Fin septembre, le centre hospitalier de Mayotte a reçu le grand prix de l’innovation en ressources humaines 2022 pour son agence territoriale de recrutement, qui doit permettre d’accompagner les candidats, d’augmenter l’attractivité du territoire et de fidéliser les personnels. Lancé depuis un an en phase d’expérimentation, ce dispositif commence déjà à faire ses preuves. Entretien avec Matthieu Guyot, le directeur des ressources humaines du CHM.
Flash Infos : À l’occasion des rencontres RH de la santé qui se sont tenues à Marseille les 29 et 30 septembre derniers, le centre hospitalier de Mayotte a remporté le grand prix de l’innovation RH 2022. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Matthieu Guyot : C’est tout d’abord le prix de référence en matière de ressources humaines hospitalières ! Nous ne nous en rendons peut-être pas bien compte mais cette distinction est habituellement remise à un CHU (centre hospitalier universitaire) ou à l’AP-PH (assistance publique – hôpitaux de Paris). C’est donc rare et prestigieux qu’une administration comme la nôtre la reçoive…
D’autant plus que tous les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux peuvent candidater. Il faut qu’il y ait un critère d’efficience et de pertinence, mais aussi que le projet soit reproductible à plus grande échelle. C’est un moyen pour la Fédération hospitalière de France de faire remonter nos idées et nos petites expériences en local et d’amener à les généraliser.
FI : Comment fonctionne cette agence territoriale de recrutement ?
M.G. : Elle est à la fois un centre de réflexion et une agence opérationnelle. En phase d’expérimentation depuis un an, nous la mettons progressivement en place et nous augmentons le dispositif au fur et à mesure. Comme il s’agit d’une révolution, cela ne peut naturellement pas se faire en une fois… Le plan de développement court en quatre phases jusqu’à mi-2023, mais il faudra environ trois ou quatre ans pour que ce soit purement « opérationnel ».
Notre philosophie se base sur le design thinking, une méthode centrée sur l’humain afin d’identifier les points de difficultés. L’idée consiste à améliorer la qualité du parcours de recrutement ainsi que les procédures administratives pour réduire au maximum les complications et les interlocuteurs. En clair, cette agence doit faire en sorte que cela aille vite et bien et surtout que le candidat soit satisfait. Depuis le lancement, l’agence a déjà montré son utilité dans la mesure où nous avons déjà doublé le nombre de candidatures (+59.38% en quatre mois).
FI : Le CHM souffre d’un manque d’attractivité, dans le sens où il doit recruter 1.400 personnes sur des métiers en tension (médecins, sage-femmes, infirmiers spécialisés) chaque année. Idem pour la médecine de ville et la protection maternelle et infantile gérées par l’agence régionale de santé et le conseil départemental.
M.G. : L’attractivité du territoire repose sur l’ensemble de ses acteurs. Si nous ne travaillons pas tous main dans la main, nous réduisons notre efficacité ! Comme l’île est petite, nous devons pouvoir collaborer sur certains aspects capitaux. L’idée de ces partenariats en cours et à venir consiste à définir une réflexion commune.
Si nous voulons que les gens restent, il faut améliorer leur accueil en leur proposant un système de crèche que nous essayons de mettre en place et un logement, mais aussi et surtout revoir leurs conditions de travail. Quand les soignants ressentent de la frustration car rien ne fonctionne en raison du sous-effectif, ils repartent aussi vite qu’ils sont venus. Nous devons bosser en collaboration sur le problème organisationnel et l’augmentation du nombre de professionnels de santé. Si nous ne planchons pas sur ces deux aspects en même temps, cela ne marchera pas !