A tout juste 23 et 24 ans, Saïda Boitcha et Moulaïli Saïdi ont lancé Hazi, une application mobile gratuite qui rassemble l’ensemble des offres d’emploi proposées à Mayotte. Alors qu’après ses études, Saïda galère à trouver un job à Mayotte, les deux amis se lancent – forts de leurs parcours académiques dans le domaine de l’informatique et du digital – dans le développement de cet outil destiné à aider les chercheurs d’emploi mahorais dans leurs démarches. Entretien.
Flash Infos : Comment fonctionne l’application ?
Moulaïli Saïdi : L’application marche un peu comme le site de Pôle Emploi. Toutes les offres apparaissent par défaut, et l’on peut les faire défiler en « scrollant ». Une barre de recherche permet de filtrer les offres par mots-clés : métier, localisation, etc. Nous avons fait le choix de simplifier au maximum l’interface. Un système de favoris permet à l’utilisateur de mettre de côté les offres jugées intéressantes. Lorsque l’on clique sur l’offre, les détails apparaissent, et on peut la repartager à un proche via n’importe quel réseau social. Le bouton « Postuler » nous redirige vers le site partenaire où se trouve l’offre. On peut également répondre à certaines offres directement sur Hazi, avec son nom, prénom et CV.
F.I. : A partir de quand est née l’outil ?
M.S. : L’idée est venue en août dernier. Ma collègue – Saïda Boitcha – et moi-même cherchions un emploi. Elle, qui venait de finir ses études et cherchait un job à Mayotte, s’est lancée dans un véritable parcours du combattant. Nous avons pris conscience du peu d’offres d’emploi à Mayotte qui apparaissent sur internet – même sur Pôle Emploi ou Indeed. En parallèle, on s’est rendu compte que pas mal de sites d’associations partagent des offres, mais avec assez peu de visibilité. On s’est dit que le plus simple serait de créer une plateforme qui les rassemblerait toutes ! C’est presque parti d’une blague… on a créé ça pour ma collègue qui galérait ! Ça devait lui servir à elle, et finalement on s’est dit que ce serait intéressant de l’ouvrir à tous… Que si elle avait été confrontée à cette difficulté dans sa recherche d’emploi à Mayotte, tout le monde devait l’être ! Elle a donc pris en charge le côté design graphique.
F.I. : Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés lors de la création et du développement de Hazi ?
M.S. : De base, moi, je fais du développement web : je crée des sites, mais pas des applications ! J’ai dû apprendre sur le tas. Une fois le développement fini, le gros défi était de convaincre les associations et entreprises de nous donner un accès à leur base de données. En effet, avec le RGPD (N.D.L.R. règlement général sur la protection des données) de l’Europe, nous n’avons pas le droit de prendre les données des gens comme ça ! Il nous fallait automatiquement l’aval de l’association ou de l’entreprise concernée. Elles n’étaient pas particulièrement réticentes, mais ne comprenaient pas forcément la chose. Nous avons dû faire un gros travail pour expliquer notre démarche, et la façon dont nous allions exploiter les données.
F.I. : Comment avez-vous financé son développement ?
M.S. : Nous sommes partis la fleur au fusil ! Pas de financement, rien du tout. On fait ça sur notre temps libre, le week-end. La partie développement n’était pas un problème, de par mes études. Le gros souci, c’est le volet marketing – réussir à faire connaître notre appli. La publicité sur les réseaux coûte très cher, et nous voyons que nous arrivons aux limites de ce que nous pouvons faire sans financement. Par ailleurs, et c’était très important pour nous, l’application est totalement gratuite.
F.I. : En quoi votre parcours académique vous a aidé ?
M.S. : Le fait d’être en master d’informatique m’a aidé dans le sens où ce sont des études où l’on apprend beaucoup, et où – surtout – on apprend à apprendre ! Dans ce domaine, les connaissances deviennent très vite obsolètes, donc on se doit de rester à la page. Par exemple, on ne se focalise pas sur un seul langage informatique : on va parfois nous demander de créer trois fois la même appli avec des langages différents ! Tout cela pour nous faire prendre conscience que ce qui compte, c’est notre manière de penser et notre capacité à résoudre des problèmes.
F.I. : Combien comptez-vous d’utilisateurs à ce jour ?
M.S. : Nous avons quotidiennement 150 utilisateurs environ. On observe quelque chose d’intéressant : pas mal de personnes installent Hazi, trouvent du travail et désinstallent l’application. Nous avons de bons retours de la part d’utilisateurs qui ont trouvé un job grâce à elle.
F.I. : De quelle manière comptez-vous améliorer l’expérience utilisateur à l’avenir ? Quels sont les projets ou fonctionnalités que vous prévoyez d’intégrer à l’application ?
M.S. : On travaille sur une fonctionnalité permettant à l’utilisateur de créer son CV directement dans l’application, à partir de « templates » prédéfinis, avec ensuite la possibilité de l’exporter. Deuxièmement, aujourd’hui, nous ne sommes qu’un agrégateur. Nous voulons travailler là-dessus et, d’ici la fin d’année, donner la possibilité aux employeurs de poster des offres directement sur Hazi.