Des manuels pour atteindre « 100 % de lecteurs en CP »

Le rectorat de Mayotte a choisi de déployer la « méthode Néo », qui vise à faciliter l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans toutes les classes de CP. Pour la mettre en place, les 600 enseignants seront formés au fil de l’année. L’ambition : que tous les élèves soient capables de lire et écrire avant le passage en CE1.

« Le petit bonhomme va voir le meunier et il lui dit : donne-moi de la farine, je la donnerai au boulanger pour avoir du pain, parce que j’ai très faim. » Ce mercredi matin, Mohamadi Chabhouli, enseignant en classe de CP à Sada, raconte une histoire à ses quatorze élèves, âgés de 5 à 7 ans. Avant de les interroger, pour savoir ce qu’ils en ont retenu. « Qui peut me dire ce que demande le petit bonhomme ? », lance-t-il à la classe. Les doigts se lèvent, les enfants complètent. « Ces récits font partie de la méthode Néo, qui facilite l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Cela permet aux enfants d’apprendre une histoire et du vocabulaire. Ce matin, ils ont appris les mots meunier, moulin, etc », détaille Dominique Pince-Salem, inspectrice en maternelle et en maîtrise des langues pour le département de Mayotte.

Deux manuels pour accompagner les enseignants

Ce 5 octobre, l’inspectrice et deux des autrices de cette méthode d’apprentissage venaient rendre visite aux écoliers de l’école maternelle et des écoles élémentaires Sada 2 et 4. Dans le cadre du plan « Dire, lire et écrire », dont l’objectif est d’atteindre « 100 % de lecteurs en CP », le rectorat a en effet déployé « la méthode Néo », à l’échelle de tout le territoire. « L’idée est d’accompagner les enseignants pour l’enseignement de la lecture grâce à deux manuels », précise Isabelle Goubier, co-autrice de ces livres. Le premier se concentre sur le code : les lettres et les syllabes. Le second permet de travailler la compréhension. « En 2016, des chercheurs ont permis d’identifier la spécificité de cet apprentissage : il doit passer par un décodage précis des sons et des syllabes avec une entrée graphique par les lettres », souligne Dominique Pince-Salem.

Cinq ans ont été nécessaires pour mettre au point ces manuels. « Pour que les enfants se repèrent très vite, nous avons choisi un mode d’apprentissage très répétitif. L’idée est également qu’ils soient toujours capables de lire les lettres et qu’ils ne se retrouvent jamais en échec. Le tout, sans aucune illustration, pour ne pas attirer leur attention », poursuit Isabelle Goubier. Celle qui est aussi inspectrice de l’Éducation nationale à Paris a fait le déplacement avec sa co-autrice, Catherine Dorion, pour voir comment était déployé le dispositif.

« Même ceux qui ne sont jamais allés à l’école sont déjà capables d’écrire une suite de lettres »

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Isabelle Goubier et Catherine Dorion ont inventé la méthode Néo qui favorise l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

Dans la classe de Mohamadi Chabhouli, les élèves s’attèlent désormais à dessiner ce qu’ils ont compris de l’histoire du petit bonhomme. « Ils ont chacun un cahier avec des exercices de phonologie, de reconnaissance de lettres, etc », indique l’autrice. Et les élèves se prêtent au jeu. « Ils ont tous très envie d’apprendre à lire et à écrire. Ils veulent participer pour montrer aux autres leurs progrès », assure le professeur, qui apprécie le lancement de ce dispositif. Les enseignants bénéficient en effet de fichiers audio en plus des manuels et peuvent ainsi faire écouter toutes les histoires à leurs élèves. « Après seulement une semaine, la progression est très satisfaisante. Même ceux qui ne sont jamais allés à l’école sont déjà capables d’écrire une suite de lettres », continue celui qui va lui-même bénéficier d’une formation pour accompagner au mieux les enfants.

Au total, 600 enseignants de CP seront formés trois fois dans l’année, par l’inspectrice de la maîtrise des langues du département. « L’expérimentation durera trois ans », précise Dominique Pince-Salem. « Jusque-là, il y avait peu de cohérence dans l’apprentissage de la lecture. Chacun utilisait la méthode qu’il souhaitait. Et nous avons une vraie problématique à Mayotte puisque nous avons les résultats les plus faibles de France. » Au total, 120.000 euros ont été déboursés par le rectorat pour mettre en place ce dispositif, ce qui correspond à environ 7.000 élèves. Pour autant, Mayotte compte 10.200 enfants en classe de CP. « Nous aimerions que les municipalités prennent le relais pour distribuer des manuels et cahiers aux classes qui en manquent », insiste l’inspectrice.

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