandant n’exclut pas de répéter ce type d’opérations dans un délai très proche.