Éduquer les enfants à l’islam

Nul doute que l’islam est la religion prédominante à Mayotte. Très souvent, son apprentissage commence dès le plus jeune âge. Les écoles coraniques et leurs règles strictes ont été la norme durant des décennies, mais depuis quelques années, les madrassas modernes sont de plus en plus fréquentés. Immersion dans l’une d’entre elles. 

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Ce samedi à 7 heures du matin, devant le centre culturel et éducatif musulman de M’tsapéré, c’est déjà le ballet des voitures. Les parents déposent leurs enfants qui se pressent au dernier étage du bâtiment. Ils s’apprêtent à passer toute une matinée à apprendre l’islam sous toutes ses formes. Dans ce madrassa, tout est fait pour que les élèves soient à l’aise. Et il n’a rien à envier aux écoles laïques publics, qui sont parfois insalubres. Cet établissement religieux possède trois salles de cours, chacune d’elle est dotée d’un tableau blanc, de chaises, de tables, de ventilateurs et d’une climatisation. Les enfants, habitués aux lieux, s’installent tranquillement tout en saluant leur enseignant en arabe. Ils sont âgés de tout âge, allant des tout-petits aux adolescents. Leur professeur, qu’ils appellent « oustadh », annonce le programme du jour : lecture de certains versets du Coran, cours de culture générale et une session de chants. « On leur enseigne le Coran, c’est la base. Mais nous avons aussi des cours sur la culture arabe-musulmane, sur la culture mahoraise. On leur explique également comment ils doivent se comporter avec leurs parents, leurs professeurs, leurs camarades etc. », explique Cheikh Ahmed Chamsuddine, l’enseignant. 

 La journée commence effectivement par la lecture de certains versets importants du Coran, et la plupart des enfants les connaissent par coeur. S’ensuit un concours de récitation, un moyen pour Cheikh Ahmed Chamsuddine de challenger les jeunes et ils s’en donnent à coeur joie. L’unique récompense à la clé est la reconnaissance de leur oustadh, et pourtant chaque participant est déterminé à être le meilleur. 

La matinée se déroule dans le calme, elle est rythmée par les différentes séquences prévues, parmi lesquelles le cours de culture générale. Il s’agit en réalité d’enseignement sur l’histoire de l’islam, et la vie du prophète Muhammad. Mais, ce qui motive particulièrement les enfants est la musique. Ils interprètent ce que l’on appelle en arabe le « kassuda », des chants religieux à la louange d’Allah et du prophète musulman. 

 Des enfants conquis mais partagés

 Les enfants qui se rendent au centre culturel et éducatif de M’tsapéré, doivent faire des sacrifices puisqu’après toute une semaine de cours à l’école, leur week-end n’est pas de tout repos. En effet, la madrassa accueille les élèves le samedi et dimanche afin de ne pas chevaucher avec les heures de cours. Un rythme qui pose problème à certains adolescents, à l’exemple de Maellys qui a 13 ans. « J’aime venir ici, mais c’est compliqué de se lever tôt en semaine et le week-end. J’aimerais faire la grasse matinée certains jours », avoue-t-elle. La jeune fille est nouvelle, sa mère l’a inscrite il y a six mois. « Au départ je venais pour faire plaisir à mes parents, mais plus on avance, plus je me plais ici », admet-elle. Elle n’a jamais appris à lire ou à écrire en arabe, elle a donc quelques difficultés à s’adapter et se sent à la traîne. « Dans ma classe, je suis plus grande que la majorité de mes camarades, et pourtant les petits ont un niveau plus avancé que moi. J’ai 13 ans et je pense que c’est trop tard pour commencer à apprendre le Coran », affirme-t-elle. 

 Si Maellys semble partagée entre ses difficultés et son envie d’aller de l’avant, ce n’est pas le cas d’Amane. Du haut de ses 14 ans, il est persuadé que ces années passées dans cet établissement lui sont bénéfiques. « Cela fait 4 ans que je viens ici. Je pense que ce genre d’école est important pour étudier la religion, pour ne pas se tromper dans ce que l’on fait et savoir dans quelle direction on va », argumente-t-il. Et même s’il passe le brevet cette année, cela ne l’empêche pas de consacrer du temps à son éducation religieuse car pour lui, « l’islam est vraiment important. Je ne dis pas cela parce que je suis né dans une famille musulmane. J’ai appris la religion et j’aime les valeurs qu’elle véhicule. » Amane est conscient de devoir faire des sacrifices, mais cela ne lui fait pas peur, contrairement à quelques-uns de ses amis qui passent également le brevet cette année, et qui ont fait le choix d’arrêter leurs cours sur l’islam pour se concentrer sur leurs révisions. 

 Absences trop fréquentes

 Au sein du centre culturel et éducatif, les élèves sont répartis en trois niveaux. Le premier étant celui des débutants, et le troisième pour les plus avancés. Mais depuis quelques mois, les absences sont trop nombreuses, et l’administration est obligée de regrouper les niveaux 1 et 2. Selon Cheick Ahmed Chamsuddine, les parents sont responsables. « Ce sont eux qui doivent emmener leurs enfants, les petits ne décident pas. Certes, ils travaillent et le week-end ils ont envie de se reposer. Je peux le comprendre, mais ils doivent aussi faire des efforts. » Un point important pour lui car il ne s’agit pas simplement d’enseigner le Coran aux jeunes. « Quand ils viennent ici, on leur donne une éducation générale. On fait le travail d’un enseignant mais aussi celui des parents », ajoute le professeur. Le rythme de vie actuel peut être l’une des raisons de ces absences, mais force est de constater que la population s’intéresse de moins en moins à la religion et cela se manifeste dans les écoles coraniques et les madrassas. 

 Retrouvez l’intégralité du dossier consacré à l’harmonie interconfessionnelle dans le Mayotte Hebdo n°1030. 

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