Les deux reporters se présentant comme membres de la rédaction de France 2, avaient même obtenu un accord de principe pour interviewer le président, Azali Assoumani. Mais, sept heures après leur arrivée au port de Mutsamudu, ils ont été renvoyés à Mayotte pour n’avoir pas présenté des accréditations, des documents qu’ils auraient pourtant pu se procurer sur place.
Après des heures de tractations, les autorités comoriennes ont finalement décidé de ne pas laisser les journalistes de France 2 entrer sur le territoire. Arrivés au port de Mutsamudu, vers 15h, vendredi, Yvan Martinet et Olivier Gardette, ont été renvoyés par bateau à Mayotte le soir même sans qu’on leur notifie les motifs du refoulement. Les deux reporters étaient venus tourner des reportages sur l’ylang-ylang, très cultivé sur l’île d’Anjouan. Mais selon la version du gouvernement, l’équipe n’avait pas en sa possession des accréditations qui justifiaient l’objet de leur venue. C’est pour cette raison que le service d’immigration ne les a pas autorisés à sortir. Pourtant, les journalistes de la chaine France 2 avaient même eu l’aval pour interviewer le chef de l’État, Azali Assoumani. « C’est un accord de principe que nous donnons aux grands médias si le président est là », confirme-t-on du côté du service de communication de Beit-Salam. Aucune date de l’entretien en revanche n’avait été fixée. « Il fallait d’abord recevoir les sujets qui les intéressent », rappelle la présidence. Outre l’absence d’autorisations nécessaires, les reporters auraient menti sur les sujets de leurs reportages, à en croire le porte-parole du gouvernement, Houmedi Msaidie qui refuse l’usage du terme refoulement. « On leur a demandé de respecter le cadre légal », insiste-t-il, tout en reconnaissant que la raison de leur déplacement était camouflée.
Mensonge sur les reportages
On accuse Yvan Martinet et Olivier Gardette d’avoir caché leur intention de vouloir travailler aussi sur les traversées entre Anjouan et Mayotte. Ce qui a irrité les autorités comoriennes. Une version qui ne convainc pas du tout le guide local des journalistes. « Ils avaient un séjour de quatre jours et voulaient tourner sur l‘ylang-ylang, en se plongeant sur toute la chaîne. Depuis les femmes qui collectent les fleurs jusqu’aux grands exportateurs, tout en montrant les déboisements et par ricochet les conséquences sur le climat. Moi, j’avais tout préparé et obtenu l’accord de tous nos interlocuteurs même les distillateurs », assure Dhoul-Karnayne Abdouroihmane. Ce jeune travaille à la radio Domoni-Inter. C’est même le directeur général de cette station communautaire dont les employés comptaient profiter de la visite des confrères français pour bénéficier des formations sur les techniques de réalisation de reportage qui avait établi le contact avec les deux reporters de France 2. Selon nos informations, ces derniers envisageaient une fois sur place de traiter également un sujet un peu particulier, à savoir la vie des personnes transgenres dans un pays musulman comme les Comores. Mais aucun de ces reportages ne sera donc tourné puisqu’’ils ont été refoulés alors que le conseil national de la presse de l’audio-visuel (Cnpa), l’organe qui délivre les accréditations avait évoqué la possibilité de les régulariser le lendemain. Contactée, l’ambassade de France aux Comores a dit déplorer ce refoulement.
Accréditation du CNPA
La chancellerie a ajouté qu’elle avait recommandé préalablement aux journalistes français de se conformer aux exigences fixées par les autorités comoriennes. Selon l’article de 171 du code comorien de l’information en vigueur, seul le CNPA attribue au journaliste spécialement dépêché par son organe de presse pour effectuer un ou des reportages sur un événement une accréditation. « Quand on envoie un journaliste sur un terrain à l’étranger, le média demande l’accréditation depuis le pays de départ. Elle peut être envoyée pour qu’il la présente à l’entrée. Mais dans des circonstances particulières, on peut le lui remettre une fois sur place. L’organe qui s’en charge doit prévenir le journaliste pour éviter des problèmes. Car si par exemple les douanes ne sont pas informées, elles peuvent saisir le matériel du reporter. Ça n’a rien d’extraordinaire », a expliqué un membre du CNPA. Autrement dit, rien n’interdit au reporter de solliciter l’autorisation sur place. Mais cette méthode ne passe pas aux Comores. En 2021, deux journalistes indépendants avaient été refoulés à l’aéroport, en novembre, alors qu’ils souhaitaient couvrir la manifestation du mouvement Mabedja. La police de l’air et des frontières (Paf) les ont expulsés et embarqués sur un vol d’Ethiopian Airlines, direction Addis-Abeba. Le motif est toujours le même : ils n’auraient pas présenté les documents du CNPA. Un argument qui peine à convaincre les hommes des médias.
À notre arrivée hier, nous nous sommes fait arrêter avant même notre descente du bateau. Expulsion immédiate.
Nous avons alors bien compris pourquoi les Comoriens quittaient leur île… @sdjfrancetvredactionnationale @sdjfrance2— Yvan Martinet (@YvanMartinet) January 7, 2023