Dans un communiqué dont l’authenticité a été confirmée par son avocat, Bashar Kiwan, hommes d’affaires franco-syrien assigné dans le procès en cours sur la citoyenneté économique, assure que les ministres comoriens avec lesquels il s’est entretenu lui ont promis une grâce s’il témoignait contre Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, opposant déclaré d’Azali Assoumani. Un proche de l’un des ministres aperçus sur les photos confirme une rencontre avec Bashar sans préciser de date.
Voilà des révélations qui risquent d’entacher le procès sur la citoyenneté économique, ouvert lundi à Moroni. Celui-ci s’est poursuivi ce mardi après son ajournement la veille sur décision du président de la cour de sûreté. Le principal homme-clé dans cette affaire, à savoir Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, ne s’est pas rendu devant la cour. Il disait craindre une justice inéquitable. L’ex-président semble avoir eu raison. En effet, l’apparition depuis lundi de photos montrant des ministres du gouvernement d’Azali Assoumani avec Bashar Kiwan, qui a un rôle trouble dans la gestion du programme de la citoyenneté économique, a fait l’effet d’une bombe. Sur les images, on y voit le ministre des Affaires étrangères, Dhoihir Dhulkamal, et Djae Ahamada Chanfi, actuel Garde des sceaux, assis avec le sulfureux homme d’affaires franco-syrien inculpé et qui devait comparaître devant la cour. Approché, le ministre de la Justice n’a pas infirmé ni confirmé. Il a juste dit qu’il préférait s’exprimer seulement à la fin du procès. Le chef de la diplomatie dont l’authenticité de la photo été confirmée par un proche n’a dit aucun mot également. Il faut noter que sa présence sur l’image, lui qui a présidé la commission parlementaire dont le rapport a été à l’origine de l’ouverture du procès, a de quoi interroger.
Rencontre en juillet
Bashar Kiwan, contacté via la messagerie WhatsApp a confirmé avoir eu des discussions avec Dhoulkamal. « Je confirme qu’il a pris contact avec moi. On s’est rencontré à plusieurs reprises. Sur les deux photos, il y en une prise le 12 juillet et une autre le 27 octobre 2022 », a-t-il répondu, confirmant dans la foulée la véracité des échanges qu’il a eus sur WhatsApp avec le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie. Dans ces messages qui circulent en ligne, le ministre propose à l’homme d’affaires tombé en disgrâce depuis une dizaine d’années de rencontrer le chef de l’État, Azali Assoumani, lors de son passage à Paris, au mois de juillet. Selon toujours les captures d’écran, Msaidie assure à son interlocuteur qu’il sera gracié s’il accepte de donner un témoignage qui enfoncera son ancien ami, l’ex-raïs Sambi. Une offre que Bashar a déclinée selon ses mots. D’après lui, un projet de grâce sur des condamnations prononcées à Moroni à son encontre, ainsi que des anciens directeurs des sociétés qu’il dirigeait au moment où il faisait la pluie et le beau temps dans l’archipel, a été proposé en contrepartie. « Je leur ai dit que j’étais prêt à témoigner afin de faire la lumière sur les contrats signés avec les Émirats, mais je ne peux valider des fausses accusations. Je refuse de valider ce rapport qui est une pure invention, rédigé sans preuves », confie-t-il avant de préciser que cela fait plus de dix ans qu’il n’est plus en contact avec Sambi, encore moins les autres inculpés dans cette affaire dont l’audience suit son cours, malgré le désistement des avocats de l’ancien président.
Plainte à Paris
Ces derniers ont d’ailleurs tenu une conférence de presse dans un hôtel de Moroni, ce mardi, pour apporter des éclaircissements sur les raisons qui ont poussé leur client à ne pas se présenter. La défense a également annoncé qu’elle porterait plainte devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de Paris pour tentative de subornation de témoins suite à ces révélations citées précédemment. « Nous exigeons l’arrêt du procès et l’ouverture d’une enquête pour tout clarifier. Notre client doit être remis en liberté », a plaidé, devant la presse, maître Jan Fermon. Son confrère, Me Ahamada Mahamoud donne raison à l’ex-raïs qui, selon lui, est prêt à répondre à la justice dès lors que toutes les règles seront respectées. L’avocat de l’État comorien, Me Sossah, pense en revanche que Sambi aurait dû y rester pour révéler la vérité sur le programme de la citoyenneté même si la cour n’est pas habilitée à le juger. Ce mardi, le conseiller de l’ancien vice-président, Mohamed Ali Soilihi, a quitté le procès.
A la barre, il ne reste plus désormais deux Comoriens parmi les onze qui comparaissent devant la cour de sûreté de l’Etat : Mohamed Bacar Dossar et Nourdine Bourhane. Selon le calendrier qui avait été publié par le parquet, le procès devait prendre fin ce mercredi. Mais au rythme où vont les choses, il pourrait continuer jusqu’au 24 novembre.