Début octobre, des émeutes avaient éclaté à Mbeni, au nord de la Grande Comore après la célébration par cette ville hostile au président Azali Assoumani d’une cérémonie religieuse marquant la naissance du prophète Muhammad. Sur les 17 habitants qui ont été inculpés pour rébellion, il n’en restait plus que six qui viennent de recouvrir une liberté provisoire.
Retour à la maison, ce mercredi 11 janvier, des six habitants originaires de Mbeni qui se trouvaient encore derrière les barreaux voilà maintenant trois mois. Poursuivis avec d’autres personnes pour des faits de rébellion par le parquet de Moroni, ils étaient les derniers prévenus à se retrouver encore en prison. La raison ? Ils sont soupçonnés d’être impliqués dans les actes de vandalisme commis à Mbeni, le 12 octobre 2022. Ce jour-là, les habitants de cette ville située au nord de la Grande Comore, avaient reçu la visite musclée des forces de l’ordre pour avoir brandi un arrêté ministériel en organisant une fête religieuse. La festivité en question, est un mawulid, une cérémonie très importante pour les fidèles musulmans qui marque la naissance du prophète Muhammad. Le déploiement de l’armée avait divisé la ville, réputée hostile au régime actuel. Après cette libération conditionnelle, des leaders de Mbeni ont réagi. C’est le cas de l’ancien ministre, Hamidou Karihila, ex allié devenu opposant d’Azali Assoumani. « Tout d’abord, je voudrais féliciter tous les habitants de Mbeni pour la libération de ces jeunes qui ont été soumis à l’oppression, à l’humiliation et à la brutalité pendant trois mois aux mains de ce régime tyrannique injuste », a déclaré, ce transfuge du parti présidentiel. Cet ancien secrétaire général de la convention pour le renouveau des Comores (CRC), accuse le pouvoir d’être responsable des évènements survenus à Mbeni.
Pointage chaque semaine
Maître Fahardine Mohamed Abdoulwahid, avocat de la défense, a lui aussi fait une sortie médiatique, ce jeudi. Il a tenu une conférence presse dans son cabinet, sis au nord de Moroni pour faire le point sur le dossier après la remise en liberté de ces sept derniers détenus. L’avocat précisera que ses clients jouissent seulement d’une liberté provisoire assortie de trois conditions. « Ils doivent pointer une seule fois par semaine, se tenir prêts à répondre à toute sollicitation de la justice. Pour quitter l’île de Ngazidja, une autorisation du juge sera aussi nécessaire », a ajouté, Me Fahardine qui a salué les efforts consentis par la ville pour le dénouement de l’affaire. « Même les victimes des actes de vandalisme se sont mobilisées pour la libération des autres prévenus. Cela prouve qu’elles sont convaincues que mes clients ne sont pas impliqués et n’ont participé à aucun acte. Pendant l’instruction, aucun élément n’est venu les remettre en cause », s’est félicité, le conseiller des 17 prévenus dont certains ont été arrêtés depuis le 14 octobre. Inculpés pour association de malfaiteurs, incendie volontaire, destruction de biens, rébellion, refus de respecter l’autorité légale et enfin, diffusion de fausses informations, tous ces détenus avaient été écroués à la maison d’arrêt de Moroni, connu pour ses conditions carcérales dégradantes. Ce n’est que début novembre que la justice a accordé une liberté provisoire à cinq personnes. Il y a trois semaines, un autre inculpé était libéré pour des raisons médicales. On a estimé à 130, le nombre d’habitants de Mbeni interpelés après les altercations opposant des jeunes et des éléments des forces de l’ordre. L’intervention des hommes en treillis le 12 octobre, pour disperser un mawoulid, avait viré à l’affrontements.
Balles réelles
Des médecins avaient même révélé l’usage de balles réelles. Une version très vite démentie par le chargé de la défense, Youssoufa Mohamed Ali. Le même ministre qui a refusé d’enquêter sur les accusations d’atteinte présumée à l’intégrité de certaines femmes visant des militaires déployés à Mbeni tant qu’il ne visualisera pas des vidéos prouvant ces crimes. Le bilan des émeutes lui s’élevait à 23 blessés dont 12 grièvement, côté civils, cinq d’entre eux sont même évacués à l’étranger pour des soins. N’ayant pas digéré l’usage brutal de la force pour mater une ville opposante, des habitants avaient incendié en représailles une brigade de la gendarmerie, des immeubles et voitures appartenant à des personnalités considérées comme proches du pouvoir. L’actuel ministre des finances, signataire de l’arrêté, ou encore son directeur de cabinet ont perdu leurs maisons. Chaque année, la communauté musulmane dispose d’un mois durant lequel, les fidèles ont le droit de célébrer le jour qui leur convient ce mawulid. Toutefois, en 2022, le gouvernement a publié un arrêté interdisant l’organisation de toute cérémonie dans l’après-midi sauf les week-ends et les jours fériés. Le but de la mesure est d’éviter la perturbation du fonctionnement de l’administration. La disposition jugée contraire à la constitution suscitera un tollé. Mais l’arrêté n’a pas réussi à dissuader les habitants de Mbeni lesquels ont maintenu leurs festivités dans l’après-midi, s’attirant les foudres de l’armée. Le problème, de nombreux juristes ont souligné que la violation de l’arrêté constitue seulement une contravention. Or, la sanction prévue par les lois n’est autre que l’amende fixée à 60 euros et non une intervention militaire.