La campagne pour le 1 er tour l’élection départementale partielle des 25 septembre et 2 octobre 2022 bat son plein dans le canton de Sada-Chirongui. Pour les duos Mariam Saïd Kalame-Soula Saïd-Souffou et Rahmatou Younoussa Bamana-Salim Boina M’zé, c’est l’occasion rêvée de détrôner Tahamida Ibrahim et Mansour Kamardine et de porter leurs voix au Département. Entretien croisé avec ces binômes d’outsider.
Flash Info : Le problème de la vie chère sur l’île aux parfums prend de l’ampleur avec les effets de la crise russo-ukrainienne. Par quels moyens pensez-vous qu’il faille passer pour atténuer la situation des plus modestes à Mayotte ?
Soula Saïd-Souffou : Le problème de la vie chère est une réalité dans l’île, bien antérieure à la guerre russo-ukrainienne, même s’il est vrai que celle-ci nous impacte aussi actuellement. Pour notre part, nous estimons qu’il y a de multiples moyens de lutter contre ce phénomène localement, en favorisant d’abord et durablement les productions locales. Selon moi, il est possible de lutter contre la vie chère, sans forcément recourir à de gros investissements. Il faut commencer par mécaniser les exploitations agricoles qui seront en mesure d’alimenter les marchés locaux, les ménages, les restaurants et les cantines scolaires en attendant la mise en place prochaine d’une cuisine centrale génératrice de 10.000 emplois directs et indirects selon des calculs sérieux avancés par les services du Département.
En parallèle, il est absolument nécessaire de revoir la politique douanière et fiscale de Mayotte car nos familles ont des revenus modestes alors qu’elles sont soumises à une fiscalité excessive depuis nos villages, avec une forte disparité d’une commune à l’autre. Aujourd’hui, les familles se trouvent à payer trop d’impôts et des prix élevés à la consommation. Cela sous-entend des dotations plus importantes de la part de l’État pour compenser les baisses de rentrées des communes.
Rahmatou Younoussa Bamana : C’est le plus gros dossier parmi les sujets que notre binôme entend porter au cours de notre mandature si nous sommes élus. Il relève de la double compétence de l’État et Du département de Mayotte. En premier lieu, il importe de revoir le dispositif de l’octroi de mer qui s’avère inefficace aujourd’hui, faute de contrôles réels sur les prix à la consommation des produits importés. Il difficile de comprendre les énormes écarts de prix sur des denrées alimentaires identiques par exemple, ayant une même provenance européenne, entre La Réunion et Mayotte.
Un contrôle des prix régulier s’impose également pour les productions locales car la situation révèle une totale anarchie en matière de fixation de prix. C’est le « grand bazar », chacun fait ce qu’il veut et au final, ce sont les ménages qui paient le prix fort. Il faut mettre en place une politique de sensibilisation pour permettre à tout le monde de s’y retrouver : particuliers, grande distribution, cantines et restaurants. La coopération régionale est une autre carte à jouer, en particulier du côté de Madagascar, avec la filière bovine, quitte à y installer pour nos besoins propres des laboratoires pour faire respecter les normes européennes.
FI : L’attractivité économique est un sujet à la mode dans les sphères de pouvoirs entre Paris et Mamoudzou, quelle est votre vision sur ce sujet ?
S.S-S. : L’économie est la base de tout développement de territoire, il ne saurait en être autrement à Mayotte. Pour notre part, nous considérons que notre canton, à l’image d’autres endroits de cette île, possède des atouts énormes en matière d’économie bleu, en d’autres termes tout ce qui est tourné vers la mise en valeur de notre lagon. Nous allons soutenir tous les projets touristiques et veiller à ce qu’ils soient au maximum générateurs d’emplois. Nous bénéficierons donc de tous les investissements touristiques et les projets hôteliers prévus par le Département dans cette zone grâce à la double présence de Sada dans le canton avec Chirongui et l’intercommunalité de l’Ouest. Nos deux dispensaires ont attiré autour d’eux plusieurs acteurs économiques, des médecins libéraux et des spécialistes, des pharmacies, etc. Nous prévoyons aussi d’accompagner tous types d’entreprises ainsi que le développement des filières agricole et pêche. Des équipements structurants sont nécessaires pour redynamiser le centre-ville de Sada, avec notamment des espaces commerciaux.
R.Y. B. : Je dirai qu’il importe déjà de renforcer l’existant. Il y a lieu de voir comment rééquilibrer les choses en matière de décentralisation des services du Département. Une annexe des services sociaux (RSA et aide à domicile) existe déjà à Chirongui, il faut étudier en collaboration avec la commune les conditions d’accueils de nouveaux services. C’est seulement après qu’il sera possible d’asseoir une vraie politique économique qui découlera de la mise en place de différentes infrastructures préconisées par le SAR (schéma d’aménagement régional). Des partenariats pourront être envisagés avec les entreprises lauréates des marchés publics dès lors que des clauses sociales seront intégrées dans les appels à projets. Il sera possible d’imaginer dans ce cadre divers mécanismes favorisant l’emploi local.
FI : Quelles sont vos ambitions en matière de transports et de désenclavement terrestre ?
S.S-S. : Il existe une réponse intercommunale puisqu’il n’existe plus de taxis interurbains comme autrefois avec les véhicules 404 de Peugeot. Il y a un potentiel réel entre Sada et Chirongui, sans nécessité de gros investissements financiers, ni besoin préalable d’études de marché. Avec la perspective d’une construction prochaine d’un Hôtel de région à Mamoudzou, nous appelons à un repositionnement des services départementaux. Le canton de Sada-Chirongui est prêt à accueillir les services qui n’exigent pas une présence permanente dans la ville chef-lieu, tels que les archives départementales, les ressources humaines et autres services techniques. Le développement du transport maritime en direction du nord, entre Dzoumogné et Mamoudzou, en passant par Mtsangamouji, est également une piste sérieuse pour le transport de marchandises et des déchets.
R.Y. B. : C’est un problème qui se pose avec force à Mayotte. Dans ce domaine, mon binôme Salim Boina M’zé et moi proposons de revoir complètement l’organisation du réseau routier de l’île, avec l’instauration d’un système quotidien d’alternance du type de véhicules pouvant emprunter l’axe nord-sud, sur la base d’un créneau horaire. Cela permettra de fluidifier durablement le trafic à condition de mettre en place une vraie organisation sérieuse de ce dispositif.
FI : Quelles sont vos perspectives en matière de gestion, de défense et de valorisation de l’environnement ?
S.S-S. : Il faut impérativement protéger nos forêts si nous voulons avoir de l’eau, en particulier contre les charbonniers sauvages devenus une grande préoccupation depuis l’an 2000. Il est impensable que devant l’ampleur des problèmes, l’État n’ait déployé en tout et pour tout que seulement dix agents pour surveiller nos cours d’eau. Le Département et les communes ont aussi un rôle à jouer en ayant recours à un redéploiement de personnel. Un effort particulier est à apporter à la lutte contre la pollution de la ressource, avec par exemple des laveries solidaires, également un contrôle strict de certains milieux naturels tels que les lacs naturels et les zones marécageuses envahis par des éleveurs de bétail.
R.Y. B. : Il existe déjà un schéma directeur d’entretien et de restauration des rivières de Mayotte (SDERM) qu’il convient de respecter à travers les actions de la police de l’environnement qui a la charge de protéger la forêt mahoraise et le domaine public fluvial. Il a également compétence pour reboiser les zones érodées et lutter contre la prolifération des espèces nuisibles. Cela suppose des actions de sensibilisation auprès de la population, il sera donc nécessaire de renforcer les effectifs actuels.