Logement : comment produire plus et mieux ?

Les 23 et 24 janvier, Mayotte a accueilli les cinquièmes Assises du logement en outre-mer, organisées par la CFDT au pôle culturel de Chirongui. Plusieurs tables rondes ont rythmé ces deux jours de colloque, pour discuter et réfléchir au futur du logement à Mayotte, qui souffre d’une pénurie « sans aucune mesure », selon le syndicat à l’initiative de l’événement.

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Organisées par le syndicat CFDT, les cinquièmes Assises du logement en outre-mer ont eu lieu à Chirongui, ces lundi et mardi.

 « Nous sommes dans un colloque pour parler de construire, mais sans foncier, pas de construction ! », introduit le sénateur de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi. Construire plus ? Construire mieux ? Certes. Mais pour construire tout court, la question de la mobilisation du foncier prévaut. Elle a d’ailleurs concentré les échanges ce lundi après-midi au Pôle culturel de Chirongui, à l’occasion des cinquièmes Assises du logement en outre-mer, organisées par la CFDT.

« C’est un sujet que j’ai soumis à la délégation sénatoriale aux Outre-mer dès mon arrivée au Sénat en 2011 », raconte l’élu, dont les réflexions sur le sujet proviennent de son expérience d’avocat. Successions non réglées sur plusieurs générations, occupations sans titre ni acte, ou sur le fondement d’un acte cadial antérieur à 2008 sont autant de problématiques qui, selon le sénateur, « polluent le foncier des outre-mer ». « Lorsque je recevais des gens qui me parlaient de foncier, je m’apercevais que les règles du code civil ne suffisaient pas pour dénouer toutes les situations… il fallait des dérogations ! »

« Du rattrapage du foncier »

Au Sénat, Thani Mohamed Soilihi réalise rapidement que Mayotte n’est pas le seul territoire ultramarin confronté à ces difficultés. Il est nommé rapporteur/coordonateur des trois volets d’un rapport sur la question, dont les préconisations aboutiront par exemple à la création, en 2017, de la Commission d’urgence foncière (Cuf) de Mayotte. Institution unique en France, elle facilite la maîtrise foncière via, notamment, des mécanismes de régularisation tels que la délivrance d’actes de notoriété sans passer par un notaire. « Du rattrage du foncier », en somme. A la table des discussions, la directrice de la Cuf, Ségolène de Bretagne, fait état des mêmes problématiques qui « freinent les aménageurs », et de la difficulté à déployer certains mécanismes législatifs.

Promulguée en 2018 pour lutter contre les situations d’indivision successorale inextricables et relancer la politique du logement en outre-mer, la loi Letchimy prévoit que « pour toute succession ouverte depuis plus de dix ans, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété des droits indivis peuvent procéder, devant le notaire de leur choix, à la vente ou au partage des biens immobiliers indivis situés sur le territoire desdites collectivités ». Comprenez : le principe de majorité remplace le principe d’unanimité. « C’est une bonne loi, mais difficile à mettre en œuvre », estime le sénateur, en raison notamment de la nécessité de trouver tous les indivisaires ! Ainsi, seulement 25 actes ont été établis en vertu de la loi Letchimy à Mayotte depuis sa création.

« Des trous dans la raquette ? »

 Pour augmenter l’offre de logements sur le territoire, la balle est aussi dans le camp des opérateurs. Constituée en mars 2022, AL’MA, filiale immobilière du groupe Action Logement, se positionne – en complément de la Société immobilière de Mayotte (Sim) – comme une nouvelle force vive pour construire des habitations abordables sur le territoire, et ambitionne de pondre 5.000 logements en dix ans, à commencer par une « résidence jeunes actifs » à Kawéni. « D’autres opérations vont naître petit à petit. On travaille sur des parcours résidentiels, c’est à dire proposer des logements adaptés à chaque étape de la vie : du locatif social, puis de l’accession à la propriété », rapporte Delphine Sangodeyi, directrice générale d’AL’MA.

Dans l’assemblée, Pascal Catto, secrétaire confédéral de la CFDT en charge des Outre-mer, s’interroge : « N’y a-t-il pas des trous dans la raquette ? On décide de produire plus mais a-t-on les compétences sur place ? ». « L’objectif n’est pas juste d’importer des systèmes avec des ingénieurs extérieurs mais bien de créer des filières locales », rassure la directrice d’AL’MA. A ce titre, les professionnels du secteur présents dans l’assemblée placent beaucoup d’espoirs sur le projet de construction d’un lycée dédié aux métiers du bâtiment à Longoni. « Le grand lycée du BTP va nous faire du bien ! », prévoit Ahmed Ali Mondroha, le directeur général de la Sim.

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