Préfecture et Mamoudzou en « reconquête foncière » à Doujani 3

Le quartier Doujani 3 a commencé à être décasé, ce mardi. L’opération, qui concerne 160 maisons en tôle et en dur, s’effectue sur deux jours. Presque 500 personnes vivaient dans ce secteur situé entre les villages de Doujani et Passamaïnty.

Les derniers matelas émergent des cases en tôle, les sacs sont portés à la va-vite devant les gendarmes mobiles qui attendent les ordres. Les familles avaient été prévenues ces dernières semaines du décasage, mais beaucoup étaient encore présentes, ce mardi matin, dans les baraques étalées sur la colline entre Doujani et Passamaïnty. Selon l’enquête sociale réalisée par l’Acfav, 467 habitants composeraient ce quartier informel qui couvre une cinquantaine d’hectares. Quelques-uns ont déjà quitté les lieux. Les autres ramassent leurs affaires, puis suivent à distance l’opération commencée à 6h15. Les premières pelleteuses arrivent, elles, une demi-heure plus tard et abbatent les premiers murs pour se frayer un chemin vers le haut. Gendarmes et policiers (voir encadré) suivent de très près les machines, ainsi que les agents d’Électricité de Mayotte venus enlever les raccordements.

123 personnes ont accepté un relogement

Le décasage, préparé depuis un an, a été freiné par des recours, ces derniers mois. « On les a tous gagné », rappelle Daniel Gros. Le représentant de la Ligue des droits de l’homme est loin de s’en satisfaire. Ce qui l’attriste ce matin, c’est que les personnes à reloger sont emmenés le matin même, au milieu des départs précipités. Le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, ne partage le même avis. Celui-ci défend « avoir mis à l’abri 120 personnes, ce matin. On a soit proposé du logement soit de l’hébergement, ça dépend des situations ». « Il a été commencé en amont de l’opération. Mais vous savez très bien que si on fait ça trop en amont, le quartier est à nouveau occupé. » Selon l’enquête sociale, 123 personnes ont effectivement accepté un relogement. Les autres ont soit refuser de répondre soit décliner un hébergement ailleurs qui ne serait que temporaire.

Pour le préfet de Mayotte, « 160 cases sont démolies » à Doujani, ce jour-là. Un autre décasage est d’ores et déjà prévu à « Koungou ». « Depuis le mois de septembre, onze mairies de Mayotte m’ont saisi pour mettre en œuvre des décasages. On va travailler avec elles », prévient-il.

Une zone dans le viseur de la municipalité

Arrivé en même temps que le préfet, le maire de Mamoudzou est rapidement monté sur les hauteurs pour regarder le quartier jonché de tôles.  Les terrains, qui appartiennent à des privés et à la collectivité, sont au cœur d’un projet municipal. « L’enjeu à Doujani, c’est que nous sommes sur une zone d’aménagement concerté (ZAC). Demain, l’ambition de la mairie est de faire de Doujani le premier quartier connecté de Mayotte. Cela nécessite de reconquérir le foncier », indique Ambdilwahedou Soumaïla. L’élu rappelle qu’une opération de 1.000 logements est prévue à Doujani, tout comme « deux salles de cinéma », « un gymnase » et « des écoles ».


Est-ce que l’opération du jour ne va pas repousser encore le problème ailleurs. Les jeunes qui regardent d’un mauvais œil les travaux de démolition ne sont pas loin de le penser. « Ce sont nos maisons. On va aller où maintenant ? », déplore l’un d’eux. « Il faut qu’on arrive à maîtriser notre foncier. Chacun à notre niveau doit le faire. […] On ne doit plus subir l’aménagement. Il convient de changer de paradigme », défend le maire, qui veut réunir les élus et les institutions au cours de prochaines « Assises de la reconquête foncière ». Celui-ci est interpellé quelques minutes plus tard par une jeune femme. « Il est où mon relogement monsieur le maire ? », lance-t-elle, alors que l’élu redescend vers le bas du quartier épargné jusque-là par les pelleteuses.

 

26 étrangers en situation irrégulière expulsés

Gendarmes mobiles, Raid, police aux frontières, municipale et nationale, les forces de l’ordre étaient en nombre, ce mardi matin. Quelques pierres ont volé, mais les hommes du Raid et des gendarmes mobiles ont vite investi les hauteurs. La présence de la police devrait rester importante ce mardi soir pour éviter des heurts en réaction au décasage.

Comme l’a rappelé le préfet, il reste très peu d’étrangers en situation irrégulière au moment de l’opération. Selon nos informations, « 26 étrangers en situation irrégulières ont été interpellés au cours de trois opérations ayant eu lieu dans les semaines précédentes ».

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