La cheffe de file du mouvement des Chatouilleuses est décédée le 27 octobre 1999. Pour les 23 ans de sa mort, un maoulida chengué est organisé, ce lundi à Pamandzi, où elle habitait. L’occasion de revenir sur ce mouvement qui a marqué l’histoire de Mayotte.
« Le combat a véritablement démarré le 6 juillet 1966 », rappelle Mariata Bacar. Cette habitante de Petite-Terre était proche de Zéna M’Déré. Ce jour-là, la cheffe de file du mouvement des Chatouilleuses rencontrait le président du Conseil de gouvernement des Comores, Saïd Mohamed Cheikh, après le transfert de la capitale de Dzaoudzi à Moroni (Grande Comore). Zéna M’déré protestait, au nom des femmes, contre l’intégration de l’île à l’archipel des Comores et contre l’indépendance de Mayotte, qui en aurait découlé.
Cette figure du mouvement, habitante de Pamandzi, est décédée le 27 octobre 1999. Pour lui rendre hommage et célébrer l’anniversaire de sa mort, un maoulida chengué est organisé à Pamandzi, ce lundi 31 octobre. « Tous les habitants de Mayotte sont conviés », précise Moustadirani Achirafi, responsable événementiel de la mairie de Pamandzi. « L’idée est de réunir les anciennes chatouilleuses et de rendre hommage à ce mouvement. » 300 à 500 personnes sont attendues pour l’occasion.
Encercler les hommes politiques
Selon Mariata Bacar, Zéna M’Déré s’est imposée comme cheffe du mouvement car elle souhaitait un combat pacifique, sans insulte, ni arme. D’où la technique des « chatouilles », qui consistait notamment à encercler les hommes politiques comoriens pour les « chatouiller » et les faire craquer. Mais ce combat a malgré tout été violent. « Si nous l’avions mené principalement avec des chatouilles, croyez-moi nous aurions été battus. Face à nous, se dressaient des Comoriens bien décidés à s’accaparer Mayotte, c’était eux qui détenaient le pouvoir, les fusils et les grenades. Comme nous n’étions pas armées par rapport à nos adversaires, souvent on y allait au culot. Il n’y avait que des femmes, les hommes avaient trop peur : s’ils bougeaient, ils perdaient leur travail ou se retrouvaient emprisonnés », racontait l’ancienne chatouilleuse, Sidi Echat, interrogée par Mayotte Hebdo en 2011.
Salama Allaoui et Anrafa Allaoui, deux habitantes de Petite-Terre, ont elles aussi fait partie du mouvement. « Nous étions très jeunes », raconte Salama, qui ne connaît pas son âge mais s’approche des 90 ans. A l’époque, les deux femmes avaient pour mission d’être « messagères ». « Il y avait très peu de moyens de communication. Nous étions parfois obligés d’aller jusqu’à Mtsamboro à pied pour informer les combattantes de la tenue d’une réunion en Petite-Terre afin d’organiser les prochaines actions », se souvient Anrafa Allaoui, 76 ans. Selon elles, le mouvement était massif. « Toutes les femmes des villages, partout à Mayotte en faisaient partie. » Le noyau dur des Chatouilleuses était composé d’une centaine de femmes, qui étaient rejointes par des sympathisantes lors des visites des représentants du gouvernement à Mayotte.
Des Chatouilleuses empoisonnées et mutilées
Pour les deux femmes, cette période reste toutefois un traumatisme. « Nous n’avions rien à manger », assurent-elles. « Les Comoriens venaient et pillaient tout ce qu’il pouvait : tout ce que cultivaient les Mahorais, mais aussi les tracteurs et le matériel sur place. » Sans parler des moyens de tortures. « Des produits chimiques étaient déversés sur les jambes des Mahorais, mais aussi dans la bouche, ça leur coupait les gencives », assure Anrafa Allaoui, âgée de 76 ans. Certaines Chatouilleuses auraient aussi été mutilées. Elles auraient perdu leurs mains voire la vie. Le 13 octobre 1969, Zakia Madi, est notamment morte lors d’un affrontement entre partisans et adversaires de l’indépendance. De leurs côtés, les femmes « maltraitaient les militaires, les gendarmes et les élus jusqu’à ce qu’ils craquent », indique Enlaouya Halidi, une habitante de Petite-Terre. Aujourd’hui, les Chatouilleuses ne seraient plus qu’une poignée. « A Petite-Terre, on en compte à peu près cinq. Même si d’autres femmes sont présentes un peu partout à Mayotte », assure Salama Allaoui.