Longtemps diabolisés et cachés, les jouets coquins ont le vent en poupe ces dernières années. Tous les chiffres sont unanimes : en France le marché du plaisir sexuel est florissant. Mayotte ne fait pas exception, les sex-toys se sont immiscés dans l’intimité des Mahoraises et Mahorais, mais toujours dans la discrétion.
Sofia* garde un souvenir particulier de son tout premier sex-toy. « Il m’a été offert par monsieur », raconte-t-elle. Un geste qui l’a mise en confiance et qui l’a incitée à acheter le deuxième. L’apparition de ces jouets pour adultes dans sa relation avec son partenaire de longue date s’est faite naturellement selon elle. Elle note cependant qu’« il est plus facile d’utiliser les sex-toys féminins que masculin. J’ai moins de complexe à y avoir recours que lui. » Les femmes seraient-elles donc plus coquines ? Pas forcément, mais nous sommes dans une société musulmane, et le plaisir charnel est considéré comme un péché. Les sociétés judéo-chrétiennes rencontrent la même problématique. Il n’est donc pas toujours facile pour les couples de laisser libre cours à leurs fantasmes. Fara* en a fait les frais lors de son premier mariage.
« Mon mari ne connaissait pas mon corps et ne cherchait pas à le connaitre. J’ai souffert les 6 premiers mois, c’était plus une corvée qu’un plaisir de faire l’amour avec lui », se souvient-elle amèrement. Elle essaye alors tant bien que mal de l’initier aux jeux sexuels mais elle se heurte à un mur. « Les sex-toys étaient tabous. On en discutait, j’ai essayé de l’initier. » Mais il n’est pas réceptif. Fara finit par se séparer de son conjoint pour diverses raisons et aujourd’hui elle mène une toute autre vie. « Avec mon partenaire actuel ce n’est pas du tout tabou. On utilise les sex-toys sans complexe, il en achète même parfois ! » Elle regrette cependant que ces messieurs soient aussi frileux lorsqu’il s’agit de sexualité avec leurs épouses. « Beaucoup de nos hommes mahorais ne sont pas adeptes aux jeux sexuels ou aux sextoys. Je pense que c’est l’une des causes de l’infidélité des hommes. Ils estiment que les jeux sexuels ne sont pas destinés à leurs épouses mais ils les pratiquent avec leurs maîtresses », relève Fara.
La discrétion est de rigueur
Il est difficile de savoir ce qu’il se passe réellement dans les chambres, en revanche en magasin le constat est sans appel. « Les habitants de Mayotte sont des consommateurs de sex-toys au même titre que le reste de la France. Le marché du sexe prend une grande place dans toutes les sociétés confondues et on n’est pas différents des autres », assure Klervi Pigeard. Cette dernière est la propriétaire de la boutique Sunday à Mamoudzou. Elle vend des maillots de bains, de la lingerie mais également des jouets pour adultes. Lorsqu’elle a créé sa marque il y a un an et demi, elle n’avait jamais imaginé vendre ces derniers, mais les demandes se sont multipliées et elle a fini par y répondre. « C’est un produit qui se démocratise. Aujourd’hui c’est monsieur et madame qui achètent. Les filles viennent également entre copines pour faire leurs achats », constate-t-elle. La cheffe d’entreprise affirme même devoir réapprovisionner son stock très fréquemment tant la demande est forte. Pourtant, elle ne fait quasiment jamais la promotion de ces jouets coquins. La discrétion est sa marque de fabrique et elle met un point d’honneur à préserver l’identité de ses clients. De ce fait, le rayon qui y est consacré s’appelle « faraha », comprenez « secret » en mahorais. « Personne ne sait qui achète des sex-toys chez moi et c’est ce que les gens aiment. »
Un tabou qui s’efface ?
Dans toutes les sociétés, la sexualité a toujours été taboue. Si Sofia et Fara reconnaissent en parler librement avec leurs amies et leurs sœurs, il leur est difficile d’évoquer le sujet avec leurs parents. « Ça reste inconcevable pour nous », lance Sofia. Et à Fara d’ajouter. « Je confie beaucoup de choses à ma mère mais je ne lui parle jamais de mes sex-toys ! » Et pourtant, à en croire Klervi Pigeard, celles que l’on appelle affectueusement les « mamans » à Mayotte ne seraient pas aussi réticentes qu’on ne le pense. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, sa clientèle est diverse est variée. Sa tranche d’âge va de 18 à 60 ans. « J’ai des femmes moins jeunes qui n’ont pas toujours connu le plaisir et qui découvrent mes produits et s’y intéressent », explique-t-elle. Et s’il fallait une preuve que les mentalités sont en train d’évoluer, il suffit d’aller dans son magasin. « Ce sont souvent les femmes qui offrent ces jouets à d’autres femmes, notamment à l’occasion d’un mariage. Et parfois c’est même la belle-mère qui offre le sex-toy à sa belle-fille ! Elles dédiabolisent la chose. » On est donc loin des clichés qui laissent croire que les Mahoraises ne s’intéressent pas au sexe. Il suffit de tendre l’oreille lorsque des femmes du même âge discutent entre elle, pour se rendre compte du contraire.
*Le prénom a été modifié