En février 2021, des investigations menées par National Magazine, un site d’investigations, avaient révélé que le corps d’Ali Abdou, ancien journaliste d’Al-watwan saignait, soutenant ainsi la thèse du meurtre, défendue dès le départ par sa famille. Mais, depuis, le mystère persiste toujours. Le syndicat national des journalistes aux Comores réclame la réouverture de l’enquête.
Deux années se sont écoulées depuis qu’Ali Abdou, premier président du syndicat des journalistes aux Comores (Snjc) est décédé dans des circonstances floues. Le 12 décembre 2020, son corps a été retrouvé chez lui au sud de la capitale, Moroni. Trois jours plus tard, le procureur de la République de l’époque, Mohamed Abdou, a convié les médias dans son bureau pour livrer ses conclusions. D’après lui, la mort du journaliste d’Al-watwan n’a rien de suspect. Une version qui a toujours été contestée par sa famille. Le bémol, aucune enquête n’a été ouverte pour élucider ce drame. Le bureau du syndicat des journalistes a d’ailleurs tenu une conférence de presse, ce mardi 13 décembre, dans les locaux du quotidien d’État pour exiger justice. Ce n’est pas la première fois que ses confrères haussent le ton, mais souvent leurs cris de cœur restent sans suite. Pourtant, les éléments qui apparaissent méritent une attention particulière. « L’histoire d’Ali Abdou est tragique sur bien des plans. Voilà un jeune qui meurt dans des circonstances floues dans un contexte de conflit foncier. Cela n’émeut pas la justice qui a l’air de ne pas vouloir élucider ce qui semble être un acte criminel », regrette la présidente du Snjc, Faïza Soulé Youssouf.
Sang, blessure ….
Trois mois après la tragédie, Hayatte Abdou, journaliste d’investigation du National Magazine, dans un riche article publié en février 2021, a fait des révélations qui remettent en doute la piste de mort naturelle. Elle nous y apprend que selon le neveu du regretté, le corps de ce dernier avait gonflé, son œil, sorti de l’orbite. Le matelas et ses draps étaient imbibés de sang. Personne ne reverra les draps, brûlés par des hommes en uniforme et des pompiers de la sécurité civile. Ont-ils voulu cacher quelque chose ? Un témoin cité par l’article, affirmait qu’Ali Abdou avait perdu beaucoup de sang et confirmait une blessure à l’œil. A cela s’ajoute les déclarations de la famille qui n’a jamais eu accès au certificat médical. Le plus étonnant, le temps passe, et malgré l’apparition de ces faits troublants, aucune démarche n’a été entamée par le parquet de Moroni pour lever le mystère. « Ce lundi marquait les deux ans de sa mort sans que nous ayons le droit de connaitre la vérité. Nous ne sommes pas là pour pleurer notre frère, car il vit dans nos cœurs, mais on est là pour demander justice pour qu’enfin nous puissions faire le deuil », a déclaré Andjouza Abouheir, vice-présidente du syndicat, lors de la conférence.
Promesse du ministre de l’Intérieur
La journaliste de La Gazette des Comores, a rappelé que même le département d’État américain dans son rapport de 2021 sur les droits humains est revenu sur le cas de notre confrère dont la disparition suspecte n’a jamais été élucidée. « Le syndicat dénonce vigoureusement ce silence des autorités judiciaires et du gouvernement qui trainent les pieds sur ce dossier et exige la remise de l’enquête », a-t-elle martelé. Après l’enterrement, le ministre de l’Intérieur et de l’Information de l’époque, Mohamed Daoudou, avait promis que justice allait être faite. « Nous attendons encore qu’elle le soit », rappellera Faïza Soulé. Son confrère de RTMC Mbeni, Moustafi Youssouf Mohamed, qui occupe le poste de trésorier au sein du syndicat lui note que jusqu’à présent, tout n’est pas tranché sur les causes du décès de leur confrère. « Si la justice découvre qu’il y a eu meurtre à ce moment-là, nous allons réclamer plus d’informations sur l’auteur. Mais on en n’est pas là. Voilà pourquoi, nous exigeons d’abord l’ouverture du dossier car ne nous pouvons pas se contenter de la déclaration du procureur », a-t-il fait observer.
Selon des juristes, il n’est pas trop tard pour relancer l’enquête. Il suffit qu’une personne qui a des intérêts à agir [sa famille de préférence ou son enfant] saisisse par requête simple le procureur de la République. Il est libre d’ouvrir ou pas une information judiciaire en transmettant le courrier à la gendarmerie ou la police. Le syndicat a annoncé son intention de suivre cette voie.