Une motion commune pour faire entendre la voix unie, sur le principe tout au moins, de Mayotte : c’est ce qui s’est décidé hier matin, à l’issue d’une réunion informelle organisée par le Conseil départemental, et réunissant représentants de l’intersyndicale et collectivités. Droit commun, Code du travail, situation fiscale, calcul des dotations, etc. : c’est un tour de table des besoins et revendications de chacun qui a été effectué. “Depuis la départementalisation, Mayotte vit au rythme des mouvements sociaux, ayant comme principal objectif l’égalité de traitement entre salariés, et application effective du droit commun. Cette situation n’est pas sans conséquence sur le développement harmonieux du département. C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous convier à une réunion de travail (…) pour nous enquérir des revendications légitimes de l’intersyndicale et construire ensemble une démarche politique commune à porter au Gouvernement. En effet, les intérêts supérieurs de Mayotte et des Mahorais recommandent l’unité et le rassemblement des élus et des forces vives autour d’un projet partagé.” Ainsi commence l’invitation du Conseil Général aux différents partenaires sociaux et collectivités de Mayotte.
Ils étaient donc là, les représentants de l’intersyndicale et du patronat, mais également les élus : Said Omar Oili en tant que représentants des maires de Mayotte, le député Said Boinali, le sénateur Thani Mohamed Soilihi, ou encore la maire de Sada Anchya Bamana, pour cette assemblée informelle et souhaitée “sincère et franche” par le président Soihabadine Ibrahim Ramadani, initiateur de la démarche. “Alors que nous sommes dans une situation toute particulière avec l’état d’urgence, l’annulation du congrès des maires en métropole, et la fin prochaine de notre session budgétaire, il m’a paru important d’entendre ou réentendre, malgré tout, les revendications des acteurs de la vie à Mayotte pour ne pas qu’elles soient abandonnées”, explique-t-il.
Carrières, retraites, transports, taxes foncières, dotations, etc.
Du côté de l’intersyndicale, les revendications ont donc été répétées : reconstitution de carrière pour les agents de l’ancienne collectivité départementale, indexation des salaires, attractivité du territoire pour les fonctionnaires, application immédiate du Code du travail de droit commun, etc. Le patronat a également fait entendre sa voix, par celle du président du Medef Thierry Galarme, estimant injuste la situation dans laquelle se trouve Mayotte, et déplorant que “l’État dépense pour un Mahorais la moitié de ce qu’il dépense pour un métropolitain”. Le responsable a également souligné les dysfonctionnements de la commande publique, “En panne, alors qu’ailleurs des choses s’organisent, des projets se montent, comme à La Réunion avec la route du Littoral ou celle des Tamarins.” Le représentant du patronat a également mis le doigt sur l’éternel problème des transports, et l’absence de solutions crédibles, ironisant sur “L’interdiction de circulation aux poids lourds à certaines heures. De quoi soutenir l’économie, les patrons et les salariés”, et concluant sur “Même si cela dérange ailleurs, ici le patronat et les salariés ne sont pas divisés, mais unis pour faire avancer Mayotte.”
Injustices sociales
Mais, au-delà des revendications pures, c’est l’injustice sociale dont est victime l’île aux parfums qui a été soulevée. “Nous partageons tous ce constat d’inégalités, a ainsi réagi le sénateur Thani Mohamed Soilihi, faisant référence au dossier qu’il vient de porter au Sénat. Mayotte ne bénéficie pas des mêmes dotations de financement, par exemple.” Constat d’inégalités partagé par Said Omar Soili, et le député Boinali Said, qui soulève aussi le problème des dotations aux communes, calculées sur un recensement tous les cinq ans, contre deux ailleurs : bien loin des réalités du terrain mahorais, et de la fulgurante hausse démographique de l’île. Notons aussi quelques griefs à l’encontre des élus, avec le coup de gueule d’Ousseni Balahachi, responsable de la CFDT : “Vous faites cavalier seul, défendant votre gouvernement au lieu des Mahorais. Je vous demande de changer de mentalités et d’oublier cet orgueil dans lequel vous êtes. La population de Mayotte en a ras le bol de ces comportements. Nous, nous sommes des mendiants, et c’est auprès de vous que nous venons mendier pour que nous puissions être entendus par le gouvernement. Vous nous devez des réponses.” C’est la maire de Sada qui a conclut “Soyons concret dans les faits, et pas seulement dans le discours.”
“Chasser en meute”
À l’issue de l’assemblée, une motion commune aux élus et aux partenaires sociaux a donc été rédigée, contenant les attentes et revendications. Le but : “Chasser en meute”, comme le soulignait le sénateur Soilihi en référence à la façon dont travaillent les élus dans d’autres départements d’Outre-Mer. Elle sera déposée au gouvernement. Toutefois, on pouvait entendre dans les rangs syndicaux quelques doutes émis sur l’unité réelle des acteurs de Mayotte, tout en saluant l’initiative et le soutien offert. “C’est toujours une bonne chose que nous parlions tous d’une voix commune pour que Paris sache que le message de Mayotte est unique”, confiait un représentant syndical, sans pour autant estimer que la situation allait évoluer positivement. En attendant, une nouvelle réunion devrait être organisée d’ici quelques semaines.
Soihabadine Ibrahim Ramadani à Paris
Hasard du calendrier, et parallèlement à la motion qui fait suite à la réunion qu’il a organisée, le président du Conseil départemental Soihabadine Ibrahim Ramadani sera à Paris la semaine prochaine. Durant sa visite, il se rendra notamment au ministère du Budget pour sensibiliser Bercy et les conseillers du premier ministre au déficit du Conseil départemental de Mayotte ; pour demander que soit revue la dotation qui compense les pertes de recettes du Département liées à la transition fiscale ; ou encore que la compensation des charges transférées au Département, comme le RSA , tienne compte de l’augmentation du nombre de demandeurs. Gros dossier également : le président souhaite plaider en faveur d’une dotation régionale de fonctionnement, puisqu’elle est collectivité unique, assurant par là même des compétences dévolues à la fois aux départements et aux régions d’Outre-Mer.
Geoffroy Vauthier
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