Le financement des études en métropole contre l’obligation de travailler ensuite à Mayotte, c’est le deal que signent chaque année le conseil départemental et une partie des étudiants de l’Institut de formation en soins infirmiers de Mayotte. Mais avec un délai trop important pour le premier virement, ces derniers vivent mal les conditions précaires dans lesquelles ils sont plongés. Côté Département, on répond « être assujetti à la règle de l’administration ».
À chaque rentrée de l’Ifsi (Institut de formation en soins infirmiers), 35 élèves rejoignent les salles de classe sur le site du centre hospitalier de Mayotte (lire Flash Infos du mardi 6 septembre). Des dizaines d’autres, faute de places, partent chaque année en métropole dans des Ifsi partenaires. Nîmes (Gard), Grenoble (Isère) ou Quétigny (Côte-d’Or) accueillent par exemple la dernière promotion. Conscient que le manque d’infirmières locales est criant, le Département a mis en place des contrats d’engagements avec « ces expatriés ». Bourses de 900 euros par mois et billets d’avion sont censés être réglés par la collectivité, tandis que les étudiants promettent de revenir travailler au moins neuf ans à Mayotte.
Cet accord « gagnant-gagnant » comporte toutefois un hic. Chaque année, les élèves se plaignent des délais de paiement trop longs, les plongeant vite dans des difficultés financières avec factures et loyers impayés. « On n’a toujours pas nos bourses d’août et septembre. Toutes les promotions ont envoyé des mails. Personne n’a eu de réponses. » L’exaspération de Karima Majani est palpable. Étudiante en deuxième année à l’Ifsi de Nîmes, elle est devenue la porte-parole de ses camarades logés à la même enseigne. « On s’entraide entre nous, des élèves sont obligés de se tourner vers les associations. D’autres n’y vont pas parce qu’ils ont honte », poursuit-elle. « Les assistantes sociales viennent nous voir, mais elles disent qu’elles ne vont pas nous aider dès qu’elles voient notre attestation pour une bourse de 900 euros. » Elle aimerait, en outre, que le Département se porte garant pour les loyers, arguant que c’est difficile de trouver un logement quand les propriétaires ou bailleurs voient les adresses mahoraises des parents d’élèves.
Les comptes bancaires dans le rouge
Warda Bacar, la présidente de l’association des étudiants mahorais dans le monde, connaît bien ce problème. « Les étudiants m’ont envoyé les relances des huissiers, des relevés de compte bancaire dans le rouge. Leurs camarades les aident, les parents donnent ce qu’ils peuvent, mais ils ne peuvent pas tous le faire. Il y a même une étudiante qui m’a demandé de quoi se vêtir pour l’hiver », raconte-elle. Selon Soilihi Mouhktar, à la tête de la direction de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’insertion, cette situation n’est pas inhabituelle. « On a beau leur expliquer les choses. Il y a un processus à chaque rentrée. Il faut monter le dossier de rémunération, puis il y a une série de validations », explique-t-il. Une attestation de présence est par exemple nécessaire pour vérifier que les étudiants assistent bien aux cours. « On est assujetti à la règle de l’administration », défend-il, avant de prédire un début des paiements « vers le 5 octobre ». Alertant régulièrement « les expatriés » sur ces délais à respecter, il leur préconise ainsi « des provisions de 1.000 ou 1.500 euros » pour les premiers mois.
L’an dernier, face à la gronde et aux retards pris concernant « quelques dossiers », l’employé du Département avait soumis l’idée d’une prime d’installation de 800 euros à la rentrée. Validée par les élus, elle est désormais incluse dans les derniers contrats d’engagement. Cependant, soumise aux mêmes lourdeurs administratives, celle-ci n’est toujours pas arrivée non plus sur le compte des étudiants.
Des billets d’avion souvent à leurs frais
Dans le contrat, le Département s’engage également à payer le premier billet aller vers la métropole, puis celui du retour à la fin des études. « Les étudiants nous donnent des dates, puis on les transmet à un prestataire chargé de trouver ce qu’il y a de plus pratique », relate le directeur de la Dafpi. Dans les faits, deux problèmes se posent toutefois. Le premier concerne de nouveau les délais de traitement des dossiers. Ceux-ci sont trop courts et obligent les étudiants à prendre en urgence des billets par eux-mêmes pour être sur place à la rentrée. « Il y a une promesse de remboursement. Mais à ce jour, il n’y a toujours rien », rappelle Karima Majani. Et pour le billet retour, c’est un autre souci. L’agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), qui gère les voyages de ces étudiants et des fonctionnaires, ne prend pas en charge des dossiers quand les adresses sont en métropole. Un comble pour ces étudiants expatriés en accord avec le conseil départemental.
Une accumulation de problèmes qui amènent les étudiants à réfléchir sur la suite de leur carrière. « Ils parlent entre eux », constate Warda Bacar. Karima Majani, la porte-parole de ces étudiants en galère, hésite notamment à rentrer à Mayotte dans le cadre de son travail. Et cela même s’il faut rembourser ce qu’elle a perçue.