Ce mardi 21 février marque la journée internationale de la langue maternelle (JILM). Dans la lignée de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) qui appelle à une éducation multilingue, jugée plus performante, Rastami Spélo et son association Shime plaident pour une formalisation de l’enseignement du shimaoré et du kibushi dans les écoles mahoraises.
Flash infos : Vous œuvrez pour la promotion et la sauvegarde des langues régionales de Mayotte que sont le shimaoré et kibushi. Quel est votre prochain axe de travail ?
Rastami Spélo : Le prochain défi est celui de la formalisation de l’enseignement de ces langues. Nous sommes ici dans une terre française, mais foncièrement bantoue. Les enfants ont en tête une structure d’une langue bantoue, et ils se trouvent en difficulté car à l’école, ils sont interrogés dans une langue qui leur est presque étrangère. Au final, ils sont handicapés dans les deux langues, et passent du shimaoré au français dans une même phrase – un phénomène que la docteure en sciences du language Lavie Maturafi a identifié comme étant l’émergence d’un nouveau parler « shimao-zungu ». En formalisant l’enseignement du shimaoré et du kibushi dans les écoles, il s’agit de mieux installer les élèves dans les langues qu’ils comprennent déjà, pour pouvoir ensuite investir leurs compétences vers la langue française. Ils n’en seront que plus performants dans la langue de Molière ! Une convention cadre a été signée en ce sens en 2021 ; nous attendons de connaître la posture du nouveau recteur sur le sujet.
F.I. : Vous organisiez ce dimanche un séminaire sur les réalisations au niveau de la valorisation des langues régionales de Mayotte. Qu’en est-il ressorti ?
R.S. : Ce qui est ressorti de ce séminaire, c’est la volonté des locuteurs de favoriser et d’approfondir l’outillage de nos langues maternelles. Les interventions de Rachid Abdou Moussa – qui a créé un clavier de téléphone spécialement conçu pour les langues régionales de Mayotte – ou de Nourdine Combo, qui travaille sur un système de reconnaissance vocale qui traduirait le shimaoré en kibushi, en français ou toute autre langue, ont été particulièrement appréciées.
F.I. : Vous organisez, toujours dans le cadre de cette JILM, un concours de poésie en shimaoré et en kibushi dont les lauréats seront récompensés ce mardi. En quoi est-ce important que les artistes locaux s’approprient leurs langues maternelles ?
R.S. : Nos langues sont naturellement belles ! Nos parents nous ont offert un bagage culturel riche de comptines, de poésies chantées. Ce patrimoine doit continuer à être enrichi et transmis aux générations futures. Je suis persuadé que pour nous intégrer dans la grande France, il faut arriver avec quelque chose en main ! Nos chants, nos poésies… tout cela est à dépoussiérer et à montrer ! C’est le rôle des artistes, et des médias !
F.I. : Vous plaidez par ailleurs pour une réécriture de noms des villages et des communes de l’île. Pourquoi ?
R.S. : Lors de mon intervention à ce sujet sur Mayotte la 1ère, je pointais du doigt la toponymie de Mayotte. C’est une science qui nous permet de mieux nous connaître : de savoir qui nous sommes et d’où nous venons ! Les noms ont souvent été déformés lors de leur passage à l’écrit. En les corrigeant, cela permettra à tous de mieux en comprendre l’origine