Gestion des déchets : « une situation grave et alarmante à Mayotte »

Venue à Mayotte en juin 2022, la délégation sénatoriale aux outre-mer vient de publier un rapport sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins. Et son constat est sans appel : Mayotte est confrontée à une double urgence, sanitaire et environnementale.

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Sénatrice de l’Aude, Gisèle Jourda était en visite à Mayotte avec une délégation sénatoriale, à la fin du mois de juin 2022.

« Il faut un plan Marshall XXL pour Mayotte. Il n’est pas possible de laisser le territoire dans cet état », estime Gisèle Jourda. La sénatrice de l’Aude (Socialiste, Écologiste et Républicain) vient de publier un rapport, co-écrit par Vivane Malet, sénatrice Les Républicains de La Réunion, sur la gestion des déchets dans les outre-mer. Après plus de six mois de travaux, trois déplacements à La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, et près de 160 personnes auditionnées, la délégation aux outre-mer constate un retard majeur en matière de gestion des déchets dans ces territoires.

97 % de déchets enfouis à Mayotte

Le taux d’enfouissement des déchets ménagers y est en effet de 67 % contre 15% au niveau national. Un constat encore plus alarmant à Mayotte où la part des déchets enfouis s’établit à plus de 97 %. Une situation « grave » qui place le territoire en urgence sanitaire et environnementale. La cote d’alerte y étant largement dépassée. « Dans certains quartiers informels, où la collecte est impossible, on voit des enfants en bas âge jouer à proximité de batteries ou de véhicules hors d’usage. C’est aussi dans ce contexte que certaines familles lavent leur linge. On constate une prolifération de rats et avec eux, la propagation de maladies comme la leptospirose », détaille la sénatrice Gisèle Jourda. Sur l’île, le taux de prévalence de la leptospirose est en effet 70 fois supérieur au taux national. D’autres maladies comme la dengue, l’hépatite A ou la typhoïde sont également favorisées par cette situation.

Sans compter les conséquences sur l’environnement avec la pollution des sols, des nappes phréatiques et des cours d’eau. « Je n’accepte pas qu’un département français soit dans un tel état », insiste la parlementaire.

Des financements insuffisants et des filières de recyclage limitées

Selon le rapport, plusieurs éléments expliquent la situation. D’abord, les financements seraient insuffisants, les éco-organismes discrets, voire absents, et les filières locales de recyclage très limitées. Dans le même temps, la prévention serait quasi-inexistante et les exportations de déchets notamment dangereux compliquées.

Pour ne pas que le territoire devienne un dépotoir, la délégation sénatoriale a mis en exergue deux défis à relever. Le premier est de gérer l’urgence en retrouvant des moyens d’action. Le second consiste à « s’engager sur la voie de l’économie circulaire. Un chemin plus long, mais plus durable ». Un plan de rattrapage exceptionnel de 250 millions d’euros sur cinq ans devrait ainsi être mis en place dans les territoires d’outre-mer, pour réaliser les équipements prioritaires, en plus des aides actuelles de l’État. « Le budget alloué à Mayotte sera exceptionnel afin d’assainir la situation. Nous pensons également à la mise en place de brigades pour faire respecter les normes. Si on ne pénalise pas, on ne s’en sortira pas », poursuit la sénatrice.

Une première déchetterie en 2023 sur l’île

De manière générale, les outre-mer souffrent d’un retard massif d’équipements. Le nombre de déchetteries est de deux à neuf fois plus faible que dans l’Hexagone. À Mayotte, elles sont même totalement absentes. La première devrait ouvrir en 2023. « L’île a presque tout à construire pour une population qui explose », souligne le rapport.

En parallèle, les sénatrices préconisent une exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui « asphyxie les budgets de fonctionnement des collectivités », pendant cinq à dix ans. Mais aussi une simplification de la gouvernance, avec un opérateur unique sur chaque territoire et un renforcement des obligations de résultat des éco-organismes. L’idée serait ainsi d’expérimenter en outre-mer un mécanisme incitatif de pénalités pour les organismes n’atteignant pas des objectifs chiffrés. Enfin, le rapport souligne la nécessité d’abaisser à une tonne, au lieu de 100, le seuil à partir duquel le coût du nettoyage d’un dépôt sauvage est pris en charge par ces organismes.

La délégation suggère également la mise en place de dispositifs de gratification directe du tri pour encourager la collecte dans les zones les plus défavorisées. A Mayotte, le Sidevam envisage notamment de créer une monnaie locale et de récompenser les citoyens amenant des déchets recyclables dans les Douka en leur fournissant des denrées alimentaires.

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